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plus, il ne peut lui-aiême se donner ce qu’il n’a pas, aussi « doit-il y avoir un être où réside Vimmuable, incomparable et pure beauté ».

Cette preuve par les degrés se précise si l’on remarque avec Aristote que le non-être qui limite l’être est quelqvie chose d’intermédiaire entre l’être pur et le pur néant, la puissance. Une perfection qui de soi ne comporte pas de limite, ne peut être limitée ni par elle-même, ni par une autre perfection, ni par le pur néant, mais par quelque chose d’intermédiaire : la science n’est pas bornée par elle-même, ni par une autre perfection comme la sainteté, mais par la capacité restreinte selon laquelle l’homme la participe, par notre puissance de savoir, qui passe prog : ressivement à l’acte. — De même l’existence, à laquelle tous les êtres participent à des dei ; rés divers, n’est pas bornée par elle-même, mais par l’essence qui la reçoit, par l’essence qui est une possibilité d’exister, quid capax existendi, et d’autant plus parfaite qu’elle est une possibilité d’exister moins restreinte, qu’elle est susceptible de participer davantage à l’existence. Le minéral, la plante y participent dans les limites de la matière et de l’étendue ; l’animal, par la connaissance sensible, y participe d’une façon moins bornée ; l’homme, par son àme spirituelle douée d’une certaine inlinité dans l’ordre de la connaissance et du désir, dépasse les limites de la matière et de l’étendue, du temps et de l’espace ; l’esprit pur créé participe à l’existence dans les seules limites de la pure forme immatérielle qu’est sa nature, mais ce qui est en lui susceptiljle d’exister demeure iini ; son essence a raison de puissance, de limite à l’égard de l’existence, ultime actualité. Cette composition, cette dualité, d’essence qui limite et d’existence limitée, suppose une cause, et, en tin de compte, une cause au sein de laquelle il n’y ait plus aucune couipositif)n, aucun mélange de puissance et acte, une cause qui soit pur acte, souverainement déterminé de soi et dès toujours, pur être sans mélange de non-être et par conséquent infinie perfection. Cf. I », q. 7, a. i, Ulruni Deus sit in finit us.

On voit aisément comment S. Thomas pourra déduire que le Prinium ens n’est pas un corps, puis(pi’il est absolument siuq)le(Ia, q. 3, a. 1), qu’il n’est pas composé d’essence et d’existence, mais qu’il est l’Existence même (I », q. 3, a. 4)> qu’il n’est pas composé de genre et de ditrérence (la, q. 3, a. 5), qu’il est la souveraine bonté, plénitude absolue de l’être (la, q. G, a. 2), qu’il est inlini(la, q.’^, a. 1), qu’il est la suprême vérité (1 », q. 16, a. 5), qu’il est invisible (la, q. 12, a. 4). et incompréhensilde (I », q. 12, a. 8).

Passons maintenant aux dilTérentes applications et précisions de cette preuve générale, fqui conduisent non plus seulement au premier être, mais à la première intelligence, au [)rcmicr intelligible, au premier désira])le, source de tout boiilicur, au premier et souverain bien, fondement de tout devoir.

h. La Première intelligence. — S. Thonuis appli({ue à l’intelligence la preuve pai- les degrés. I », (j. ^ij, a. 4, et l’unit, comme S. Augustin, à celle par le uuiuvement.

« Considerandum est quod supra animant intellectivani

liumanamnecesse est ponere uliquem superiurem intetlectuni, a quo anima virtulcm intelligendi obtineat. Semper enini quod PAmicii’AT aliquid, et quod est mobih et quod est iMVEHVKC.Tuyi, præexigit ante se aliquid quod est i’i : a esskntiam slam tai.ic, et quod est immobile et i>i ; ui-kctu.m. Anima autem humaiia iutellectis’a dicitur, per participationem iiitellectualis virtntis : Cujus signum est quod non tota Ksr iNTiiLLKc.TivA, scd sccundum aliquam sui partent. Perlinfiit ctiam ad intelligentiam veritatis cum quodam discursu et motu urguendo. llabet etiam i.mi’KH FECTAM INTELLIGENTIAM, tUUt quiu HOU Omuia intclil git, tum quia in his quæ intelligit de potentia procedit ad aclum. Oportet ergo esse aliquem altiorent intellectunt, quo anima juvetur ad intelligendum. n Et cette intelligence suprême doit être l’Intelligence même, ï Ipsum intelligere, I », q. ll^, a. 4 Cette application de la preuve ne soufTre pas de dilliculté, si l’on se rappelle ce que nous avons dit plus haut, col. 1007, au sujet de l’intelligence. C’est une notion qui, par sa raison formelle, n’est pas dans un genre ; se délinissant par une relation à rt^’^r^, elle est analogue comme lui. C’est pourquoi elle i^eut se réaliser à des degrés divers, et à un degré suprême exister à l’état pur, sans aucun mélange de potentialité ou de limite.

Faut-il s’étonner que l’intelligence suprême s’identitieavec l’être même ? Nullement ; s’il y avait dualité, le principe de notre preuve nous obligerait à remonter plus haut, jusqu’à ce que nous ayons trouvé l’identité pure.

On ne manquera pas d’objecter avec Plotin, avec Spenceh : mais la connaissance implique nécessairement la dualité du sujet et de l’objet. Celte objection se trouve exposée sous plusieurs formes dans les quatre premiers articles de la q. 14^ de la /a Pars. Voici en substance comment S. Thomas répond, en partant de l’homme où la connaissance implique cette dualité. L’homme est intelligent dans la mesure où il est immatériel, dans la mesure où sa forme. dominant la matière, l’espace et le temps, lui permet de connaître, non pas seulement tel être particulier et contingent, mais l’être. Et comme l’homme n’est pas l’être, l’intelligence n’est en lui qu’une puissance relative à l’être, intentionnelle ; elle est un accident de la catégorie qualité, et l’intellection humaine n’est qu’un acte accidentel decette puissance. L’Ipsum esse sjf/’s/s/e/is doit être intelligent, lui aussi, dans la mesure où il est immatériel, et comme par déhnition il est indépendant non seulement de toute limite matérielle et spatiale, mais encore de toute limite d’essence, non seulement il est souverainement intelligent, mais son intelligence est l’intellection même, c’est-à-dire l’être même à l’état de suprême intelligibilité, toujours actuellement connu, un pur éclair intellectuel éternellemeiit subsistant. — Ne cherchons pas ici la dualité du sujet et de l’objet, elle ne proK’ient, dit S.Thomas, que de la potentialité (ou de l’inqjerfection), de l’un et de l’autre, « secunduni hoc tantum sensus s’el intellectus Ai.i : u est asensibilis-el intelligibili, quia ut ru nique est IN POTENTIA » (I », f[. 14, » 2). Déjà dans notre intellection actuelle s’identilient notre intelligence et son objet en tant que connu (comme le renuirque Cajetan après Averroes, in I^ » "’, ([. 79, a. 2, n" 19, l’intelligence ne reçoit pas l’objel comnu- la nuitière reçoit la forme et constitue avec elle un composé, l’intelligence (/ev’(e//< intentionnellement l’objet connu, « /(/ aliud in quantum aliud). Dans notre acte de réllexion, s’identihenl l’intelligence connaissante et l’intelligence connue : la dualité qui subsiste encore provient de ce que notre intelligence n’est pas de soi et toujours actuellement connaissante et actuellement connue. En Dieu s’identilient absolument la pure intellection et le pur être qu’elle pense.

Nous allons voir tiue cette conclusion n’est pas moins évidente si nous parlons de ce qui est requis, non plus par la première inleiligeuce, mais par le premier intelligible. Pour être acte pur à tous points de vue, il doit être dès loujoiu-s intelligible, non seulement en ])uissance, mais en acte, et même intelligé en aclii (intellectunt inactu). Or l’intelligible toujours actuel n’est autre que rélernclle iutelleotion. Eirtv /i voVi^t ; vi/ ; ’7 : w ; vo’v^a-u. Met., XII, C. 9 Tout cela est autrement certain que les plus absolues certitudes des sciences positives, pour cette