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DOGME

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elle prend peu à peu possession. » L Histoire d’un dogme, dans les FAitdes, 1904, t. CI, p. 628-632.

; 3) Mais l’action intellectuelle d’un maître se mesure

moins à l’abondance des vérités qu’il découvre, qu’à la manière dont il les enseigne. Plus il parle, moins ses paroles pénètrent ; mieux il l’orme ses disciples, moins il lui faut de mots. C’est la pédagogie du Christ qu’il convient d’étudier, si l’on veut expliquer, par son principe, le succès de son apostolat.

Si se faire comprendre, c’est éveiller le désir de comprendre, écarter les aIccs de raisonnement ou de conduite qui font obstacle à son enseignement, amener l’élève à prendre en quelque sorte contact avec la Aérité, par l’analogie des choses qu’il connaît déjà, et le guider jusqu’à ce qu’il l’ait vue par lui-même, cf. col. Il 36 pareille conduite s’imposait davantage, pour une prédication toute imprégnée de préceptes moraux et dans un milieu saturé de préjuges.

L’application de cette méthode est frappante dans l’abrogation, évidente aujourd’hui pour tous, du culte mosaïque. En la préparant sans cesse, Jésus, pour ainsi dire, n’en parle jamais. Cf. Origène, Corit. Cels., 1. II, c. II, P. G., t. XI, col. 79 ;. Cf. S. Grégoirk de Naz., Orat., theol. V, c. xxv sq. P. G., t. XXXVI, col. 160 sq.

Autre exemple. Lorsque Pierre, le premier, reconnaît Jésus comme « le Christ, fils du Dieu vivant »,

« Tu es bienheureux, lui est-il répondu, car ce n’est

pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père, qui est dans les cieux ». Matth., xa’i, 16, 17. — A vrai dire, le Sauveur avait déjà enseigné, mais son enseignement sur ce point paraît avoir consisté surtout à amener Pierre à « trouver le mot », et cette révélation, il l’attribue au Père, parce que nul ne comprend les choses de Dieu, si le Père ne l’attire à la foi, Joa., vi, 44- Si l’on analyse cette attirance, on y trouvera ceci : une complaisance intime, souvent à peine consciente, pour tout ce qui a trait à ces vérités, mouvements de pensée qui y conduisent et actes où elles s’aflirment, si bien qu’on jouit d’elles en quelque sorte, avant même que la raison les ait clairement discernées, qu’on désire qu’elles soient, avant d’avoir entendu distinctement leur nom, qu’on les reçoit enfin avec amour, au moindre mot du maître qui nous garantit leur existence. Ista revelatio ipsa est attractio. S. Augustin, In Joa., tr. XXVI, c. VI, n. 2 sq. P. L., t. XXXV, col. 1607 sq. ; cf. S. François de Sales, Traitté de l amour de Dieu, I. II, c. XIV, in-80, Annecy, 1894, t. IV, p. 135 ; cf. c. xni, p. 130 sq.

Sans doute, comme on ne peut saisir en elle-même la vérité des choses transcendantes (mystères proprement dits), on sent que, pour éviter des exagéra- | tions dangereuses, ces principes doivent s’appliquer I à des degrés divers aux trois ordres de dogmes (faits évangéliques, vérités naturelles, mystères, col. 1 132). Le goût intérieiu", qui prépare l’intelligence à reconnaître le "VT-ai, n’a pas le même rôle, s’il s’agit d’accepter une vérité d’ordre naturel ou d’ordre surnaturel : il va, dans le premier cas, à faire saisir la force des preuves ; dans le second, à faire agréer le témoin divin. Mais cette différence même est de la plus haute importance ; c’était surtout en développant l’amour du Maître qu’on assurait la vitalité aux vérités fondées uniquement sur sa parole.

Un dogme comme celui de la Trinité, qui dominait toute la vie du Christ, ne pouvait recevoir de longues explications : il y avait, pour di’s têtes humaines, trop peu à comprendre. C’était donc moins par des exposés dialectiques qu’il pouvait s’implanter dans la vie chrétienne, que par l’attachement à prendre comme règle de foi les moindres paroles et comme

règle de vie les moindres exemples du Messie. — Le Christ s’est fait aimer.

Ces pensées sont à creuser, si l’on veut comprendre à quelle profondeur la révélation de Jésus a pu pénétrer la pensée de ses disciples et quelle est l’importance de ses assertions explicites, rares cl brèves, par rapporta cette formation intellectuelle et morale, qui lui a coîité tant de soins.

/) Enfin, ce qui fait la valeur d’un enseignement, c’est moins le soin d’assurer l’intelligence de chaque assertion, que celui de faire saisir sa Aaleur relative et ses rapports organiques avec quelques idées majeures, qui en sont l’àine.

Sous ce rapport, la rédaction des Synoptiques est presque décevante. « L’enseignement du Sauveur, a dit Mgr Batiffol, se produit au sein d’une croyance existante, et cet enseignement a pour but de dépasser cette croyance en la transformant. Il y a ainsi dans l’Evangile le dualisme de ce qui meurt et de ce qui naît : or l’un et l’autre sont affirmés comme sur le même plan par les Synoptiques, qui n’ont pas tenu compte de la perspective qui s’impose à nous. » Bulletin de lit ter. ecclés., 1904, p. 33.

Le fait n’a rien d’étonnant, dans la littérature de cette époque et dans la psychologie de ces convertis. Ils ont écrit une histoire anecdotique, craignant plus d’oublier le détail des faits que leur sens, dont ils avaient l’àme pleine, et. comptant sur le commentaire oral, pour faire reivrc l’esprit du Maître, au souvenir des mots.

Pour se rendre compte de leur mentalité et retrouver cette importance relative des leçons divines, on n’oubliera pas que, si tout enseignement, à ses débuts, doit être une répétition patiente, quand les esprits sont ouverts et les cœurs gagnés, il suflit de quelques instants, pour faire entendre des doctrines très hautes. Les plus importantes des leçons de Jésus ont donc chance d’être les plus tardives et les plus brièvement rapportées. Ces dei’iiiers mots moins neufs, parce qu’ils s’appuyaient sur tout le passé, omis peut-être pour, ce motif dans cet « abrégé du Verbe » que sont les Evangiles, éclairaient pourtant d’une lumière plus vive l’intime i^ensée du Christ. La seule vue de ses derniers exemples, trop habituels pour être décrits, mais mieux compris, le seul contact de sa personne plus aimée, ajoutaient à la Révélation, dans les derniers temps, ce qu’elle avait de plus précieux et ce que les disciples étaient le moins tentés d’écrire.

Les discours après la Cène traduisent les pensées capitales de Jésus. — Seul l’évangile « spirituel » de S. Jean les a reproduits, et assez tard.

Après la résurrection, Jésus explique les Ecritures aux pèlerins d’Emmaûs, Luc, xxiv, 27, puis aux. disciples réunis, xxiv, 45. — On nous rapporte le lait, sans résumer cette exégèse.

Il apparaît souvent aux disciples, avant l’Ascension, et leur parle durovaume, Act., i. 3. — On nous en prévient, sans nous expliquer ces explications, les dernières pourtant et les plus pleines.

On nous dit quand la lumière s’est faite ; quelle lumière, les convertis le savent, et les catéchumènes rajiprendront d’eux.

En résumé, à la mort du dernier apôtre, voici le bilan de l’Eglise, son dépôt : i °) une mentalité chrétienne très caractérisée, où se dessinent en pleine clarté de grandes idées directrices, autoiu* desquelles se groupent d’autres dispositions d’esprit semi-conscientes, semi-instinctives, toutes formellement autorisées de Dieu ; 2") des habitudes d’action, de prière, de culte, impliquant avec les mêmes degrés d’importance toute une dogmatique ; 3 « ) des souvenirs, très nets dans l’ensemble, de iiaroles dites et d’actes