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DOGME

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liaison des phénomènes avec l’être ou de la matière avec Tesprit, ni des relations de la science avec la philosophie ou de la philoso])liie avec la théolojjie. » Bei’. du Clergé, 1907, t. L, p. 546. Ni le concept de dogme, ni celui de son développement n’ont donc dans ces systèmes les mêmes caractères.

Chacune de ces théories présente des avantages ou prête à des abus que le détail des problèmes nous amènera à préciser.

B. Théories HÉTÉRODOXES. — En dehors de l’Eglise, se manifestent des tendances toutes opposées. La note suivante esquissera les thèses particulières des écrivains les plus marcjuants ; nous nous bornons à indiquer les assertions communes les plus caractéristiques.

A des degrés divers, les théories hétérodoxes se révèlent : a. Agnostiques. — Elles refusent à la raison la possibilité de connaître Dieu et au langage humain la possibilité d’exprimer ses attributs avec quelque exactitude.

b. nationalistes. — En même temps, elles rejettent la possil)ilité d’une révélation divine, au sens reçu de manifestation authenticpie de vérités précises, soit en tant qu’intervention miraculeuse de Dieu dans les choses de ce monde, soit en tant que violation de Yautonomie de la raison, incapable de s’assimiler ce qui ne serait pas le produit de sa propre activité.

c. Individualistes. — Ayant déclaré la raison impuissante, il ne leur reste plus, pour arriver à Dieu, que le sentiment. 1, ’expérience individuelle, la conviction subjective cju’elle entraîne, deviennent la règle de la foi. Tout au plus, dans les sj^stèmes qui n’ont pas encore admis les dernières conséf|uences de ces principes, reconnaît-on à la communauté, ou même à l’autorité, un certain droit de contrôle.

d. E-olulionistes. — N’étant plus un énoncé intellectuel garanti par Dieu, le dogme et ses formules ont à évoluer avec l’esprit humain et les expériences religieuses de l’humanité.

Théories particulières. — L’homme qui parait, dans les temps modernes, avoir exercé sur la dogmatique protestante l’influence la plus décisive est Schleiermacher,

Porté à insister sur le sentiment par son éducation piétiste et par la philosophie de Jacobi, il se rapproche, par ailleurs, du jianthéismc de Sfjinoza. La religion, à ses yeux, est le sentiment intime del’identité de l’homme avec Dieu ; le dogme n’est que l’expression abstraite des expériences de la communauté chrétienne.

Tous les partis, en quelque mesure, devaient se réclamer de lui. Comme ils ne peuvent, en effet, sans renier la Réforme, faire appel à d’autre critère qu’à l’évidence subjective, la théorie de l’expérience religieuse les intéresse tous de très près. Il est aisé de voir, par contre, combien elle devait favoriser la volatilisation de tous les dogmes. L’essentiel, pense-t-on, le sentiment demeure, quand les formules se transforment ou s’en vont. Cf. Vacant, Etudes théol. sur le. Conc. du Vatican^ in-S", Paris, 1895, t. I, p. 100 sq. ; G. Goyau, L’Allemagne relig.. Le Protestant., p. 75 sq. Voir l’art. Expérience religieuse.

La théologie catholique elle-même, avec le semi-rationalisme allemand, se laissait contaminer. Après Hermès, GuENTHER, hégélien par ses vues iJanthéistiques et son intellectualisme, qui prétend démontrer même les mystères (fîdes cognitionis)^ sentimentaliste par sa conception de la foi ifides cordis), s’essaye à la « renouveler ». Singulière illusion, qu’on avait vue et qu’on revoit. Elle explique ce fait, qu’un concile aitcru devoir avertirles fidèles que le panthéisme est inconciliable avec la foi, Collect. Lacensis Acta, t. Vn, p. 100, eme » d. 28 ; >. 112, 113. Les propositions dogmatiques, pour Guenther, marquent les divers stades de la pensée en évolution ivraies au moment où l’Eglise les formule, comme la traduction la meilleure pour ce temps, elles ont à se transformer avec le progrès de la raison philosophique. Cf. Ki.eutgen, Die Théologie der Vorzeit, 2 « éd. in-8% MUnster, 1874, t. V, p. 391 sq. ; G. Goyau, L’Allemagne relig., Le Cat/iolic, t. II, p. 43 sq.

Pendant ce temps, la dogmatique protestante se divisait en trois courants principaux, lun dit libéral, qui fait appel surtout à l’exégèse et à la critique pour épurer le (Christianisme, l’autre orthodoxe, qui s’essaie à maintenir l’autorité des dogmes et à définir un minimum de doctrine, le dernier symbolo- fidéiste, vcconmxïssixni &Vi^ formules dogmatiques une utilité temporaire de symboles, et confinant la religion dans les expériences du cœur. Au surplus, pardeux voies différentes, libéraux et symbolofidéistes se rapprochent, souvent se rejoignent.

A la tête du mouvement libéral, M. IIarnack paraît s’accorder avec Ritschl pour rejeter le panthéisme et reconnaître la valeur spéciale de la révélation primitive. La conscience inefl’able des relations de Jésus, homme comme nous, avec Dieu, son Père, la prédication de la paternité divine, qui en est sortie, voilà le germe et l’essence du Christianisme. A ce germe étaient unies quelques données historiques, et l’on pouvait en tirer toute une conception du monde. Il était impossible que les intellectuels n’en vinssent à le tenter : effort légitime, à condition de ne pas confondre cette systématisation, adaptée aux besoins d’une époque, et, de sa nature, réformable, avec la révélation. En fait, le danger n’a pas été évité. Les théologiens ont formulé leurs vues dans les cadres de la philosophie grecque. L’hellénisme a envahi et masqué l’Evangile. Le Christianisme, qui était un amour, est devenu une métaphysique, et le même progrès du formalisme, qui en faisait une orthodoxie, en a fait une hiérarchie et une liturgie.

On voit ce qu’est le dogme pour M. Harnack : dans son origine, l’œuvre AeV esprit grec &ivol pieté de l’Evangile ; dans son développement, une déviation croissante vers la spéculation. Cf. Das Wescn des Christentums, in-8°, Leipzig, 1899 ; trad. franc., Paris, l’J02 ; autre 1907 ; Die Mission u. Aitsbrcitung des Christentums, iii-S°, hei[>zig, 1902 ; 2* éd., 1906, et son Histoire des dogmes.

Le symbolo-fidéisme allemand a été vulgarisé en France par les publications de A. Saratier, surtout dans son Esquisse d une philosophie de la religion d’après la psychologie et l’histoire. 7’éd., in-8°, Paris, 1903 et dans Lesreligions d’autorité et la religion de l’Esprit, 2’éd., in-S", Paris, 1904.

« Si la piété c’est Dieu sensible au cceur, il est évident, 

écrit-il, qu’il y a dans toute piété quelque manifestation positive de Dieu… Je conçois donc que la révélation soit aussi universelle que la religion elle-même… Elle consiste dans la création, l’épuration et la clarté progressive de la conscience de Dieu dans l’homme individuel et dans l’humanité. » Esquisse, 7" éd., p, 34 sq. D’abord traduite en symboles plus ou moins naïfs et grossiers — phase mythologique — cette expérience intime tend à s’exprimer en formules rigides, dont on confie la défense au magistère de l’autorité — phase dogmatique. La formule ainsi arrêtée reste en retard sur les sciences humaines qui progressent et les conce])tions nouvelles qui s’imposent. La lutte s’aggrave. La solution ne peut être que dans l’abandon des cadres vieillis. A chacun de traduire à sa manière le divin qu’il perçoit en lui — phase critique.

Ces idées ont provoqué les réfutations des protestants conservateurs autant que des catholiques. Leur influence a marqué de manière sensible les svstèræs de MM. Loisy et Tyrrell.

Lepremier, pour réfuter la thèse de M. Harnack, a changé les rôles. Ce n’est plus l’Eglise, àson sens, qui s’est trompée, c’est Jésus. La révélation première était l’annonce du royaume de Dieu, que le Christ croyait imminent. Quand l’espoir a été déçu, l’Eglise s’est adaptée aux nécessités des temps : elle s’est organisée en un corps social que le Christ n’avait pas prévu ; elle s’est constitué un corps de doctrine, recevable en tant qu’il sauvegarde la tradition première, l’idée du royaume, réformable en tant qu’il doit s’adapter lui aussi au mouvement de l’esprit humain. Cf. L’Evangile et l’Eglise, 4’éd., in-12, Paris, 1908.

Un panthéisme très voisin de l’hégélianisme, cf. Quelques lettres, in-12, Cefl^onds, 1908, p. 47, 69 et passim, forme le postulat caché de ces études, où l’histoire seule est censée parler ; cf. Lepin, Les Théories de M. Loisy, in-12, Paris, 1908.

G. Tyrrell a donné quelques indications sur 1 histoire de sa pensée, Reo. prat. d’apol., 1907, t. III, p. 499 sq. (Rectifications et critiques par M. J. Lebreton, ibid., t. III, p. 542 sq. : t. IV. p. 527 sq. ; 1908, t. VI, p. 462 sq.) Après avoir réclamé de manière d’abord assez modérée contre