Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/551

Cette page n’a pas encore été corrigée

1085

DIEU

1086

déterminante pour passer de l’infini au lini, et surtout à telle quantité ou qualité finie plutôt qu’à telle autre. Il y a une raison relatùement mais non pas absolument siiflisante ; elle est suffisante relativement à l’inégalité tles moyens, elle ne l’est pas absolument, c’est-à-dire par rapport à la lin. Raison suffisante qui (en un sens) ne suffit pas. Cette apparente restriction api^ortée au principe de raison suffisante n’est d’ailleurs qu’un corollaire de celle apportée au principe d’identité par l’atlirmation de la puissance, ce non-étre qui est, milieu entre l’être déterminé et le pur néant. Il y a indétermination dans le vouloir, parce qu’il y a indétermination dans l’intelligence (indifTérence du jugement)et il y a indétermination dans l’intelligence parce qu’il y a indétermination ou potentialité dans l’être ; parce que l’être se divise en puissance et acte. Le problème de la liberté se ramène ainsi à la première division de l’être. — Leibniz, qui a méconnu la priorité de l’être sur l’intelligence et nié la puissance (à laquelle il a substitué la force, qni est selon lui un acte empêché), devait fatalement aboutir par rintellectualisme absolu au déterminisme (1= », q. 25, a. 5 et 6).

Pour nous, au contraire, il est évident que l’amour que Dieu se porte à lui-même est absolument nécessaire, mais que celui par lequel il aime les créatures et en même temps les crée, est un amour libre ; la créature, parce qu’elle n’a pas droit à être, ne peut être aimée autrement. Cf. I », q. 19, a. 3. — Voir art. Création.

L’Etre même doit en outre être tout-puissant, c’est-à-dire qu’il peut réaliser tout ce qui n’implique pas contradiction, tout ce qui peut être. L’être est en etfet l’effet propre de l’Etre premier, qui réalise comme la lumière éclaire, comme le feu chauffe (I^, q. 25). Cause première et premier moteiu* de tout ce qui est. Dieu doit être présent à tout ce qu’il consei-ve dans l’être (I « , q. 8).

L’Etre même doit être provident, parce que son action extérieure, qui s’étend à tous les êtres et à toutes les fibrilles des êtres créés, est essentiellement celle d’un agent intelligent. Or l’agent intelligent agit pour une fin par lui connue, qui est la raison d’être de tous les moyens qu’il emploie. Dieu donc ordonne toutes choses à une fin suprême qui est lui-même. La providence, ratio ordinis rerum in finem, est encore une perfection pure, qui se définit, comme l’intelligence dont elle est une vertu, par une relation à l’être ou à la raison d’être(Ia, q. 22, a. i). — Voir art. Providence.

L’Etre même est juste et miséricordieux, ce sont les vertus de sa volonté. Il est juste, parce que intelligent et bon, il se doit à lui-même de donner à chaque être tout ce qui lui est nécessaire pour atteindre la fin à laquelle il l’appelle (I », q. 21, a. 2). — Et, d’autre part, aimant nécessairement le Bien pardessus tout, il se doit aussi d’en faire respecter les iraprescripti])les droits et d’en réprimer la violation (I » Ilae, q.8 ; , a. I et 3).

L’Etre même est miséricordieux, car c’est le propre de l’être tout-puissant et intiniment bon de donner aux autres, de venir à leur secours, de les relever de leur misère, de faire non seulement avec du néant de l’être, mais avec du mal du bien, avec du péché du rejientir et de l’amour, et un amour d’autant plus intense que le péché était plus profond. C’est là le triomphe de Dieu, et le motif qui attire « la suprême richesse vers la suprême pauvreté ». « Pertinet ad misericordiam, quod aliis effundat et quod plus est, quod defectus aliorum sublæt. Et hoc maxime supk-Hioius EST. Vnde et misereri proprium est Deo. » (la, q. 21, a. 3. — II « Ilae, q. 30, a. 4-) La Miséricorde est encore une des propriétés de l’Acte pur.

Enfin l’Etre même est souverainement heureux. La béatitude est en effet le bonheur pax-fait d’une nature intellectuelle qui trouve sa satisfaction dans le bien qu’elle possède, qui sait qu’aucun accident passager ne peut l’atteindre, et qui reste toujours maîtresse de ses actions. Toutes ces conditions du bonheur se trouvent évidemment en Dieu, puisqu’il est la perfection et lintelligence même (I », (j. 26, a. i).

L’ensemble de ces attributs ainsi déduits de l’Etre même nous permettent de dire que Dieu est personnel. La personnalité n’est pas autre chose en effet que la subsistence indépendante de la matière et qui fonde l’intelligence, la conscience de soi et la liberté. Dieu, nous venons de le voir, subsiste indépendamment du inonde des corps, comme tout être immatériel, il est en outre intelligent, conscient de lui-même et lil)rc. Bien plus, comme Dieu subsiste absolument par lui-même, et par lui seul, indépendamment de tout autre être que lui, comme il est omniscient et absolument libre à l’égard de tout le créé, il est souverainement personnel. — Cependant, comme le remarque Vacant, Eludes sur le Concile du Vatican, I, p. 195, « la Constitution Bei Filius ne s’est point servie de la formule : Dieu est un être personnel. Cette manière de parler de la nature divine contredit l’erreur matérialiste ; mais elle a l’inconvénient de laisser entendre qu’il n’y a en Dieu qu’une seule personne. Or l’Eglise croit en la Trinité des personnes divines ». La Révélation seule, il est vrai, peut nous faire connaître ce mystère qui nous introduit en Dieu tel qu’il est en lui-même, selon ce qui le constitue en propre (I^, q. 32, a. i, et art. Trinité).

Nous n’aurons pas à démontrer que la distinction réelle des personnes divines est possible, ou, ce qui revient au même, qu’elle n’est pas impossible ou contradictoire. Affirmer la possibilité de cette démonstration, ce serait confondre les deux ordres naturel ou surnaturel. Nous montrerons seulement qu’on ne peut pas voir d’évidente contradiction dans la Trinité des Personnes divines. Chacune de ces personnes sera conçue, d’après la révélation, comme une relation subsistante, ou une subsistence relative. Et la raison n’aura pas à étahlir positivement la valeur analogique de ce concept de relation, comme elle a dû établir celle des concepts de la théologie naturelle. Dieu s’étant servi de cette notion pour se révéler à nous, il suffira que la théologie établisse que la relation ne pose pas en Dieu une évidente imperfection, mais qu’au contraire certaines raisons de convenance permettent de soupçonner sa possibilité et sa nécessité.

On voit que la connaissance naturelle de Dieu n’est pas aussi anthropomorphiciue que l’ont prétendu les modernistes. Nous ne concevons pas Dieu comme un homme dont les proportions seraient portées à l’infini, mais comme l’Etre même, et nous ne lui reconnaissons que les attributs qui découlent nécessairement de ce concept d’Ipsum esse. Nous ne concevons jias Dieu à l’image de l’homme ; c’est l’homme qui est à l’image de Dieu, en tant qu’il a reçu une intelligence’qui a pour objet l’être et ses lois absolues : « Signatum est super nos lumen vultus fui, Domine. » As-, iv, -j. L’intelligence humaine n’est pas qu’humaine, elle est aussi une intelligence. En tant qu’humaine (ou unie au corps), elle a jjour objet l’essence des choses sensibles ; en tant qu’intelligence(dominant lecor[)s), elle a pour objet, comme toute intelligence, l’être même, et par là peut s’élever à la connaissance de Dieu.

Sans atteindre Dieu tel qu il est lui-même, c’est bien Dieu lui-même que notre raison connaît. Ne connaissons-nous pas nos amis eux-mêmes, sans pourtant les atteindre tels qu ils sont en eux-mêmes ? — Bien plus, on ne saurait trop le redire en ce temps d’agnosticisme : en un sens, nous avons de Dieu une