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DOGME

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accomplis par le Christ ou pai- ses Apôtres, dont une partie a fait trace dans les écrits canoniques.

De l implicite logique, il y en a dans la richesse de ces g : randes vérités qu’on va se transmettre avec des mots invariables et qui vont bientôt s’agglutiner en symboles : de l’implicite prati([ue, il yen adans toutes ces habitudes de la vie chrétienne, rite ternaire de l’initiation baptismale, adoration pratique du Christ, célébration de l’Eucharistie, impression profonde du caractère et du rang singuliers de sa Mère. etc. Voilà le « germe ». Ce ne sont pas les textes primitifs seuls ; c’est tout l'élan primitif de la rie chrétienne.

XII. Plénitude apostolique —Il ne faut donc pas que ce mot de « germe » fasse illusion. Il n’exprime nullement une foi embryonnaire et mal délinie. Il signifie seulement que toutes les formules intellectuelles, tous les rites, toutes les institutions de l’Eglise sont en puissance dans cette doctrine très riche malgré son raccourci et dans cette Aie très intense, comme toutes les démarches et toutes les folies que commandent une grande pensée et un grand amour sont en germe dans cette idée et cette alFection.

C’est ce que la théologie chrétienne, depuis S. Irénée et Tertullien, jusqu’aux scolastiques et jusqu'à nous, a exprimé en parlant de la « plénitude des temps apostoliques ». Enracinée dans leur àme par cette pédagogie divine cjue nous avons esquissée, plus vive i au lendemain des leçons reçues, plus concrète grâce aux exemples du Christ gradés dans leur mémoire, accrue enfin, de manière miraculeuse, par les dons de la Pentecôte, la science des Apôtres était moins discursive, mais plus riche et plus siire. Cf. S. Thomas, Sitm. theol., II, ii. q. i, a. 7, 4"° ; Suarez, I)e fide, disp. II, sect. 6, t. XII, p. 3.^, 35 ; Franzelin, De tradit., thés. 23, schol., p. 287, 288 ; Baixvel, L>e magist. t'/'0 et tradit., p. 128 sq.

Aussi y a-t-il intérêt à examiner de plus près la métaphore « du germe ».

M. Blondel la critique, parce qu’il y a, en lin de ..compte, /oHyoH/'A- moins dans le germe que dans l’arbre. Revue du Clergé, igo^, t. XXXVIII, p. 514 : le germe, avec le temps, s’est incorporé plus de matière et s’est manifesté de manière plus puissante. Le R. P. Allô la censure, parce qu’il y a dans le germe toujours plus que dans l’arbre : celui-ci ne représente de sa force expansive que ce qui a pu jusqu’ici être traduit dans j notre langage systématique de son inépuisable ricliesse. Foi et systèmes, p. 260. « Comme fi, disait M. Bloxdel, dans ce que Dieu donne il ne se trouvait pas, invinciblement, un le^'uin d’une puissance infinie. » Op. cit., p. 531. Le R. P. Allô a développé la njôme idée avec grande finesse en appliquant au dogme chrétien primitif la parabole évangélique du levain. Cf. Foi et srst., p. 223-263. Cette comparaison montre bien, en effet, comment le dépôt primitif est resté intact en faisant lever toute la niasse humaine : celle-ci fermente et évolue ; le levain reste le même, gardant encore toute son énergie pour les générations à venir. Par contre, elle exprime moins heureusement ce rôle de principe vital rempli dans l’Eglise par la vérité révélée et le caractère organique du développement qu’elle produit. Chaique image présente donc ses avantages ; le mieux est de s'éclairer de l’une et de l’autre, puisqu’aussi bien toutes deux peuvent s’autoriser de l’Evangile. Cf. parabole du sénevé,. » / « ///<., xni, 3 1 s<i. ; A/flrc, iv, 31 sq. ; i « f, xiii, ig, du levain,.Va///i., xiii, 33 ; Luc, xiii, 21.

L’imi)ortant est de ne pas considérer le a dépôt » comme un bloc de sons, de rites ou d'écriture, indépendamment des âmes où il vivait, de l’amour qui

s’en nourrissait, et qui devait, jusqu'à la fin des temps, en assurer à la fois l’intelligence et la transmission.

Seul ce fait d’une intelligence très vive, toute pénétrée d’amour, explique comment le « germe » a résisté aux dangers de la première heure, comment la foi a survécu aux désillusions de la Passion, à l’attente frustrée de la Parousie, aux vexations des premières persécutions, comment les fidèles se sont groupés en communautés fermées, comment les hérésies même de l'âge apostolique accusent la dépendance d’idées chrétiennes très caractéristiques et sont pourtant excommuniées par « les fidèles », alors que les cultes païens, à la même époque, admettent tous les compromis. Le « Symbole » chrétien est court, comme un « mot de passe », mais on sait ce qu’il veut dire et l’on s’y tient.

XIII. Immutabilité. — i°.i modification de sens. — L’Eglise, durant tous les siècles, s’est fait de cette même fidélité à l’enseignement apostolique un devoir absolu. Le Concile dvi Vatican a résumé et défini sa pensée dans le texte que nous avons cité, II, 3*. col. 1124 ; cf. art. Tradition.

H proclame l’immutabilité du dogme, en donne la raison profonde, et concède cependant la possibilité d’un certain développement.

La raison de l’immutabilité est tirée de la nature du dogme : ce n’est pas une invention philosophique, philosophicum inventum, mais un dépôt divin, divinum depositum. Cf. S. Vincent de Lérins, Commonit. I, n. 21, P. L.. t. L, col. 666. Elle vaut pour écarter tout évolutionisme dogmatique. Perfectible dans l’idéalisme, s’il marque seulement les étapes de ridée qui se réalise, dans le matérialisme, s’il chiffre seulement les imaginations progressiA’es de l’humanité, dans le pragmatisme, s’il exprime uniquement les phases mobiles de l’expérience religieuse, parce que, en tous ces cas, il participe à la mutabilité du sujet connaissant, le dogme est immuable, s’il est l’expression garantie des objets réAélés. Parole reçue de Dieu, éternellement vraie comme Lui, il est à conserver et à transmettre sans soustraction, sans altération, sans addition, cf. Encyclique Qui pUirihus. Denzinger, n. 1636 (1497) ; Srllabus, prop. 5, ibid. n. 1706 (1552) ; Encyclicpie Pascendi, ibid., n. 20g5.

Un autre motif, signalé par le Concile, est l’infaillibilité de l’Eglise : s’il est impossible qu’elle corrompe la parole de Dieu, il est impossible qu’il y ait lieu de réformer le sens de ses définitions. Par conséquent, ce qu’elle tient comme de foi à un moment du temps est à tenir comme da foi par tous les temps : sa foi d’une époque prescrit pour toujours.

L’illusion d’où naissent les hérésies et qui met parfois à la gêne des penseurs bien intentionnés est la suivante : on ne prétend pas changer le sens de la foi, mais le traduire en langage moderne et plus exact, chacun d’ailleurs définissant « moderne et plus exact n par la philosophie de son temps et de son choix.

Ce qui la favorise, c’est la double erreur d’identifier avec le dogme soit les anthropomori)hismes que suggère leur expression commune, soit les systèmes théologiques qui se sont donné pour mission de les expliquer. A ce compte, on a l)eau jeu de montrer que notre époque ne peut concevoir la personnalité divine, par exemple, comme celle d’un autocrate qui gouverne toutes choses derrière les nuages, la paternité comme une génération entre êtres humains, ni imaginer la genèse du monde d’après la physique d’Arislote et des scolastiques. Il conviendrait toutefois d’ajouter que tout cela n’entre pour rien dans les assertions de la foi ; voir col. Il 46.