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DOGME

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rentrent dans le plan divin : c’est au cboc des objections intellectuelles que la doctrine spéculative se développe ; il est donc assez normal que la première occasion des hérésies vienne des docteurs eux-mêmes.

« En scrutant les vieux récits, disait S. Jkrôme, je

ne puis trouver personne qui ait déchiré l’Eglise cl égaré les peuples loin de la maison du Seijjfneur. en dehors de ceux que Dieu avait constitués ses prêtres et ses prophètes. » In Oseam, ix, 8, 9, P. L., t. XXV, col. 896 ; cf. /// Zachar., x, 3, col. 1492. En fait, on trouverait l)ien, dès les premiers siècles, Théodote le tanneur, Théodote le banquier et quelques autres hérésiarques laitpies ; mais ce n’est pas l’ordinaire que tanneurs ou banquiers discutent de théologie. Il est naturel que l’erreur prenne naissance ailleurs.

L’autorité n’interviendra guère, îivant que la doctrine erx-onée soit sortie du cercle restreint où elle est née. Elle peut donc, surtout si elle a été proposée comme une hypothèse plutôt qu’afîirmée avec éclat, obtenir une tolérance temporaire. Avec le nombre des adeptes, le bruit augmente, la thèse il’ordinaire s’exagère, le débat entre dans le grand public, et les I)assions personnelles entrent dans le déljat. C’est le signal parfois des pires excès. Devant ces faits, la conscience de l’Eglise se consulte. Elle laisse aux réponses spéculatives le temps de se j^roduire. Chacun, pendant ce temps, milite pour son opinion.

Ce qu’il importe de rappeler ici encore, c’est que les dissertations doctrinales ne sont qu’une partie des pièces du procès, et donc l’iiistorien ne peut raconter ces luttes avec de seuls extraits des docteurs. Pendant comme avant ces discussions, la foule chrétienne continue à manifester sa foi par ses actes : ces protestations constituent un document de première valeur. Newmax l’a compris, en signalant à l’attention celles qui se produisirent durant les controverses ariennes, The Arians ofthe IV Century, Londres, 1901. note v, p. l^l^b sq. ; son sens historique très affiné le rapprochait des sévérités de Petau à Idgard de quelques Pères anténicéens, et son sens théologique très averti l’amenait à Aerser au débat ces témoignages trop négligés ; cf. J. Lebretox, op. cit., 1. 1, p. 260 scj.

/) Dé finition. — Au moment opportun, l’Eglise parle : elle sanctionne la formule exacte de la doctrine désormais explicitée. De nouvelles discussions s’établissent sur les points qui prêtent encore à quelque doute. L"anq)litude de la négation décroit ainsi, à mesure que la i)romulgation officielle gagne en précision, jusqu’à ce que des attaques plus radicales, comme celles du socinianisme, du philosophisme, du rationalisme moderne, remettent en c]uestion toute l’œuvre du passé.

Ces trois divisions, possession, discussion, définition, rendent assez bien le mouvement général du développement. Il est évident pourtant que dans un tel cadre trouvent place bien des différences. Elles apparaîtront suffisamment, si l’on compare les faits qui aboutissent, après la condamnation d’Arius, à celle de Nestorius et d’Eutychès, et ceux qui conduisirent à la définition derimmaculéeConception. Dans le premier cas, le progrès ressemble à la fin d’un débat logique : on maintient, contre les dernières tentatives de déformation, la rigueur de la définition première, la vérité de l’Incarnation ; dans le second, la piété stimule le zèle des docteurs, gagne des adhérents, à mesure qu’ils résolvent les objections théologiques, et, par des instances de plus en plus pressantes, requiert la sanction de l’autorité. L’idéal de piu-eté du peuple chrétien et sa dévotion à la Mère lie Dieu ont là un rôle très particulier.

XVII. Critères du développement- — Pour apprécier la légitimité d’une évolution de ce genre, il existe

deux critères bien distincts, la foi et la science. L’Eglise faisant appel, à quelque degré, à l’un et à l’autre, il convient de considérer trois cas : critère du fidèle, critère du savant, critère du magistère ecclésiastique,

1° Critère du fidèle (la foi). — Comme l’Eglise a reçu de son fondateur la promesse d’infaillibilité, le fait que sa doctrine officielle comporte aujourd’hui tel dogme, ou que sa doctrine passée le professait officiellement ou universellement, est une preuve assurée de la vérité du dogme considéré : le contraire entraînerait que le Christ a manqué à ses engagements et le Saint-Esprit à sa mission. Le fait accompli porte donc en lui sa justification : il est légitime, puisqu’il est.

Pareil raisonnement ne vaut que pour le croyant, mais le croyant ne peut le récuser sans illogisme.

Sans doute, dire : « l’Eglise prouve la foi et la foi prou’ve l’Eglise » serait admettre un cercle vicieux manifeste, mais tel n’est point le cas.

L’autorité de l’Eglise se prouve, avant la foi. par la raison seule, en faisant usage de tous les arguments (externes et internes) qui contribuent à montrer en elle l’œuvre du Christ et l’héritière de ses promesses ; mais les droits de l’Eglise ainsi établis, c’est un devoir pour le fidèle d’obtempérer à ses injonctions. Il se peut qu’il voie des difficultés impressionnantes, que la décision du magistère ecclésiastique lui semble erronée, que les solutions des docteurs catholiques lui paraissent faibles — et elles peuvent l’être longtenqjs, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé, à côté de la réponse dogmatique, laréponse critic|ue — mais, aux yeux mêmes de la raison, c’est une inconséquence d’admettre sur bonnes preuves la divinité et l’infaillibilité de l’Eglise et d’admettre, en même temps, que l’Eglise se trompe, parce qu’on ne voit pas, dans l’instant, comment elle peut avoir raison de professer qu’elle est infaillible, précisément pour remédier à l’infirmité du jugement privé, et de douter d’elle, [)arce c]ue le jugement privé ne peut, dans un cas, rejoindre actuellement ses conclusions.

Une seule attitude est donc logicpie : s’en tenir à la décision de l’Eglise (solution extrinsèque) et attendre ou chercher l’explication critique (solution intrinsèque), sans aucune hésitation sur le résultat.

2° Critère du savant (la science). — Le savant — si nous l’opposons au fidèle, nous le prenons incrédule

— est dans une tout autre condition.

Evidemment, c’est uniquement en contrôlant le passé au présent, qu’il pourra vérifier l’identité continue de la doctrine. La tâche n’est simple… qu’aux yeux des sinq>les.

Un cas sci-ait très clair : établir cpi’une doctrine universellement reçue a été ensuite universellement rejetée ou inversement, ou encore qu’un dogme officiellement promulgué a élé officiellement condamné. Rien de tel dans l’histoire.

Les cas qui se présentent sont plus complexes. Tant qu’on a prouvé seulement qu’une doctrine aujourd’hui reçue universellement ou officiellement a été autrefois rejetée temporairement ou localement, ou inversement, on n’a rien signalé cjui ne soit dans la logicpie des choses, étant donné l’implicitation primitive, les tâtonnements inévitables, la liberté que l’Eglise laisse avant que les décisions soient mûres, etc. La dogmatique chrétienne, composée de multiples dogmes, n’étant pas un bloc dont il faille ou tout connaiti-e ou tout ignorer, la science des plus grands docteurs, ou la foi de certaines régions, ont pu être acconq>lies sur de multiples sujets et incoml )lètes sur quelques autres. Ces erreurs individuelles. en un sens, importent peu, cf. col. 1171.

Ce qu’il faudrait démontrer, c’est que la doctrine