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simple et plus aljsolue de rintellig-cnce, qui n’atteint pas seulement le bien, mais la raison de bien (fnlellectus sinipliciter est altior quain’oluntas, I », q. 82, 3) ; si l’intelligence peut seule recevoii- en elle l’être, le capter, devenir lui, si elle est par excellence

« la faculté de totale intussusception » comme l’a

très bien expliqué M. P. Rousselot, l’Intetlectiialisiiie de S. Thomas, p. 20 ; si la volonté, au contraire, ne peut ainsi recevoir en elle l’être, le capter, devenir lui, mais seulement tend Aers lui lorsqu’il est absent, et jouit de lui lorsqu’il est présent par l’intelligence (I^^ 11^", q. 3, a. 4) ; alors la dialecti<pie de l’amour engendre une certitude objectivement sutlisante et absolue, de par la dialectique de l’intelligence qu’elle implique. Et le principe fondamental de cette dernière est précisément celui de notre preuve : « Lorsqu’il existe du plus et du moins, des degrés, le parfait aussi existe ; si donc il y a dans les êtres tel être meilleur que tel autre, il faut qu’il existe fpielque chose de parfait, qui ne peut être que le divin. » C’est ainsi qu’AntsTOTE exprimait avec une admirable précision le procédé fondamental du platonisme, dans son traité Sur la Pliilosopliie, où il résumait les leçons de son maître. Ce passage est rapporté par Simplicius, « De cælo » (Aid. 67, b). Cf. Fouillée « La Philosophie de Platon », t. I, p. 61. Voir aussi le texte d’Aristote cité ici par S. Thomas, Met., 1. II, c. k Ce principe de la dialectique, qui constitue la majeure de noire preuve, en comprend deux très intimement mêlés l’un à l’autre dans la pensée de Platon. Parler de degrés divers, c’est parler de multiplicité et aussi d’imperfection ou de perfection plus ou moins grande. De là deux principes : i" Si un même caractère se trouve en plusieurs êtres, il est impossible que chacun le possède par soi, et ce qu’on ne possède pas par soi, on le reçoit d’un autre, on y participe. Par ce principe on s’élève du multiple à l’un. — 2° Si un caractère, dont le concept n’implique pas imperfection, se trouve dans un être à un état imparfait, c’est-à-dire mélangé d’imperfection, cet être ne le possède pas par soi, mais le lient d’un autre qui le possède par soi. Par ce principe on s’élève non plus seulement du multiple à l’un, mais du composé au simple et par là de l’imparfait au parfait.

Examinons de près ces deux principes, et montrons leur rapport avec le principe d’identité, loi suprême de la pensée.

1° Si un même caractère se trouve en plusieurs êtres, on ne peut dire « jue chacun possède par soi, et ce qu’on ne possède pas par soi, on le tient d’un autre, on y participe. Cf. Phédon, 10 1, a. Phédon est beau, mais la beauté n’est point chose propre à Phédon, Phèdre lui aussi est beau, « la beauté qui se trouve dans un corps quclconque est sœur de la beauté qui se trouve dans tous les autres ». Aucun n’es/ la beauté, mais seulement il y participe, il en a une partie, un reflet. La beauté de Phédon ne peut avoir en lui son principe, pas plus que celle de Phèdre, mais toutes les deux doivent ])rovcnir d’un j)rincipe su[)érieni’, <pii est beau par ce qui le constitue en [)ropf< ([ui est la beauté même. — C’est ce ([ue S. Thomas précise et met en formule : multitudo non reddit rationem unilalis, la multitude ne peut rendre conqjte de l’unité de similitude qui est en elle, mais suppose une unité su[)érieure. Et ilans le /Je Polentia, q. 3, a. 5, il nous nunitrc le rapport de ce princi[)c avec le principe d’identité, loi suprême de la pensée et du réel : « Oportet, si aliijuid lnum comniuniler in i’LUniBUs inx’enitur, quod ab aliqua una causa /// illis causetur ; non enim potest esse quod illud commune utrique EX SEiPso conveniat, cnm utrumque skcundim ouoD ii’suM EST ulj oltero distint’uatur : et di’ersitas

ciiusarum diersos effectus producit. » Phédon et Phèdre ne peuvent posséder la beauté par eux-mêmes, ne peuvent avoir dans ce qui les constitue en propre la raisonde leur beauté, car ce qui les constitue en propre 1 un et l’autre est ditïérent, tandis que la beauté leiu" est commune ; le di’ers ne peut être la raison de l’un. Dire que Phédon et Phèdre sont beaux par eux-mêmes, c est dire que le divers par soi est un d’une unité de similitude, que des éléments de so/ divers et non semblables par ce qui les constitue en propre, sont de soi semblables, ce qui est nier le principe d’identité ou de non-contradiction. Nul recours à l’argument de S. Anselme.

Par ce principe, Platon s’élevait du multiple à l’un, de la multiplicité des individus aux types éternels des choses, à l’idée de la Vérité éternelle, de la Beauté éternelle, de la Justice éternelle. Mais il trouvait là encore une certaine diversité, qu’il ramenait à une unité suprême, à l’Idée des Idées, soleil du monde intelligible, qui était pour lui, non pas l’Idée de l’Etre, mais l’Idée du Bien ou de la plénitude de l’être. « Aux dernières limites du inonde intelligible est l’idée du Bien, qu’on aperçoit à peine, mais qu’on ne peut apercevoir sans conclure qu’elle est la cause première de tout ce qu’il y a de beau et de bon dans l’univers… » (^République, VI, log, b.) S. Thomas conclut ici à peu près de même : « Il y a quelque chose qui est le Vrai, le Bien, le Noble, et par conséquent l’Etre par excellence, qui est cause de ce qu’il y a d’être, de bonté et de perfection dans tous les êtres, et c’est cette cause que nous appelons Dieu ».

On objecte la dilliculté de concevoir une essence typique pour chaque chose. Cette dilliculté a embarrassé Platon, parce qu’il n’a pas su distinguer nettement les transcendantaux des espèces et des genres. On discute encore la question de savoir s’il a réalise l’homme en soi en dehors de l’idée du Bien, ou s’il en a fait seulement une idée divine. Quoi qu’il en soit de sa pensée à lui, disons avec Aristote, Met.. 1. Lleç. 14 et 15 ; 1. VII, Icç. 9 et 10, et S. Thomas, I », q. 6, a. 4 ; q. 65, a. i (Cajetan) ; q. 84, a. 7 ; q. lo^, a. i, que seuls les caractères dont la raison formelle fl/>.s7/’rt ; 7 de toute matière peuvent e.iisler à l’état séparé de la matière et des indis’idus. Au contraire, ce dont le concept impliciue une matière commune (par exemple le concept d’homme impli(iue de la chair et des os), est irréalisable à l’état séparé de la matière et des individus ; il ne peut exister de la chair qui ne soit pas telle chair, car de la chair est nécessairement quehjue chose de matériel et d’étendu, qui a telles parties et telle étendue, non i)as telle autre ; la chair ])eut cire pensée séparément des conditions indiviiluantcs (separatim), mais ne peut pas exister séparée Çseparata ) (De Anim, , 1. III, Comni. de S. Thom., leç. 12). Les exemplaires des choses matérielles ne pourront donc jamais être que des idées et non des types réels. C’est cette précision, ajjportée au principe de Platon, qui nous empêche de le suivre

; dans son réalisme exagéré. — Mais il en est tout

autrement des caractères qui par leur raison formelle abstraient de toute matière, qui en outre dominent les espèces et les genres, et pour cette raison se réalisent analogi<[uement à des degrés dix-ers (comme l’être, l’unité, la vérité, la bonté, la beauté, l’intelligence. ..), ils pourront et ils devront exister à l’élut séparé de la ma t. ère et des indix’idus. dans un être supérieur qui les possédera au degré suprême.

C’est précisément |)our cela que notre preuve ne prend pas i)our point de départ un caractère réalise au même degré dans j)lusicurs êtres, comme l’humanité ; un pareil caractère est nécessaireuunl causé non pas en tous moins un, mais en tous (Cajelan in I^, <I. G5, a. i). L’un de ces êtres ne peut être cause des