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qu’elle n’y esl point dépourvue d’objets de connaissance et qu’elle peut penser.

Ajoutons qu’elle peut aimer, puisqu’il est certain que la faculté d’aimer reçoit son objet de la pensée et agit partout oii l’intelligence peut agir.

L'àme humaine n’existe donc pas seulement après que le corps a succombé : elle vit, mais d’une vie active, et tout occupée des choses de l’esprit. Elle n’exerce plus, il est vrai, faute d’organes, les fonctions de la vie végétative et de la vie sensitive ; mais elle garde la conscience d’elle-même et de son moi ; mais elle peut contempler sa nature, ses facultés, ses actes et ses divers états ; mais elle jouit des connaissances qu’elle avait acquises dans son premier état ; mais elle peut grandir dans la science de la vérité, et particulièrement dans la connaissance et, par suite, dans l’amour de Dieu.

Enfin, elle peut penser et elle peut aimer.

— IVous avons entendu la philosophie raisonner sur l'àme humaine, et conclure que l'àme humaine est une réalité, substantielle, simple, spirituelle, créée par Dieu, immortelle. Or, c’est cela même, comme chacun sait, qui nous est enseigné par la Révélation et par l’Eglise. Nous concluons, à notre tour, que, sur ce chapitre de l'àme humaine, l’accord est parfait entre la Foi et la Raison.

Fr. M.-Th. Coconmer, O. P.

II. Ame des bêtes (L'). — Cet article a pour but de montrer à ceux qui ne savent apercevoir que des ressemblances entre l’homme et la bête qu’il existe entre l’un et l’autre quatre différences essentielles : l'àme de l’homme différant essentiellement de celle de la bête par l’opération, par la nature, par l’origine, par la destinée.

1° J’admets, comme vous le voyez, que les bêtes ont une àme. En l’admettant, je n’ignore pas que je fais trembler plusieurs spiritualistes qui ne comprennent pas comment, l'àme une fois accordée aux bêtes, il est possible de sauver, en bonne logique, la prééminence de l’homme sur la brute. Mais tout l’eml)arras qui peut résulter d’accorder une âme à l’animal ne saurait dispenser de le faire, s’il existe une raison démonstrative de lui en reconnaître une : or, cette raison existe.

En effet, l’animal vit : donc, il a une àme.

Par àme, nous entendons, en général, le principe premier des opérations vitales dans les êtres vivants, l)rincipe que l’on prouve être distinct des forces phj’siques et chimiques, par cette raison commune à saint Thomas et à Claude Bernard, que les propriétés caractéristiques des êtres vivants ne peuvent s’expliquer ni par la physique, ni par la chimie. (Voir article Vie.)

Si l'àme est le principe premier des opérations vitales, il est évident que nous devrons admettre l’existence d’une àme partout où il se produit des opérations vitales, par exemple des phénomènes de sensibilité, etc.

Or, ces phénomènes se produisent dans l’animal aussi bien que dans l’homme ; nous en avons pour garants l’anatomie et la physiologie comparées. Donc, il lui faut reconnaître une àme.

Etant établi que l’homme et l’animal ont une àme, peut-on montrer quelque dilTércnce essentielle entre l'àme de l’homme et celle de l’animal ?

J’affirme que oui.

La première différence essentielle entre l’homme et l’animal, c’est que l’homme pense et raisonne, et que l’animal ne pense point et ne raisonne point.

L’on me demandera tout de suite ce que j’entends par penser et raisonner ; je vais le dire.

2° Penser, pour nous autres scolastiques, c’est connaître l’immatériel au moyen d’une faculté immatérielle. Avec saint Thomas, nous opposons la pensée à la sensation, ou perception sensible, caractérisée essentiellement par ce fait qu’elle a pour objet un corps, et pour principe subjectif ime faculté immatérielle.

— Et raisonner, qu’est-ce ?

— C’est inférer une vérité d’une autre, au moyen d’un principe général exprimé ou sous-entendu. A cette façon de parler, il n’y a rien à dire, puisqu’il ne s’agit encore que d’une délinition de nom, et cpi’il nous est permis de donner aux termes le sens que nous voulons, à condition d’avertir, si nous nous écartons du sens qu’on y attache ordinairement, ce que nous n’avons point à faire dans le cas présent.

Avant de montrer que l’homme pense et raisonne, et que l’animal ne pense point et ne raisonne point, je voudrais développer un peu cette notion de la pensée dans l'être qui raisonne, l'étendre en quelque sorte sous nos yeux, et faire Aoir tout ce qui est ramassé dans ces petites définitions qui tiennent en une ligne.

J’ose prier qu’on accorde la plus grande attention à ces développements — très métaphysiques pour le fond, mais qui ne le seront point trop dans la forme — parce que, si je ne m’abuse, ils feront voir, dans un jour nouveau, tout ensemble la dilïérence irréductible qui sépare l’homme de l’animal et la valeur philosophique de ces formules, profondes mais d’une brièveté pleine de mystères, que vous avez souA’ent rencontrées en lisant Bossuet, Pascal, Descartes, et que ces chefs illustres de l'école spiritualiste française emploient toujours, quand ils veulent marquer d’une façon précise ce qui caractérise l'àme de l’homme et la met tout à fait hors de pair par rapport à celle de l’animal : « La raison humaine est un instrument universel qui s’exerce dans toutes les directions. » (Descartes.) « Dans notre raison, une réflexion appelle une réflexion, à l’infini et sur toutes sortes de sujets. » (Bossuet.) « L'àme humaine fait réflexion sur elle-même. » (Pascal.)

Penser, c’est concevoir, c’est entendre l’immatériel. Remarquez, je vous prie, qu’une chose, un objet peut être immatériel de deux façons : naturellement ou artificiellement. Je m’explique : l’honneur, le droit, le devoir, l’estime, le dédain, l’orgueil, voilà de l’immatériel ; ces objets, de plus, sont immatériels /Jar nature, par eux-mêmes, puisque rien de matériel n’entre dans leur constitution essentielle.

Au contraire, supposez que, par suite de quelque opération intellectuelle, un être matériel de sa nature, comme un cheval ou un chêne, se trouve quelque part, sous forme de notion ou de conception quelconque, (lyec une manière d’exister tout idéale, absolument indépendante des conditions d’existence propres aux corps qui sont actuellement et réellement dans l’espace. Cet être, à raison de son existence tout idéale, lui avissi est immatériel. Mais il ne l’est point naturellement, il l’est à la suite d’un travail de l’esprit, d’une sorte de préparation (S. Thoni., Cont. gent., lib. II, c. Co) que la philosophie explique : il l’est artificiellement.

Penser ce sera donc concevoir l’immatériel pur, ou même, ajoute saint Thomas, le matériel, poui-vu que cela soit d’une façon immatérielle. « Vel ipsum materiale immaterialiter. » (Conqi.. VlaXon, lié puhh, vn. — Taine, De l’Intelligence, 4e édit., p. 34-38.) Mais voyez ce que cela enqiorte. concevoir une chose matérielle de cette façon immatérielle, avec cette existence tout idéale dont j’ai parlé.

L’existence actuelle et matérielle dans l’espace fait l'être individuel et concret. Un être, par le seul fait