Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/634

Cette page n’a pas encore été corrigée

1251

EGLISE (CHRÉTIENTÉ PRIMITIVE)

1252

b) Ordre de la discussion

Nous distinguerons trois périodes caractéristiques : (k) l’Eglise de Jérusalem et de Palestine ; (/3) L’Eglise pendant le ministèreuniversel des apôtres ; (y) L’Eglise pendant les trois générations qui suivent celle des apôtres : période commodément nommée « subapostolicfiie » par M. Durell (de Cambridge).

(k) Sur l’Eglise de Jérusalem. Première question : L’Eglise de Jérusalem était-elle une communauté toute mystique, ayant pour seule règle de croyance et de conduite l’action intérieure de l’Espi-it Saint ?

— Deuxième question : L’Eglise de Jérusalem était elle un groupement privé de toute indépendance par rapport à la Synagogue juive ?

(/S) Sur l’époque du ministère universel des apôtres : Première question : Y avait-il juridiction apostolique ? — Deuxième question : L’unité de l’Eglise universelle était-elle d’ordre purement idéal et mystique ?

— Troisième question : L’autorité des apôtres était-elle regardée comme passible de délégation et de succession ?


(y) Sur la période « subapostolique ». Double question : L’organisation hiérarchique des Eglises locales, l’unité catholique de l’Eglise universelle étaient-elles encore choses inexistantes ? — Ou, du moins, les voit-on paraître peu à peu, par suite des circonstances de la crise gnostique, A-ers l’an 130, et de la crise montaniste, A-ers l’an 160 ?

Après avoir examiné historiquement chacune des trois périodes primitiA-es, nous pourrons donner une réponse ferme à la question d’ensemble :

Oui ou non, le caractère hiérarchique et catholique de l’Eglise est-il postérieur aux origines ? Ouiounon, la chrétienté a-t-elle traA-ersé, d’abord, un âge précatholique ?


B. L’Eglise de Jérusalem et de Palestine

Deux caractères doivent y être étudiés : son caractère organique et son caractère autonome.

a) Caractère organique de cette Eglise

D’après le récit authentique, — et digne de foi, — de ses origines (cf. plus haut l’article Apôtres I Actes des]), la chrétienté primitiA-e de Jérusalem n’était pas, comme le prétendent nos advcrsaires, une petite secte de mystiques et d’ilhiminés, dépourA’ue de toute organisation permanente. Mais elle possédait, au contraire, une hiérarchie visible, une règle de foi extérieure et des rites spécifiquement chrétiens. Elle était donc constituée d’une manière vraiment organique.

(a) Hiérarchie visible. — Pierre et le groupe des Douze forment le collège apostolique, ayant mission d’enseigner et pouA-oir de régir toute la communauté chrétienne. On les trouvc constamment dans l’exercice du double rôle de prédicateurs et de pasteurs (ou chefs) de l’Eglise naissante.

Après l’Ascension et aA^ant même la Pentecôte, clioix de Matthias pour remplacer Judas parmi les Douze (Act., i, 12-26). Prédication de la Pentecôte ; admission et bai)tême des nouveaux converlis (Act., II, 3^-43). Gestion des biens destinés à la communauté (Act., IV, 35-87 ; ^ 2). Institution des diacres, délégation de pouvoirs (Act., i, i-C). Comparution en justice au nom de toute la communauté chrétienne (Act., IV, 8-20 ; A-, 27-33). Direction supérieure de l’apostolat des autres ministres de l’Evangile (Act., viii, i^19 ; IX, 26-80. Gal., i, 17-21). Enfin puissance coercitive, — quelquefois appuyée par intervention miraculeuse, — pour sauvegarder ellicacement le bon ordre de la communauté chrétienne (Jet., v, i-ii).

Bref, Pierre et les Douze sont bien les chefs pei"manents et responsables de l’Eglise naissante. Ils s’allirment et sont reconnus pour tels au dedans et au dehors. Il y a donc hiérarchie visible.

(/ ?) Règle de foi extérieure. — Ce n’est pas l’inspiration mystique, l’illumination tout intérieure de chaque individu, qui manifeste les A-éi-ités à croire. Mais il y a une doctrine ferme, qui constitue le message des apôtres, et que ceux-ci communiquent et imposent aA-ec autorité à tout membre de la communauté chrétienne. C’est la tradition, la chose transmise, la Tly.pv.So711 : ou encore, renseignement des apôtres : ôiôy.yr, rcÔv à.r.-^zxo/WJ (Act., Il, ^s).

Cette « règle de foi extérieure » se résume dans l’autorité divine de Jésus : Jésus est le Christ, Jésus est le Seigneur (Act., 11, 36 ; ia’, 10 ; a-, ^2 ; ix, 22. Cf. A-ii, 55-60 ; A’iii, 87 ; IX, 20). Christ, il réalise l’espérance messianique d’Israël ; Seigneur, il mérite les honneiu’s diA’ins et c’est par lui seul qu’on peut obtenir le salut.

Tel est toujours le sens des déclarations doctrinales de l’apôtre Pierre, le jour même de la Pentecôte (Act., Il), le jour de la guérison du boiteux (^c/., m), au moment de l’une et de l’autre comparution devant le sanhédrin (Act., iv et v), et lors du baptême de Corneille le centurion (Act., x). — Détail : Exemples et miracles de Jésus pendant sa Aie mortelle (^c^, II, 22 ; X, 36-38). Sa Passion et sa Croix (Act., II, 28 et 36 ; iii, 13 et 14 ; iv, 10 ; a-, 30 ; aiii, 82, -X, 89). Sa Résurrection glorieuse (Act., 11, 24-36 ; iii, 13-16 ; lA-, 10 ; A-, 30 ; a-ii, 55 ; ix, 3-6 ; x, 40, 40- Conditions et moyens du salut par le Christ (Act., 11, 38, -III. 15-26 ; lA-, II, la, 19, 20 ; a-, 29-82 ; ix, 17, 18 ; x, 4243).

Il j^ a donc une croyance obligatoire, présentée aA^ee autorité par le magistère enseignant des apôtres. Il y a règle de foi extérieure.

(y) Rites spécifiquement chrétiens. — La sanctification spirituelle n’est pas considérée comme produite par la seule action intérieure de l’Esprit-Saint dans, chaque âme chrétienne, indépendamment de tout rite sensible. Mais cette sanctification spirituelle est opérée d’une manière conforme au caractère organique et hiérarchique de la communauté chrétienne, elle est opérée par la A-ertu de rites extérieurs (deA’ant correspondre aux bonnes dispositions de chaque àme), rites dont l’application est réserA-ée aux pasteurs de l’Eglise.

Les Actes nous font distinctement reconnaître troisde ces rites : le baptême, l’imposition des mains, la fraction du pain. Même à supposer, comme on l’a prétendu quelquefois et un peu gratuitement, que ces trois rites fussent déjà usités en Israël aA-ant le Christ, ils sont pratiqués dans la communauté chrétienne selon le mode très particulier qu’enseignent les apôtres, et aACC une signification spécifiquement chrétienne. C’est, en effet, le baptême au nom du Seigneur Jésus ; c’est l’imposition des mains pour conférer le Saint-Esprit ; c’est la fraction du pain, renouvelant le mystère de la dernière Cène. Prenons des exemples historiques pour chacun de ces trois rites. Baptême au nom du Seigneur Jésus. Pm’iûcation de l’âme, et signe obligatoire d’introduction dans la comnmnauté chrétienne. — Jour de la Pentecôte (^t^, ii, 37-41). Chez les Samaritains (Act., a^ui, 5-1 6). Pour l’eunuque d’Ethiopie (Act., vni, 3638). Pour Saul convcrti (Act., ix, 18). Pour le centurion Corneille (Jc<., x, 47 » 48 ; ix, 15-17). Baptême bien distinct de tout baptême juif et même de celui de Jean-Baptiste (Act., xi, 16 et xix, i-5). Baptême obligatoire comme signe extérieur d’admission parmi les chrétiens, même s’il a été précédé par une eflusion directe de l’Esprit-Saint sur le nouvcau converti