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DOGME

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foi dans un acte d’amour de Dieu (implic. formel), d’un acte de dévouement dans un acte d’amour intense (implic. virtuel) ; mais le sens que nous indiquons pins haut tend à prévaloir et intéresse davanta^’-e la question présente.

On notera de plus que la classification précédente est basée sur les relations des idées prises en elles-mêmes, in abstracto, non sur la manière dont l’esprit arrive à les dégager. Il faudra parfois de longs raisonnements, pour que l’on reconnaisse la contenance actuelle (formelle) d’un concept dans un autre. Ce processus déductif ne doit pas faire illusion.

Sur ces notions, cf. Suarez, De fide, disp. iii, sect. 6, n. 2. Paris, 1868, t. XII, p. 32 ; Franzelin, De traditione, 1882, p. 279, 313.

On entrevoit lutilité de ces observations. C’est que la vérité peut entrer en nous par deux voies distinctes, par des idées claires, d’où naissent les actes, ou par des actes plus ou moins irréfléchis, d’où se dégagent plus tard les idées.

De plus, si les rapports abstraits des idées importent aux études théoriques (théologie) ou critiques (contrôle rationnel du développement dogmatique), c’est le donné concret, et donc toutes les manifestations de Ifi vie. avec leur contenu inconscient ou formulé, qui intéressent la psychologie et l’histoire (histoire du dogme).

Dès maintenant, nous pouvons dégager quelques conséf|uences :

a) Si l’on remarque que connaître explicitement, c’est connaître la chose en soi, in seipso, que connaître implicitement, c’est la connaître dans une autre, in alio tantuni, on notera très judicieusement que connaître à l’état dimplicite logique, c’est, sous le rapport de la connaissance actuelle, comme si l’on ne connaissait pas du tout, quod sic creditur rêvera non cofçnoscitur (Suarez, loc. cit.), et que connaître à l’état dimplicite pratique, c’est à peu près la même chose, puisqu’on ne songe pas actuellement à formuler ce qu’on croit. On entrevoit donc qu’il faudra bien des efforts des hommes et de la Providence, avant que l’universalité d’une grande société religieuse arrive à faire ce passage, qui n’a l’air de rien sur le papier, de in alio à in seipso.

, 3) Comme l’implicite logique n’est pas encore dégagé, il ne faut point s’étonner de ne pas le trouver consigné expressément dans les documents écrits. Et comme l’implicite pratique n’est pas encore formulé en idées, si l’on veut relever ses traces, c’est ailleurs que dans les exposés doctrinaux qu’il les faudra chercher, à savoir dans les rites, (hins les coutumes, dans les vestiges de l’action, non dans ceux de la spéculation.

y) De ce ([ue l’état initial est embryonnaire, on n’aura pas le droit de condamner la pleine croissance comme illégitime. Un exposé doctrinal peut s’allonger, non parce quon le modilie, mais parce qu’on l’explifiue, comme une plante se développe, non parce qu’elle change, mais parce qu’elle vit.

ô) Et de ce que les textes primitifs sont moins exi)licites, on n’en profitera pas pour les plier au gré de thèses préconçues : leur sens doit s’éclairer par tout le mouvement d’idées, de rites, d’usages multiples qui en est sorti, ou dont eux-mêmes, bien plutôt, sont sortis.

Essayons d’évaluer l’avoir intellectuel du Christianisme, au premier stade de son histoire.

XI. Le « germe » primitif. — A la On des temps apostoli(pu’s, la RéMlalion comporte tout ce qui a été dit, soit par h* Christ, soit par les Apôtres.

Premier point de désaccord : le protestantisme arrête la révélation à la mission de Jésus ; le catholicisme reconnaît aux Apôtres la mission de

parfaire celle de Jésus, sous l’inspiration de l’Espril-Saint.

Voici plus grave peut-être. Comment déterminer ce qui a été dit par le Christ.^

La Réforme répond : « En s’en tenant aux Ecritures. » — C’est dire qu’au nom du culte de la «. Parole de Dieu » on rejette toutes les paroles de Dieu qui ne sont pas écrites, et que l’on s’expose, faute de ce supplément d’information, à ne pas même comprendre celles qui le sont.

Une méthode qui se donne pour « critique » agit de même : elle limite les enseignements du Christ à ce qui en a été consigné par écrit, et, pour apprécier leur importance, compte leurs répétitions. C’est pitié !

On ne peut ici qu’indiquer la méthode à suivre. Elle consisterait à évaluer : a) quelles choses ont été dites, /î) comment, /) avec quel relief.

a) A n’en pas douter, ce qui a été dit déborde ce qui a été écrit. L’Ecriture même en témoigne, Act., i, 3.

Il faut ajouter : ce qui a été dit déborde ce qui a été exprimé en mots.

Si l’on cherche une définition des termes dire, parler, enseigner, révéler, tout le monde reconnaîtra que celui-là dit, parle, enseigne, révèle vraiment, ([ui fait comprendre quelque chose. Un maître dit lurmellement quelque chose, quand, sans même articuler une parole, il suggère une idée par un geste, i(uand il approuve d’un signe un acte dont il est témoin.

Ainsi, bien des leçons de Jésus ont pu être données stulement dans « l’exemple parlant » de sa conduite.

Pendant toute sa vie, pendant son ministère public spécialement, il se plie à toutes les exigences de la Loi juive. Il va au Temple, il participe aux fêtes et, sil réagit contre les abus, il donne en même temps le modèle du zèle pour le culte extérieur. Fallait-il. après cela, de longs discours, pour faire entendre comment il comprenait le culte « en esprit et en vérité » ? Doit-on s’étonner ([ue l’Eglise, même après les elTusions de l’Esprit, à la Pentecôte, soit restée fidèle à la liturgie du Temple, aussi longtemps qu’il fut possible ? Et si cette conduite du Maître et des disciples, dans leur pleine ferveur, implique quelques vues faciles à dégager, peut-on croire que c’est la Réforme qui les a retrouvées ?

On sait le rôle de Marie à Cana. Il y a bien des motifs de croire qu’elle ne le remplit pas en cette occasion uni([ue, le Sauveur se plaisant à autoriser l’intercession de sa mère, en agréant toutes ses requêtes. Etait-il nécessaire qu’il vînt après cela, eu termes comptés, enseigner son pouvoir de médiatrice ?

On pressent, surtout à travers les pages de S. Luc, le rayonnement inelfable de sa vertu. L’idée de toute sainteté devait venir tout naturellement à l’esprit, en approchant d’elle. Avait-elle besoin d’une autre approbation que le respect du Christ et des Apôtres à l’égard de Marie, et les hommages discrets qui traduisaient leur estime ?

Inutile de multiplier les exemples. Suarez se demande pourquoi les Evangiles parlent si peu de Marie ; il répond : l’bi res ipsæ et opéra quibus Christus matreni lionoravit clamabant, verba non erant necessaria : quand les faits parlent, les phrases sont inutiles. Sf.vuiîz, lu III p. S. Thomae. pruef., n. 5, t. XIX, p. 2. "Vue d’occasion, mais profonde et juste, qu’il y aurait profit à réintégrer dans la théorie générale. Des théologiens de valeur y reviennent d’ailleurs :

« Au lieu de dire : « Marie est toute pure et toute

sainte », écrit M. Bainvi ; i.. Jésus la montre. Et il est probable que c’est ainsi que Dieu a fait connaître à son Eglise les privilèges de Marie… C’est de ce fond [de sa conscience ol)scure] qu’émergeraient tour à tour devant sa conscience rélléchie les vérités dont

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