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DIVORCE

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nécessaires de la demande, de la rédaction et de l’expédition des dispenses ; i" de contribuer à l’entretien de l’Eglise et de ses ministres qui, surtout en des époques de détresse et de ruine comme est la nôtre, ne sauraient subsister que du produit des aumônes ou des taxes justement payées par ceux qui implorent des exemptions et qui peuvent restituer, sous cette forme linancière. ce qu’ils enlèvent à l’édification commune par l’inobservance des lois générales ; 3° enUn et surtout, de mettre par là même un frein à l’envie démesurée d’obtenir des dispenses, et de ne pas se soumettre aux règlements et prohibitions portés dans l’intérêt de l’Eglise et même de la société humaine. — Inutile d’ajouter, tant la chose est naturelle, que les dispenses sollicitées par les pauvres, et d’ailleurs justifiées par de bonnes raisons, leur sont concédées sans taxes et sans componendes, in forma pauperum. Les frais de poste ou de bureaux qui restent à leur charge ou à celle de leurs protecteurs sont des plus insignifiants. Il est plus utile d’observer, car on n’y fait pas assez attention, que les personnes les plus ardentes à se plaindre des prétendues exigences de l’autorité ecclésiastique à leur endroit, quand elles en doivent recevoir des dispenses, se distinguent ordinairement par une extrême prodigalité dans l’usage qu’elles en font, tant il est vrai qu’elles ne sont pas aussi écrasées qu’elles le disent par les exactions de la cour de Rome ou des chancelleries épiscopales ; elles se plaignent moins aussi des redevances qu’elles paient à l’autorité civile pour des raisons analogues, ne se souvenant probablement pas que ces redevances spéciales ne les exemptent nullement des impôts ordinaires et très lourds que l’Etat prélève constamment et l’Eglise jamais. (Voir Curie romaine ; Mariage. )

III. — Une première objection attaque le principe même des dispenses : si la loi est bonne, pourquoi permettre de ne pas ^obser^er ? N’est-ce pas créer contre elle d’injustes privilèges, et travailler ainsi à son renversement ? — Il est certain que l’obligation d’accorder des dispenses est théoriquement regrettable : le Concile de Trente aurait voulu qu’on n’en donnât aucune pour les mariages ; mais, pratiquement, la prudence exige cette concession aux faiblesses ou aux intérêts de la société ; toutefois elle doit veiller en même temps à ce qu’il n’en résulte pas de dommages trop considérables, et à ce que la loi soit plutôt abrogée, si elle peut l’être, que de se voir continuellement violée par des dispenses qui en amoin<lrissent l’autorité et la notion même. D’ailleurs, ce n’est pas l’Eglise seule, ce sont également tous les gouvernements civils qui ont à pratiquer la même indulgence, à user de la même prudence.

Une deuxième objection vise l’objet de certaines dispenses, qu’on prétend avoir été données par l’Eglise au détriment de la loi naturelle, de la loi divine, on des statuts j)romulgués par des conciles généraux.

— Nous répondons quc nul cas authentique de véritable disi)ense en matière de droit naturel ne saurait être allégué contre les Souverains Pontifes. Ils ont déclaré que ce droit ne conqiortait pas telle application, ne s’étendait pas à telle circonstance, c’est vrai ; mais ils ne se sont jamais arrogé le pouvoir de s’en exempter ou d’en exenq)ter les autres. Que des prélats schismaliques. hérétiques ou prévaricateurs, que de faux docteurs, de connivence, comme Lutlier, avec les passions les plus lionteuses, aient permis, voire encouragé, ces violations scandaleuses, l’Eglise catholique n’en est certes point responsable. — Pour le droit divin positif, par exemple pour les vœux, ou pour les devoirs attachés à l’ordination sacerdotale, elle peut dispenser en des rencontres tout exceptionnelles et à cause de raisons très graves, non pas

en vertu d’une autorité humaine évidemment insuffisante ici, mais en vertu de la délégation qu’elle a reçue de son divin Fondateur : c’est donc Dieu qui dispense de sa propre loi ; par exemple, c’est lui, par le Pape Pie YII, qui a dispensé des évêques, des prêtres et des moines révolutionnaires, de garder leurs vœux et leur a permis de rentrer dans la vie laïque sans être désormais obligés au devoir de la prière liturgique et de l’oblation du sacrifice. — Quant aux lois portées par l’Eglise, on comprend aisément que l’Eglise elle-même en dispense, et que son chef suprême, qui n’est nullement dépendant, comme les gallicans l’eussent voulu, des règlements disciplinaires délibérés dans les conciles œcuméniques, en puisse également dispenser selon sa conscience et selon les motifs qui lui sont soumis. N’étant pas infaillible, non plus que l’Eglise elle-même, en ces détails de gouvernement et d’administration, le Pape pourra, comme elle, être trompé ou se tromper ; la dispense ainsi accordée sera nulle, mais ne prouvera que la culpabilité de ceux qui l’auront extorquée ou qui s’en serviront sciemment.

Une troisième objection rappelle les abus commis plus d’une fois dans la concession de ces faveurs, soit par peur et faiblesse de quelques prélats, soit par avarice ou basse cupidité de quelques autres, soit enfin, dit-on, par l’ambition démesurée des Papes, toujours empressés à se réserver des dispenses que les fidèles eussent bien plus commodément implorées de leurs pasteurs immédiats. — Répéterons-nous une fois de plus que des abus sont et seront toujours possibles, probables, réels même dans une société composée d’éléments humains, que l’élément divin travaille perpétuellement à sanctifier, mais que leur libre arbitre ramène incessamment au mal ? L’important est de savoir simplement si le Saint-Siège et les conciles ont approuvé ce mal. Or, ils l’ont condamné et réprimé hautement, ils l’ont supprimé autant qu’ils ont pu. Nous avons indiqué le vrai caractère des taxes et frais de dispenses : qu’on veuille bien s’en souvenir dans l’interprétation des faits rapportés par de malicieux chroniqueurs, et dans l’appréciation des plaintes si bruyamment élevées par les légistes au nom du lise, par les hérétiques au nom de la morale : les unes et les autres sont de même valeur. Enfin, les Papes, en se réservant le pouvoir d’accorder les dispenses les plus considérables, ont sagement pourvu, non à leur intérêt qui n’était pas en jeu, mais au respect des lois, qu’ils étaient plus capables que personne de faire observer, et que l’excessive facilité des dispenses n’eût pas manqué de faire tomber dans un prompt et irrémédiable discrédit.

Cf. Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l’Eglise, liv. III, ch. xxiv et suiv. ; Fiebach, Dissertatio de indole ac virtute dispensationum secundum principia juris canonici, etc. J. Didiot.


DIVORCE DES PRINCES ET L’ÉGLISE.

On sait quel dommage l’Eglise a souffert à raison de la sévérité de sa discipline sur le mariage, quand cette discipline gênait les princes ; on sait, en particulier, qu’à l’époque du protestantisme le divorce, préconisé par les réformateurs, tendu aux princes comme un appât, ne fut pas étranger à de noinbreuses défections. Chose étrange ! dans les cas où l’Eglise a résisté aux violateurs de la loi du mariage, ou lui a reproché u excès de rigueur ; dans les cas où elle a cétlé ou gardé le silence, on l’a accusée de faiblesse, de conq)laisance vis-à-vis des grands.

Après rpielqucs observations générales sur l’ensemble des décisions que l’histoire de l’Eglise nous présente, nous examinerons en détail quelques cas pris