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ÉGLISE (CHRÉTIEXTÉ PBTMr’l « fyE)

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Pour Ignace d’Anlioclie, la présidence de l’Egalise universelle appartient à l’Eglise de Rome. Il y voit le centre visible de l’unité catholique. Cette pensée apparaît dans toute l’Epître d’Ignace aux Romains, à l’Eglise de Pierre et de Paul (/Vom., iv, 3)^uelle différence de ton et d’attitude avec les Ef^-es d’Ignace aux Eglises d’Asie ! L’inscription initiale multiplie les formules de respect et d’égard. La lettre elle-même contient, non pas des avertissements et des conseils fraternels, mais des recomn^ndations suppliantes et des hommages élogieux. Notons, en particulier, trois expressions caractéristiques.

L’évéque d’Antioche salue l’Eglise de Rome comme T.poy.v.dr.ij.vjYi T-7, i K/aTT/ ;  ;. Ce titre ne peut signifier : Eglise a qui se distingue par la charité » ; car 7 : po/Mr, ij.y.i n’admet guère la traduction : « se distinguer », et, du reste, la syntaxe exigerait, en pareil cas, que le régime, cr/v.-r, ^ fût au datif : « par la charité. » A vrai dire, r, ÇéO/.v.i}r, tt.y.t signifie : « présider ». Ignace l’emploie pour I^arler de l’évéque, « qui préside au nom de Dieu », et aussi des « presbytres » qui, autour de l’évéque, « président » dans l’Eglise locale (Magnes., vi, i et 2). Quant au mot àr/ûTTYi, il signifie « charité », avec toutes les dérivations admises par ce terme : notamment : « société de charité », association fraternelle. Ignace dit, par exemple : « la charité », Vàydnr, de Smyrne, d’Ephèse, deTroade, pour désigner l’£'g’/ise de Smyrne, d’Ephèse, de Troade (TralL, xni, 1 ; Nom., ix, 3 ; Philad. , XI, 2 ; Smyrri., xii i). Le verbe r.poxixOvi ; j.y.i, qui précède immédiatement t< ; vsjrj.r.r.t, fait comprendre que ce dernier sens est le seul raisonnable dans le texte qui nous occupe. Charité se trouA^e donc employé pour Église. Mais il ne s’agit plus de l’àyaû/î de Smyrne, d’Ephèse, de Troade ou de quelque autre ville, mais de l’à/KTt/i tout court, de la « fraternité chrétienne » f|u’Ignace voit répandue à travers le monde entier : bref, c’est l’Eglise universelle. Ylp^y.yOcfjiéjr, : ?, : , àya7T/ ; ç, ’( présidente de la charité », paraît donc signifier :

« Eglise qui préside à toute la chrétienté, » Le reste

de l’Epître n’a rien que de très concordant avec cette traduction.

Plus loin, Ignace adopte une autre fornuile qui ne réclame aucun commentaire : « Vous (Eglise de

« Rome) avez enseigné les autres. Et moi, je veux que
« demeurent fermes les choses que vous prescrivcz
« par votre enseignement ». y. /j.y.Or, Tîiiwr-i bréjj.i-d(Rom., ni, i). Voilà bien le rôle de « l’Eglise qui préside

à’< toute la chrétienté ».

Enfin, parlant de l’Eglise d’Antioche qui va être privée de son évêque, Ignace dit à l’Eglise de Rome : ce sera Jésus-Christ seul qui en prendra la garde, et aussi votre propre charité. MoVo ; aÙT/-, y I/jo-’jOi X^to-rà ; £7r « jz5T : /]T£t, zai r, ù/ji^)v êc/t/.TTr, (Rom., IX, 1). Nouvel indice qui, rapprociié des précédents, n’est pas sans quelque valeur.

Une telle conception du rang qui appartient à l’Eglise de Rome dans la cliréticnté met en relief le caractère hiérarchique et catholique de l’Eglise naissante. Ignace d’Antioche, dans les premières années du ite siècle, n’est guère moins net à cet égard que Clément de Rome dans les dernières années du 1" siècle.

(y) PoLYCAUi’K et l’Eglise de Smyrne. — Caractère hiérarchique de l’Eglise. Mainte allirmation du rôle des pasteurs, cpii sont les gardiens de la doctrine qu’il faut croire : doctrine de salut, transmise par les apôtres (Philp., vi, 3 ; vii, 1, 2 ; viii. i). lA-rme notion du christianisme comme religion d’autorité.

Cixr&clève catholique de l’Eglise. Le récit du niartyre de Polycarpe, rédigé à Smyrne par les témoins, affirme l’unité sociale et visible de l’Eglise universelle (Inscript., et viii, i ; xix, 2). La démarche de Polycarpe à Rome, sous le Pape Anicet, montre que

I c’était --bien dans l’Eglise romaine que Polyéarpe recoîirtnissait l’Eglise principale et le centre de l’unité catholique (EusÈBE, Hist. eccl., V, 25. P. G., XX, col. 508).

Au milieu du 11* siècle, nous’trouvons donc, chez Polycarpe de Smyrne, une conception de l’Eglise Iiarfaitement conforme à celle de Clément et d’Ignace.

(S) Hégksippe et ses contemporains. — Caractère hiérarchique de l’Eglise. Idée claire de la Tradition apostolique, gardée par les évêques, successeurs des apôtres (Eusèbe, Hist. eccl., IV, 22. P. G., XX, col. 377-382).

Caractère catholique de l’Eglise. Notion chez Hégésippe, de l’unité sociale et visible des Eglises chrétiennes du monde entier. Rome apparaissant comme centre religieux de cette unité (ibidem). Signification équivalente que prend la venue à Rome de plusieurs hérésiarques : notamment Valentin, Cerdon (Irkxée, Adv. hær., l. lll, cap. iv, 3. P. G., VII, col. 856, 857).

Ces différents indices (à rapprocher des autres données du problème) se rapportent au deuxième tiers du 11’siècle.

(î) Denys de Corinthe. — Caractère hiérarchique de l’Eglise. Clairement signifié dans plusieurs lettres à des Eglises helléniques et asiatiques. Autorité de l’Episcopat. Succession apostolique (Eusèb., Hist. eccl., IV, 23. P. G., XX, 384-38()).

Caractère catholique de l’Eglise. Résultant surtout de la prééminence universelle reconnue à l’Eglise romaine, et dont témoigne la lettre qui lui est adressée par Denys. Détail à retenir : Corinthe garde avec respect les admonitions que lui envoya naguère Clément de Rome (Euseb., Hist. eccl., Il, 25 et IV, 23. P. G.. XX, 207-210, 388).

Ce témoignage est des environs de l’année 170, Vers la même époque, était rédigé le canon romain du Nouveau Testament, le Fragmentum muratorianum, qui exprime si netteuient la notion d’autorité enseignante et d’unité catholique (lignes 62-59, ^ 62, 69).

( ?) Aberkios (Inscription du u" siècle). — (Voir plus loin l’article Epigraphie, où l’on donnera toutes les indications utiles sur cette « reine des Inscripfions chrétiennes ».)

« C’est lui [le Christ] qui m’envoya à Rome contempler

la Majesté souveraine et voir une Reine

« aux vêtements d’or, aux chaussures d’or. Je vis là
« un peuple qui porte un sceau brillant. J’ai vu aussi

n la plaine de Syrie et toutes les villes, Nisibe au

« delà de l’Euphrate. Partout, j’ai trouvé des confrères.

»

La « Reine aux vêtements d’or, aux chaussures d’or » n’est pas la Rome impériale, mais l’Eglise romaine. Aberkios parle de ses voyages à travers les Eglises chrétiennes. Partout il y trouve même foi,

! mêmes Ecritures, même Eucharistie. L’Empire

romain est tout à fait étranger à ce contexte. Mais, au contraire, l’esprit évident du contexte est de montrer le Christ conduisant d’abord Aberkios vers l’Eglise maîtresse et principale, av’ant de le conduire vers les différentes Eglises de la Syrie et de l’Euphrate. La désignation est d’autant moins contestable que la coutume de représenter l’Eglise sous les traits d’une matrone vénérable appartient au langage chrétien du 11° siècle, comme en témoigne sans équivoque le Pasteur d’HEUMAS.

Le caractère hiérarchique et catliolique de l’Eglise est donc heureusement illustré par cette brillante image de l’Eglise romaine. Eglise principale et centre de l’unité, qui est, dans la société chrétienne, comme la <( Reine aux vêtements d’or et aux chaussures

« d’or ».