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répondent : tout agent produit un effet déterminé comme résultat, c’est vrai ; tout agent, pour produire un résultat déterminé, doit tendre vers une fin, c’est ce qui est en question. — Il sufTit de répondre : un résultat déterminé doit être prédéterminé, sans quoi la détermination proviendrait de l’indétermination, le plus sortirait du moins. Si tout a sa raison d’être (ce qu’il faut pour être), si ce qui n’est pas par soi a une raison d’être extrinsèque, l’agent doit avoir une raison pour agir à l’instant où il agit, et aussi une raison pour faire ceci plutôt que cela. Il ne suffit pas qu’il soit prému dans l’ordre d’eflicience, l’eflicience pure explique l’exercice de son acte, mais non point sa spéciflcation. D’où Aient que le pain me nourrit, me refait ? c’est évidemment que j’ai la puissance de me l’assimiler ; d’où vient que le gland produit le chêne, et non pas le frêne ? c’est évidemment qu’il peut le produire ; mais qui dit puissance, dit indétermination ; la puissance ne peut donc précontenir actuellement la détermination de son effet ; elle ne la précontient qu’en tant qu’elle est ordonnée à tel acte et non pas à tel autre comme à sa perfection et à son achèvement, qu’en tant qu’elle a en lui sa raison d’être ; potentia diciturA.D actum, c’est la plus haute et la plus simple formule du principe de finalité, à moins qu’on ne dise plus simplement encore : le relatif est pour l’absolu. La puissance n’aboutit pas à l’acte, celui-ci n’est pas un simple résultat, il ne serait pas prédéterminé, il n’aurait pas de raison d’être. Et comment cette raison d’être serait-elle dans la puissance, jîuisque l’acte est plus parfait qu’elle ? puisqu’il y a en lui plus d’être ? Il est ce pourquoi {-ri ol =//.’/., id cujus gratia) la puissance est faite, comme l’imparfait est pour le parfait, le relatif powr l’absolu. Seul, en effet, l’absolu a eu lui-même sa raison d’être. Le moi pour n’est pas un mot vide de sens, comme doivent le prétendre tous ceux qui nient la finalité. La raison philosophique rejoint ainsi le sens commun et le justifie.

Si donc il y a de l’action dans le monde, il y a de la finalité, sans quoi cette action produirait tout ou rien, et non pas un effet déterminé. C’est ce qui nous a permis de dire que la preuve de l’existence de Dieu par la finalité qui est dans le monde, peut prendre pour point de départ, non pas seulement les merveilles de l’organisme ou de l’instinct des animaux, mais n’imi)orte quelle multiplicité ordonnée, ne fût-ce que celle qui se trouve dans tout être créé dont l’essence est ordonnée à l’existence et la puissance opérative à l’opération.

L’existence de la finalité interne ainsi affirmée et établie par le sens commun, la science et la raison philosophique, on peut en déduire, comme le montre Paul J.vxET (Les Causes finales, p. 49 ;), l’existence de la finalité externe. En effet, nous voyons que les êtres supérieurs utilisent les inférieurs, le minéral est utilisé par la plante, qui est utilisée par l’animal, qui est utilisé par l’homme. Dire que le supérieur utilise l’inférieur, c’est dire qu’il l’ordonne à sa propre fin (interne) ; ainsi l’animal utilise la plante en vue de sa propre conservation, qui est sa fin interne ; mais cette conservation n’est possible que par l’emploi de matériaux appropriés. D’où il suit que l’inférieur a une fin extrinsèque qui ne diffère pas de la fin intrinsèque du supérieur. S. Tliomas dit de même : « £st idem finis agentis et patientis, in quantum hujusmodi, sed aliter et aliter. » I », q. 44, a. 4- Le patient non pas comme être, mais en tant que patient, a la même fin que l’agent. L’aliment comme la puissance nutritive est ordonné à la nutrition. — Si la finalité externe nous échappe maintes fois, et si des apologètes maladroits l’ont invoquée trop souvent, il ne faut cependant pas la nier ; il est même des cas où elle paraît assez évidente. Ainsi les plantes par leur

respiration purifient l’air chargé de l’acide carbonique qui provient de la respiration des animaux : par la respiration à la lumière, la plante décompose cet acide carbonique, restitue de l’oxygène nécessaire à l’animal, et absorbe le carbone, avec lequel elle compose des hydrocarbui"es comliustildcs qui serviront d’aliment à l’animal. Mais il n’est pas nécessaire que cette finalité externe soit toujours réalisée, elle est exigée par le supérieur et non par l’inférieur ; à une époque où la vie animale n’avait pas encore paru, la vie végétale, si elle existait, n’atteignait pas sa fin externe.

Telle est la preuve de l’existence de la finalité dans le monde ; cette relation de moj’en à fin apparaît de façon plus évidente dans l’organisme ou dans l’activité instinctive de l’animal, mais elle se retrouve en tout agent, et relie les uns aux autres les différents êtres de l’univers, qui agissent les uns sur les autres.

On voit ce qui subsiste des objections soulevées par M. Lu Roy (Re-ue de Met. et de J/or., mars 1907) contre la mineure de la preuve de Dieu par les causes finales. Cet argument, selon M. Le Roy, est fondé sur la finalité externe et a contre lui la science et la critique philosophique, qui n’admettent que la finalité interne. Le principe de l’analogie qu’il établit entre notre activité et celle de la nature est contesté par la psychologie. Il considère enfin l’ordre comme surajouté après coup à des éléments déjà existants.

— Nous avons vu que notre mineure vise directement la finalité interne. L’affirmation de cette finalité interne n’est pas une vue anthropomorphique, sorte de projection au dehors de ce que nous expérimenterions dans notre propre activité où la finalité est indubitable. Mais il est bien certain que l’empirisme et le rationalisme subjectiviste ne peuvent concevoir la finalité autrement ; dans de pareils systèmes, elle est presque fatalement une attribution assez gratuite faite aux êtres corporels de ce que nous expérimentons en nous. En réalité, le principe de finalité n’est pas une vérité d’expérience empruntée à l’expérience interne, c’est une loi nécessaire de l’être, dérivée du principe de raison d’être. Nous ne nous contentons pas de constater avec Stuart Mill une analogie entre la nature et les œuvres de l’art humain, nous démontrons a priori que tout agent agit pour une fin. L’ordre enfin n’est nullement conçu comme surajouté après coup à des éléments déjà existants, puisque ces éléments n’existeraient pas et n’agiraient pas sans une préordination ou prédétei*mination. La fin, loin d’être surajoutée après coup, est lapremière de toutes les causes, y>/7/ » « in intentioner bien qu’elle ne se réalise qu’en dernier lieu, ultinia in executione. Aant de produire le chêne, le gland est ordonné à le produire, est fait pour le produire.

Cette relation de moyen à fin, cette ordination demande-t-elleune cause intelligente ? C’est ce qu’affirme notre majeure : « Les êtres qui ne possèdent pas l’intelligence ne peuvent tendre Aers une fin que s’ils sont dirigés par une cause intelligente », ou plus simplement « un moyen ne peut être ordonné à une fin que par une intelligence ».

On prouve souvcnt cette majeure en disant : Lafiu qui détermine la tendance et les moyens n’est autre que l’efïet futur à réaliser. Mais un effet futur est une simple possibilité, qui, pour déterminer ses propres causes, doit être déjà réelle et présente en quelque manière et ne peut l’être que dans un être connaissant. — Cet argument prouve qu’il faut un être connaissant, mais non pas un être intelligent. « Les animaux, dit S. Thomas (I » U^", q. 1, a. 2), connaissent la chose qui est fn (la proie dont ils cherchent à s’emparer) et ils emploient les moyens capables de la leur faire atteindre, mais ils ne connaissent pas la raison de fin, cognoscunt rem quæ est finis, sed non