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DOGME

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au v’ou au vi’siècle peut paraître aujourd’hui insuflisante ; la découverte de documents nouveaux peut amener que, à telle époque postérieure à la déflnition, la question, du point de vue critique, soit plus embrouillée que jamais ; ce cas n’est eml>arrassant que pour la critique, et c’est précisément pour que la foi ne soit pas soumise à ces oscillations de la science, qu’un magistère infaillible est indispensable. « Pourquoi le jugement propre, qui n’a pas le droit d’interpréter les Ecritures contre la voix de l’autorité, aurait-il le droit d’interpréter contre elle l’histoire ? » Neavmax, Lettre au duc de Norfolk, cité par Thu-UEAU Dangin, La Renaissance cathoL en Angleterre, in-8"J, Paris, 1 899-1 906, t. III, p. 1^8 ; /) puisqu’une déiinition nécessairement vraie ne peut être en opposition avec les conclusions sûres de la critique, la critique qui posséderait adéquatement tous les documents relatifs à la question al)outirait au même point que la foi. Au savant catholique de produire toutes les pièces du procès, gênantes ou favorables, avec pleine loyauté, mais à lui aussi de se reposer avec conûance sur l’Eg-lise, assuré qu’il est de la conclusion.

XVIII. Avenir du dogme. — A. Sa déformation progressis’e, sous la poussée aveugle des foules, est prédite par quelques auteurs. M. Axspach, Le dogme de la Trinité, in-16, Bruxelles, 1907, conclut ses fantaisies, p. 160 sq., en présageant l’identilication de la Trinité avec la Sainte-Famille… On voit le genre.

Qu’il sullise de rappeler que l’Eglise s’est déclarée lice par son passé. Aucun développement dogmatique ne peut être admis qui ne sauvegarde toute la doctrine antérieure, cf. XIII, et les principes que nous avons signalés, col. Il’j3 sq., cf. art. Tradition.

B. Sa mort prochaine est la prophétie commune de ceux qui aspirent à la succession. Cf. col. 1 1 2’j sq. La polémique ancienne menait le deuil avec cynisme ; le rationalisme contemporain, de])uis Renan surtout, ajcnite volontiers un panégyrique ému des services passés. La différence importe peu. Cf. Jouffroy, Comment les dogmes finissent, dans le Globe, 24 mai 182.5, t. II, p. 565 sq., reproduit dans Mélanges pliilosophiques, 4*édit., in-12, Paris, 1866, p. 1-80 ; cf. Caro, Comment les dogmes finissent et comment ils renaissent, damsla-Beiæ des Deux Mondes, 1886, t. LXXIII, p, 48j-521 ; G. Skailles, Pourquoi les dogmes ne renaissent pas, dans la Grande Bes’ue, 1908 ; réjionse de M. G. Sortais, Pourquoi les dogmes ne meurent pas, dans les Etudes, 1904, t. XCVIII, p. 779 sq., t. XCIX, p. 91 sq., et in-16, Paris, 1905. M. GuiGNEBEiiT, plus avisé, avoue que l’agonie sera longue, Modernisme et Tradition, dans la Grande Ec’ue, 1908, p. 127 sq. ; A. Réville, avec beaucoup de protestants libéraux, i^réA^oit la transformation du Christianisme en un panthéisme mystique, Histoire du dogme de la di’inité de J.-C, 3<= édit., in-12, Paris, 1904, p. 182 sq. etc.

Des idées analogues ont été émises dans les deux enquêtes ouvertes sur k la crise » religieuse actuelle, celle du D^Rifaux, Les conditions du retour au catholicisme, 2’édit., in-16, Paris, 1907, extraits dans les Quest. actuelles, 1907, t. XCI, p. 251 sq., 285 sq. ; t. XCII, p. 75 sq., et celle du Mercure de France, 1907, extraits, ibid., t. XCI, p. 294 sq. ; 336 sq., t. CXII, p. 13 sq., 51 sq., 124 sq.

Voici les raisons principales qu’on allègue : a) la critique historique aurait ruiné définitivement les bases du Christianisme…, 5) la philosophie moderne aurait fait justice des dogmes… /) les sciences naturelles accuseraient de jilus en plus l’irréductible 011position de la science et de la foi.

Malgré ce réquisitoire, la promesse d’indéfectil)i lité faite par le Clirist à son Eglise doit rassurer les fidèles. Bien timide la foi qui tremble, dès qu’un savant annonce qu’il sl parler !

L’histoire de tous ces dogmatismes hétérodoxes, que les siècles en passant ont apportés et remportés, habitue aussi à plus de conlîance. Il n’est pas dans la (( critique moderne », dans la « philosophie nouvelle », dans la « science contemporaine « de reproches si acerbes, de prédictions si assurées, qu’on n’en puisse trouver l’équivalent parmi les disciples d’Abélard au xii* siècle, chez les Averroïstes au xiii% chez les Réformateurs au xvi% chez les Cartésiens au xviie, chez les Philosophes au xviii% chez les Hermésiens au xix’. Pourtant tous ces sjstèmes « déûnitifs », la science d’aujourd’hui, même rationaliste et athée, ne les juge plus utilisables que par morceaux. Le dogme catholique, au contraire, survit à tous et a profité de toutes leurs attaques : il sutUt de rappeler l’essor philosophique du xiii*^ siècle et la codification dogmatique des conciles de Trente et du Vatican, qui leur doivcnt en bonne partie l’existence. La théologie s’est grandement développée et le dogme s’est précisé : la foi seule reste debout.

Un peu de critique enfin remet aisément au point ces formidables objections.

Un fait s’impose, quand on parcourt les enquêtes citées plus haut, ou toute autre pièce analogue, c’est la prodigieuse diversité des accusations et leur désaccord. Con^-enientia testimonia non erani, Marc, ’s.iv, b&. Si tous les historiens, tous les philosophes, tous les savants qui comptent, s’entendaient contre le Christianisme dans une seule et même conclusion, ou dans un minimum de faits communs, ce serait chose grave. Cela n’est pas. Où est la philosophie moderne, /’exégèse moderne, la science moderne ? L’intransigeance du grand nombre — cai* il y a aussi des savants éminents qui tiennent pour la foi — leur intransigeance à l’égard des dogmes, n’a d’égale que leur intransigeance à l’égard des systèmes d’autrui. Mais alors il y a donc moins un fait acquis qu’une attitude commune, un besoin d’arriver aux mêmes conclusions et des essais généreux mais discutables, où s’allirme moins une science faite qu’un principe, l’indépendance absolue de la pensée individuelle en toutes choses et surtout à l’égai’d de toute assertion ([ui dépasse « la certitude sensible, vérifiée et contrôlée ». C’est efirayant. parce que rien n’est plus antidogmatique, et rassurant, parce qu’il n’y a pas là le commencement d’une démonstration.

Entendons-nous. Toute la philosoj)hie hétérodoxe tend au panthéisme évolutioniste, mais avec les divergences considéral)les qui s’étagent entre le matérialisme de M. Hæckel et fidéalisme de M. Bergson, et sans avoir, à aucun de ces degrés, résolu les contradictions de tout pantliéisme. Cf. Création, CriticisME, Idéalisme, Matérialisme, Panthéisme. Si la pensée moderne a pris position, on ne peut pas dire que cette position elle l’ait conquise pour toujours, ni même pour longtemps.

Même phénomène en histoire. Cf. Critique, Evangiles, etc. M. Loisy contredit M. Harnack, qui contredit MM. Gunkel, Bousset, que contredisent MM. Ramsay, Sanday, et d’autres encore. L’esprit de Strauss et de Renan survit, non leurs thèses ; celles (le M. Havet sont abandonnées, et la science de Voltaire prête à rire.

Les sciences naturelles professent l’évolution : c’est chose manifeste ; mais on oublie de dire, et des savants autorisés le rapjienciit de temps en temps, que le fait n’est pas prouvé, bien que certains faits favorisent l’iiypothèse, et le fùt-il, on n’aurait encore rien gagné contre le dogme de la création, cf. Création, Evolution.