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DOGME

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posr ; ède. De même, les théories scientifiques qui se succèdent ne sont jamais pleinement nouvelles. Elles s’incorporent, et plus qu’on ne pense, une bonne part des thèses qui les ont précédées. De la Barre, La s’ie du dogme, Appendice, p. 261 sq.

h. Pratiquement, il était indispensable que la Providence nous assurât ces points de repère. La philosophie n’a pas la prudence des théories scientifiques. L’indépendance absolue des systèmes à l'égard du passé, à l'égard même des évidences premières, a conduit à ce résultat : l’humanité, en dehors des connaissances positives, n’a pas un seul point universellement acquis. Les penseurs isolés ont des convictions robustes et intransigeantes, mais contradictoires, et la masse, qui ne spécule pas, se partage sur la foi plus ou moins aveugle de leurs enseignements. Cela rend assez manifeste la nécessité d’un Maître qui n’ait point les défauts des autres, dont la parole ne soit pas à reviser. Unigenitus nobis enarras’it, Joa., i, 18.

c. Enfin ces données de la révélation chrétienne ne sont ni stériles comme des sons, même indéiiniment répercutés, ni comme de la lumière indéfiniment éclairante, mais d’intensité limitée, ni comme des formules au maximum de leur rendement. Si elles garantissent à la pensée humaine certaines vérités comme indubitables, elles laissent à la science le soin de reconstruire toutes ces conclusions par ses méthodes propres, Concil. Vatic, Sess. iii, c. 4 ; Denzinger, n. 1799 (1638). Elles la stimulent même par les perspectives qu’elles lui ouvrent.

A juger exactement des choses, aucun fait n’est document stérile que pour celui dont la pensée est éteinte. Pourquoi les dogmes seraient-ils seuls inutiles ? Leur nature est plus haute, leur contenu plus riche, et la grâce intérieure les accompagne, pour aider à le déchiffrer. Loin d'être un poids mort, ils sont pour l’esprit un germe et un levain de vie. C’est sous cet aspect qu’il nous reste à les considérer.

XIV. Objet du développement. — Pour classer les développements que la lui a reçus, au cours des âges, on pourrait peut-être les ramener à trois chefs principaux : 1° progrès historique, 2° progrès logique, 3' progrès apologétique.

1° Expansion historique. — Chaque fois qu’au principe de droit s’ajoute sa réalisation dans un fait. Ainsi aux dogmes primitifs de l’indéfectibilité de l’Eglise, de son infaillibilité, de son pouvoir sur les Sacrements, sont venus s’adjoindre, avec le temps, ceux de sa persévérance actuelle, de l’infaillibilité de toutes les définitions portées, de la légitimité des ssicremcnls présents, etc. Cf. Scarez, De (ide, disj). III, secl. ii, n. 6, t. XII, p. g^l » ; disp. 11, scct. 6, n. 18,

2° Elucidation logique. — C’est là que se manifeste plus spécialement le progrès, par passage du confus au distinct, de l’implicite à l’explicite. On distinguera : y) un progrès anal) tique ou d’inventaire. Il comprendrait tous les cas où la notion dogmaticpie arrive à se dégager plus distincte, soit qu’on la sépare mieux de tout ce qui lui était adventice, comme d’opinions et de légendes insulHsannnent autorisées, soit qu’on arrive enfin à formuler en abstrait des vérités professées au concret dans les usages chrétiens (inq)licite pratir|ue), mais que l’ensenil)lcau moins de ta coniMninauté n’avait jias encoïc fornuilécs à part. Ainsi de ta divinité et de l'égalité i Fils cl du Saiiit-Kspril exprinu’es, dès l’origine, dans la formule t)aptisniale. Malt., xxviii, 19 et, en (luelques endroits, dans le rite même de la triple immersion. S. Basile insistera à juste titre sur ce fait quc la litnrgi(> traduit la foi en actes et qu’il est légitime

de la traduire en formules. De Spiritu Sancto, c. ix, n. 24, P. G., t. XXXII, col. iii, cf. n. 26, 27, 28, 60, 68, 75, col. 113, 117, 19a, ig3, aog. Ainsi encore l’inventaire dogmatique se i^récise-t-il, quand ou définit solennellement, à Ephèse, la Maternité divine de Marie. Le mot Ôïîtszî ; , comme terme ofliciel, est nouvcau, non la doctrine, bien que le mot l’ait rendue de manière plus nette. Cf. S. Cyrille, Epist. ad monach., P. G., t. LXXVII, col. 13 ; Neubert, Marie dans l’Eglise anténicéenne, in-12°, Paris, 1906, p. I, c. iii, p. 121 sq.

Progrès d’inventaire encore, celui qui consiste dans rénumération distincte des vérités particulières contenues dans une proposition générale.

Tous n’auraient pu dire, dès les premiers temps, tout ce qu’impliquait l’estime singulière que l’on portait à la virginité de Marie. Vierge a^ant l’enfantement, à n’eu pas douter, était-elle demeurée telle après et pendant ? La réponse était moins évidemment connue de tous, puisque quelques Pères ont pu douter ou nier de bonne foi. Neubert, op. cit., p. 11. c. I, p. 159 sq. ; d’Alès, dans les Etudes, 1908, t. CXIV, p. 453 sq.

Sa toute sainteté contenait certainement l’exemption de toute faute mortelle. Excluait-elle tout péché véniel ? Quelques Pères ne l’ont pas cru. Cf. Canisils, De Verhi Dei corrupt., in-fol., Lyon, 1584, t. II, De Maria s’irgine, 1. IV, c. xxvii scj., spécialement c. xxix, p. lo ! sq., 418 sq.

Excluait-elle même le péché originel ? La question ne se posait guère, avant que la théorie générale eût été elle-même discutée. Il a fallu ensuite quatorze siècles, avant que l’Eglise aflirmàl que la sainteté attribuée à Mai’ie par les premiers âges s'étendait jusqu'à ce miracle de préservation. Le Bachelet, l’Immaculée Concept., t. I, p. 9-33 ; t. II, p. 55-62.

A cette catégorie appartient aussi toute une série de définitions, qu’on pourrait être tenté de ranger dans la suivante. Quand les Conciles définissent, contre Nestorius, que le Verbe de Dieu et la nature humaine dans le Christ ne sont pas seulement dans le rapport d’une union morale ou, contre Eutychès, qu’ils ne sont pas dans le rapport d’une fusion physique, ils ne font qu’exclure des opinions inconciliables avec la notion de Dieu-incarné, qui dès l’origiiuappartenait à la foi chrétienne. En dégageant mieux cette vérité, ils ne lui ont rien ajouté.

/3) Progrès déductif. Dans d’autres cas, le dogme s’enrichit au contraire de conclusions nouvelles.

Ce seront des déductions sj)éculalives : telles, scmble-t-il, celles qui ont trait aux distinctions de nature et de personne en Dieu, à la consubstantialité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, aux notions de gràc<', de surnaturel, de transu !)stantiation.

D’autres concernent le domaine pratique. Ainsi arriveront à la pleine lumière des vérités d’abord négligées. Le culte de la Croix, des Saints, des images, des reliques, ne se manifestera qu’assez tard. A la première heure, certains docteurs témoigneront même de quehpie exagération contre le culte extérieur. Somme toute, il valait mieux qu’il en fût ainsi, et que les premières générations chrétiennes en tinssent à excéder parfois dans leur réactit>n contre le formalisme païen. Le danger passé, on déduira aisément des principes de la foi la convenance et la licéité des pratiques nouvelles.

Au même ordre appartiennent des conclusions conune les suivantes : inamissibilité du l)aptême, valeur (tu l)aj>tême des héréti(pics (voir Baptême des iiÉHKTiQUEs), ilérabilité de la pénitence, qu’il est facile de tirer, dès que les principes sont hors de conteste..

v) Progrès synthétique. Par la mênu' raison, l'élucidation des dogmes isoles amène à percevoir leur