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frinnocent III et d’Honorius III. l’indique clairement : Diiella et aliæ piirgationes s’idgares ptnhilntæ sitnt, quia pev eus (sic) multoties condemnatuv (ihsnh-endiis et Deiis teiitari’idetur. (Lili. V, tit. 35, de piirgatione vulgari.)

Il nous semble qu’après l’étude précédente, on est en droit de conclure avec le P. de Smedt (^Le duel judiciaire et l’Eglise) :

« Dès l’origine, et dans tout le cours du moyen âge, 

l’Eglise n’a jamais approuvé l’institution du duel judiciaire et a souvent protesté contre elle par l’organe de ses docteurs et de ses évêques les plus distingués par leurs talents et leurs vertus, de ses conciles et de ses souverains pontifes. Jamais la légitimité du duel n’a été proclamée ou formellement admise par aucun pape, par aucun concile, ni même par aucun évêque parlant comme pasteur des âmes. »

Bibliographie. — On trouvera une abondante bibliographie dans Ulysse Chevalier, Répertoire des sources historiques du Moyen Age, Topo-bibliographie, Montbéliard (1894-1908), aux mois Duel, col. g31. Ordalies, col. 21 83. Nous signalerons ici les ouvrages principaux, et en ajouterons quelques-uns plus récents. Coulin, Der gerichtliche Zweikampf im altfranz’ôsischen Prozess (Berlin, 1906) ; Coulin, Verfall des gerichtlichen uiid Entstehung des pri<.’aten Zn-eikanipfs in Franhreich (Berlin, 1908 ss.) ; Colombey, Histoire anecdoiique du duel dans tous les temps et dans tous les pays (Paris, 186 1) ; Cauchy, J)u duel considéré dans ses origines et dans l’état actuel des mo’urs (Paris, 18^6) ; Marchegay, Duel judiciaire entre des communautés religieuses, dans Bild. de V école des Chartes (1840). A, I, 552564 ; Maier, Geschichte der Ordalien (léna, 1705) ; Patetta, Le Orf ? « //e (Turin, 1890) ; de Smedt, Le duel judiciaire et l’Eglise, extrait des Etudes Religieuses t. LXIII (1894), p. 337 ss. et t. LXIV (1895), p. 35 ss. ; Vacandard, L’Eglise et les ordalies, dans Etudes de critique et d’histoire religieuse (Paris, 1905).

Deuxième Partie. — Le Duel privé

I. Définitions et notions préalables. — II. Histoire. Appendice : ligues antiduellistes. — III. Jugement sur le duel. Appendice /. Duel dans l’armée ; Appendice IL. Duel dans les Universités. — IV. Bibliographie.

I. Définitions et notions préalables. — Il ne sera pas question ici du duel cons’entionnel public, que l’on peut délinir un combat singulier entre deux chefs d’Etat ou d’armée ennemis, ou entre deux champions choisis par eux à la suite d’une convention, par laquelle ils se sont engagés à reconnaître comme victorieuse et en droit de revendiquer les avantages de la victoire, la nation ou l’armée dont le champion aura triomphé. Les théologiens admettent que ce duel ne diffère pas essentiellement de la guerre et peut être licite tout comme elle. Le duel conventionnel privé est un combat entre des particuliers, livré sans aucune intervention de l’autorité publique, ordinairement même contre ses prohibitions, suivant des conditions librement consenties de part et d’autre, dans le but de venger une injure, de réparer son honneur outragé. Les moralistes le définissent plus brièvement : uncombatsingulier, livré avec des armes propres à tuer ou blesser, à la suite d’une convention sur le lieu, le temps (et les armes).

Les défenseurs de la légitimité du duel ne le considèrent nullement comme un moyen de se venger en tuant ou mutilant l’adversaire, ils réprouvent ce sen timent comme barbare et criminel. Ils y voient un moyen d’obtenir satisfaction d’une injure, de réparer son honneur offensé. Ceux qui veulent pousser plus loin l’analj’se, disent : par le duel vous obligez l’adversaire à vous rendre intérieurement et extérieurement l’estime que, par son injure, il vous a injustement refusée : intérieurement en lui faisant éprouver votre bravoure, extérieurement en lui faisant témoigner, par l’acceptation de la lutte, qu’il vous considère comme son égal et digne de vous mesurer avec lui. Beaucoup, sans recourir à ces subtilités, prônent le duel comme l’unique moyen de se faire rendre justice dans certains cas où nulle autre voie ne s’offre à l’offensé, au grand détriment de sa considération et de ses intérêts matériels. Ainsi le duel n’est plus qu’un cas particulier de légitime défense de soi et de ses biens dans une nécessité urgente. Au xvii’siècle déjà, Alexandre vu (1655-1667) condamnait la proposition suivante : « Un gentilhomme (vir equestris) provoqué en duel, peut l’accepter pour n’être pas considéré comme un lâche. » Denzinger-Bannwart, Enchiridion, 1102 (978). Il s’est rencontré au xviii’siècle des théologiens pour prétendre que le duel, toujours illicite dans une société bien constituée, pourrait être permis dans l’état de pure nature et même dans une société mal gouvernée ; mais leur opinion a été condamnée par Benoit XIV (Bulle fi Detestabilem ^1 10 nov. 1752) (Prop. 4)- Dans l’état de nature, il est permis d’accepter et de proposer le duel pour défendre son honneur et ses biens, quand on n’a d’autre moyen de conjurer leur perte. — (Prop. 5) Cette permission… s’applique à une société mal gouvernée, où, par suite de la négligence ou de la malice des magistrats, la justice est ouvertement refusée. Denz.-Bannwart, 1494-5 (1346-7).

IL Histoire du duel conventionnel privé. — Les monuments celtiques, étudiés avec soin durant ces dernières années, ont confirmé ce que Diodore de Sicile avait fait connaître de la fréquence des duels chez ces peuples : Inter ipsas quoque epulas, causa ex jurgio quomodocumque arrepta, insurgere, et ex provocatione, nihilivitæ jacturam aestimantes, inter se digladiari soient. (Biblioth. hist., 1. V, c. 28). Ces duels, il faut le dire, ressemblent beaucoup aux disputes privées qui se rencontrent chez tous les peuples. Il faut descendre au moyen âge pour trouver dans les tournois et les joutes, introduits surtout par la chevalerie, des prodromes du duel privé. Le tournoi était un combat simulé, dans lequel les combattants, partagés en deux camps et souvent en nombre considérable (parfois 500 et jusqu’à 2.000 de chaque côté), luttaient les uns contre les autres sous les yeux des spectateurs, pour faire preuve de A-aillance ou pour obtenir des prix, décernés souvent au vainqueur par la reine du tournoi, choisie parmi les plus nobles dames. Jeu d’origine française, les tournois se multiplièrent depuis le milieu du xil" siècle, surtout au nord de la France et en Flandre, d’où ils gagnèrent l’Allemagne et l’Angleterre, où souvent, nous l’avons remarqué plus haut, ils furent comme une forme du duel judiciaire. Peu à peu le tournoi fut réservé aux seuls gentilshommes. Plus semblable au duel fut la joute, combat entre deux adversaires seulement, et qui parfois se prolongeait plusieurs jours. Purs jeux en soi, mais toujours dangereux à cause de la nature des armes qui souvent ne différaient en rien des armes de combat, à cause aussi du poids énorme des armures, les joutes et les tournois se terminaient souvent par des accidents mortels, si bien ([ue parfois, au début de la mêlée, on plaçait au milieu des lices un cercueil ouvert. On comprend pourqixoi l’Eglise les interdit bientôt avec le duel judiciaire et