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ÉGLISE (DANS L’ÉVANGILE)

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loin, l’article Modernisme.) D’après les modernistes, c’est donc dans la vie intime de l’Eglise, dans la conscience collective du peuple iidèle, que se manifesterait avec infaillibilité la vérité religieuse. L’unique rôle du magistèi’e doctrinal serait alors de dégager et de formuler exactement la pensée collective des chrétiens ; non pas cependant de tous les chrétiens, mais de ceux-là qui vi’ent consciemment et intelligemment leur foi. La doctrine du magistère exprimerait donc infailliblement la Aérité divine quand elle interpréterait correctement 1 expérience collective des chi-étiens digne de ce nom : exactement comme la sentence d’un juge serait vraiment légale quand elle interpréterait correctement la lettre et l’esprit du Code existant. D’une manière générale, et en vertu de son titre officiel, le magistère est présumé donner l’exacte formule de la pensée collective et infaillible ; la doctrine du magistère doit donc être normalement tenue pour vraie, et ainsi prévaloir contre les interprétations individuelles. Toutefois, s’il existe des signes probants que le magistère est en désaccord avec les chrétiens dignes de ce nom, s’il devient manifeste que le magistère veut imposer une doctrine qui ne répondrait pas à l’expérience collective, on est alors en présence d’une erreur pernicieuse, d’une usurpation tyrannique, à laquelle il faut savoir résister. Bref, c’est la conscience commune des chrétiens qui est seule infaillible : quant au magistère, il n’est qu’un écho de la conscience commune, et cet écho peut fort bien être infidèle et trompeur.

La théorie moderniste de l’infaillibilité a eu pour principaux avocats : George Tyrrell (/"/îroM^/î Scylla and Charybdis, Londres, 1907, in-16, pp. Sôô-Sgô ; et Suis-je catholique ? Paris, igo8, in-12, pp. 44-ioc5, 163-170, Christianity at the crossbars (posthume), Londres, 1910, part II) ; M. Antonio Fogazzaro (^Il Santo, dans la Re<t’ue des Deux Mondes, année 1906, tome II, pp. 17-20 ; et Les idées religieuses de Giovanni Selva, conférence donnée à Paris, le 18 janvier 1907, publiée par la revue Demain du 8 février suivant) ; M. Alfred Loisy (Simples réflexions, pp. 121li, 37-1^0, 120, 187-189, 275-277 ; Quelques lettres, pp. 1 63-1 65, 180, 219).

Citons au moins quelques phrases caractéristiques de George Tyrrell, parues d’abord dans le RinnovamentOy puis dans le volume Through Scylla and Charybdis :

« Interpréter la pensée collective de l’Eglise [ce mot

désigne ici tout l’ensemble des vrais chrétiens] est l’office des évéques, des conciles et des papes, de même que l’office d’un juge est, non pas de faire, mais d’interpréter la Loi. Lui [juge] est au-dessous d’elle et non pas au-dessus. Eux [évèques] sont les témoins, non les créateurs, de la foi et de la jjratique de l’Eglise. Ils parlent e.r cathedra dans la mesure où ils disent ce qu’elle dit ; et en faisant que ce qu’ils disent eux-mêmes soit infaillible dans la voie où elle est infaillible. Par un motif de loi, d’ordre et d’unité, leur interprétation de sa pensée doit prévaloir i ?i foro externo sur toute interprétation non officielle. Mais [dans le cas de conflit entre l’enseignement officiel et la conviction privée] en se soumettant à l’interprétation qu’il regarde, à raison ou à tort, comme étant la pensée de l’Eglise, nul homme n’est hérétique in foro conscienliæ : car il obéit à ce tribunal plus haut et invisible, duquel tous les autres tribunaux, visibles et officiels, dérivent leur autorité (p. 35.")). — Ceux qui s’écartent des croyances traditionnelles, courantes et bien établies, uniquement sons l’action de certaines vues personnelles, qui, en de telles matières, ne peuvent jamais être tout ù fait évidentes par elles-mêmes, ceux-là suivent le jugement privé au mauvais sens du terme. Mais quand il est clair que la croyance opposée gagne du terrain dans une telle mesure qu’elle représente le consensus de l’avenir ; quand la même conclusion est adoptée simul tanément par divers penseurs, indépendamment les uns des autres, on peut, et quelquefois on doit, suivre la croyance qui vit dans leur esprit (malgré le petit nombre de ses défenseurs), plut(U que celle qui croupit dans la formule (malgré la gi’ande multitude de ses adhérents passifs). En elïet, on opère ainsi un départ entre la lettre niorte, conforme uniquement à elle-même, et une expression plus fidèle, plus haute et plus autorisée de l’esprit vivant » (p. 369).

Telle est la doctrine que vise manifestement Pie X, dans l’Encyclique Pascendi. (Denzinger-Bannwart, Enchiridion, nn. 2091-2095.) — Déjà, dans le décret Lamenfabili, la 6° proposition condamnée se rapportait à la même théorie : « Dans la définition des vérités, l’Eglise enseignante et l’Eglise enseignée colla-’< borent de telle sorte que l’Eglise enseignante a

« pour unique tâche de sanctionner les opinions
« communes de l’Eglise enseignée. » (Ibid., n. 2006.)

— Nous avons donc étudié la position du problème. au sujet de l’infaillibité de l’Eglise : concept de l’infaillibilité ; objection protestante et interprétation moderniste. Reste maintenant à consulter les textes mêmes de l’Evangile ; c’est-à-dire examiner quelle est, historic |uement, la véritable institution de Jésus-Christ. D’après les textes, le Sauveur a-t-il, oui, ou non, conféré à son Eglise une préservation (divinement garantie ) contre la possibilité même de l’erreur ? — D’après les textes, cette préservation est-elle immédiatement promise au magistère enseignant lui-même, ou à la conscience collective du peuple fidèle tout entier ? — Voilà le double problème qui est à résoudre, en face des protestants et des modernistes.

b) Solution du problème d’après les textes évangéliques. — Il convient d’étudier la finale de saint Matthieu, qui regarde l’assistance perpétuelle du Christ ; puis d’en rapprocher les passages du discours après la Cène, qui regardent l’illumination par l’Esprit saint.

(/^ La finale de saint Matthieu (^-s.xiii, 16-20). — Que prouve ce texte ? — Une assistance efficace et perpétuelle de Jésus-Christ, dans l’enseignement de la vérité, comporte préservation réelle contre la possibilité même de l’erreur. Or Jésus-Christ garantit au magistère ecclésiastique sa propre assistance, efficace et perpétuelle, dans l’enseignement de la vérité. Jésus-Christ a donc garanti au magistère ecclésiastique une préservation réelle contre la possibilité même de l’erreur.

Le principe de notre raisonnement est à l’abri de toute contestation. Une assistance particulière de Jésus-Christ dans l’enseignement de la vérité a pour objet essentiel de remédier à la fragilité humaine, de faire en sorte que rien autre ne soit enseigné que la vérité elle-même. Rien de plus obvie. Donc, par le fait même que l’assistance du Christ sera efficace et perpétuelle, l’enseignement donné sera, toujours et immanquablement, conforme à la vérité ; il y aura préservation (divinement garantie) contre la possibilité même de l’erreur ; il y aura véritable infaillibilité. Nul doute à cet égard. La contestation porte tout entière sur la question de fait : Jésus-Christ at-il réellement promis cette assistance efficace et perpétuelle dans l’enseignement de la vérité religieuse ; et à qui le Sauveur a-t-il voulu faire cette promesse ?

Notre texte garantit à l’Eglise du Christ une assistance efficace et perpétuelle dans l’enseignement delà vérité. En effet, tout le passage qui nous occupe concerne directement la prédication de la vérité divine, de la doctrine évangélique, à travers le inonde entier :

« Allez, enseignez toutes nations. » (Matth., xxviii, 

19. Cf. J/rtrc, XVI, 15 ; Luc, xxiv, 47 ; Joan., xx, 21 ; Act., i, 8.) Et le Sauveur ajoute : « Voici que je suis’  « aA’ec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation