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banal : nous ne concevons pas conuneniun esprit peut agir sur un corps. A quoi il nous suffirait de répondre que toutes nos ignorances sur le comment des choses ne prouvent ni pour ni contre l’existence des choses.

Par tout ce qui précède, on voit combien saint Thomas avait raison de dire : '<Ea quibus aliqiti conati surit probare aniumm esse corpus, facile est solvere » (Corit. ?ent.. lib. II, c. 64) ; on voit que les raisonnements des matérialistes ne sont que des sophismes, ne pouvant pas être même comptés au nombre des plus fins, et auxqiiels les hommes intelligents ne se laissent prendre que pai- distraction, ou faute d’avoir été suffisamment initiés aux principes d’une philosophie sérieuse.

Il demeure donc établi que lame humaine, non seulement n’est pas un corps, mais existe et subsiste indépendamment du corps auquel elle est unie, puisque c’est elle-même qui le fait être et subsister. Par là même aussi se trouvent prouvées les quatre thèses que nous nous étions proposé de démontrer d’abord sur l'àme humaine ; à savoir : qu’elle est une réalité, substantielle, simple, spirituelle.

6" Mais, de la spii-itilalité découlent deux conséquences importantes :

La première regarde l’origine de l'àme. C’est un principe que l’origine de l'être doit répondre à sa nature, autrement dit que son mode d’arriver à l’existence doit être en rapport avec son mode d’exister. L'àme humaine, existant, indépendante du corps et de ses organes, doit, par conséquent, an-iver à l’existence autrement que par l’action d’un corps, et ne saurait avoir pour cause efficiente directe une opération organique. Elle n’est donc point, à proprement parler, engendrée. Comme, par ailleurs, elle ne peut procéder d’une autre àme. par voie de fractionnement, à titre de parcelle détachée, puisque les âmes n’ont point de parties, il s’ensuit qu’elle ne peut être produite que par création, et qu’elle est œuvre toute de main divine.

La seconde conséquence, plus importante encore, qui résulte de la spiritualité de l'àme humaine, c’est qu’elle est immortelle ; mais ici nous devons entrer dans quelques développements.

Une chose peut être immortelle ou i)ar nature, ou par grâce, par faveur, si l’on veut.

Ce que c’est que d'être immortel par grâce, cela se comprend tout seul. C’est ne jamais mourir, c’est vivre toujours, non en vertu des ressources ou de l'énergie de sa propre nature, mais par une favevu' gratuite de Dieu, supposé qu’il plaise à Dieu de maintenir dans l’existence un être qui, abandonné à ses seules forces, devrait succomber. Dieu, en effet, pourrait faire vivre un arbre éternellement : or, l’arbre qui vivrait ainsi sans lin serait immortel par faveur, par privilège et non par nature.

L’immortalité j)ar nature, ou de nature, n’est guère j)lus difficile à entendre que l’innuorlalité par grâce, ou immortalité de faveiu' ; cependant, il faut y employer une distinction, car il y a deux manières d'être immortel par nature. La première, la plus noble, consiste à être si parfaitement en possession de l’existence, qu’il répugne absolument, qu’il soit mélaphy. siqucment impossible, qu’on en ait jamais été dépourvu, et qu’on en soit jamais dépouillé. Comme vous le comprenez tout de suite, cette immortalité appartient eu propre et exclusivement à l'être nécessaire, dont l’essence est d’exister ; c’est l’immortalité de Dieu.

Mais il existe une autre immortalité de nature : c’est celle qui convient à un être dont la nature est telle qu’une fois amené à l’existence, il doit exister toujours. Cet être, comme vous voyez, n’a pas la

nécessité, ni l’immortalité absolue de Dieu ; il n’est immortel et nécessaire que d’une nécessité et d’une immortalité d’hypothèse. Cependant, l’on dit avec raison qu’il est immortel de nature, parce qu’en effet, supposé qu’il reçoive l’existence, sa nature demande qu’il la garde toujours.

Or, quand nous disons que l'àme est immortelle, nous entendons qu’elle est immortelle non pas seulement par grâce, mais par nature, et doit exister toujours par le seul fait cpi’elle existe.

Il est d’abord certain que l'àme n’a rien à redouter de la destruction du corps.

N’avons-nous pas prouvé que l'àme est spirituelle, c’est-à-dire tient d’elle-même, et non du corps, sa subsistance ?

L'àme humaine, nous l’avons vu, a une nature qui dépasse le corps, une existence transcendante qui lui appartient en propre, qu’elle ne tient que d’elle-même. Son corps donc venant à lui faire défaut, elle demeure quand même, en vertu de cette subsistance que le corps ne pouvait lui donner ; à peu près comme un associé de commerce reste aux affaires et continue la spéculation, même après que les fonds communs de la société ont été détruits, poiu- peu qu’il possède des fonds particuliers et n’appartenant qu'à lui.

L'àme humaine subsiste, son corps même étant détruit. Elle bénéficie alors de son existence indépendante. Mais l'àme humaine peut survivi-e au corps, sans être, pour cela, proprement immortelle, immortelle par nature, car peut-être porte-t-elle en ellemême un germe de destruction. Voyons donc si sa constitution, si son essence est telle qu’elle ne puisse mourir. Mais comment saisir cette essence de l'àme, et comment notre regard povirra-t-il atteindre jusqu'à sa constitution intime ? Ne savons-nous pas que la nature intime des êtres se révèle, se reflète, pour ainsi dire, dans leurs propriétés et dans leurs opérations ? Nous n’avons donc qu'à interroger l’action et la tendance de l'àme humaine.

Regardez, je aous pi’ie, quel est l’objet préféré de sa connaissance, et à quoi la porte le plus impérieusement son désir.

Sans doute, elle commence par s’occuper du monde sensible et de ses phénomènes ; il faut que les sens lui fournissent d’abord la matière brute et indispensable à l'élaboration de ses idées. Mais les notions sensibles, les faits ne lui servent qu'à prendre son élan. Des faits, vite elle remonte aux lois, aux causes, aux principes. Ce cpii l’attire, c’est l’universel, ce sont les vérités nécessaires, immuables, éternelles. Sans doute, le spectacle de la création est merveilleux et transporte ; mais il n’exerce point le même charme prestigieux sur l'àme que la contemplation des vérités rationnelles. Rappelez-vous l’enthousiasme de Pythagore quand il sacrifiait sa génisse aux Muses, pour lui avoir découvert quelqu’une des éternelles propriétés d’une figure de géométrie. Rappelez-vous Archimède méditant sur les rapports immuables des nombres, et ne pouvant plus voir ni les ennemis, ni la mort qui s’approchent. Entendez Platon célébrer la félicité de ceux qui contemplent le beau et le bon, premièrement dans les arts, secondement dans la nature, et enfin dans leur source et dans leur principe qui est Dieu. Vous savez comment Aristole loue ces lieureux moments <( où l'àme n’est possédée que de rinlilligence de la vérité », et comment il juge une telle vie, seule digne d'être éternelle, seule digne d'être la vie de Dieu ; avec quelle assurance, aussi, il affirme que la plus petite lueur qui nous vient du monde des vérités éternelles et divines est incomparaljlemcnt plus douce et plus précieuse cpie toutes les splendeurs d’un soleil comme le notre. Enfin, vous savez comment les saints sont tellement ravis de ce