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ou moins. — Mais lorsqu’on arri^c à ces caractères toul à fait généraux qu’on a appelés les tianscendantaux parce qu’ils dominent les espèces et les genres, on remarque qu’ils sont susceptibles de plus et de moins, et c’est eux qui constituent le point de départ de notre preuve. Ces caractères (l’être, l’unilé, latérite, la bonté) ne sont pas divcrsiliés comme les genres par une dilFérence spécifique extrinsèque, mais ils sont ind>il)és dans cela même qui diversifie les êtres, aussi les différents êtres les possèdent-ils chacun à leur manière à des degrés divers, anatugiquenient. Tandis que Vaninialilé (la vie sensitive) appartient au même titre à l’iiomme et au lion, l’être, l’unité, la J>onté conviennent aux différents êtres à dos titres et degrés dis ers : la différence propre à chacun de ces êtres est encore en effet de l’être, comme elle est une et bonne à sa manière. Une pierre est bonne d’une bonté à elle parce qu’elle ne s’effrite pas ; un fruit est bon d’une bonté à lui parce qu’il rafraîchit ; un cheval est bon parce qu’il peut fournir une longue course ; un professeur est bon parce qu’il sait et sait enseigner ce qui est de sa partie ; un homme vertueux est bon parce qu’il veut et fait le l » ien ; un saint est, meilleur encore parce qu’il a la passion ardente du l)ien. De même encore le l)ien honnête est supérieur à l’utile et au délectable, une fin en soi meilleure qu’un simple moyen. La bonté est donc réalisée à des degrés divers. Il en est de même de la perfection ou de la noblesse : le végétal est plus noble que le minéral, l’animal que le végétal, l’homme que l’animal. Il faut en dire autant de l’unité : l’esprit est plus un que le corps, il est non seulement indivis mais indivisible ; une société est plus une qu’une autre société, une science qu’une autre science. De même jjour la vérité : un premier principe évident de soi, nécessaire et éternel, comme le principe de non-contradiction, est plus vrai qu’une conclusion nécessaire qui dérive de lui, parce qu’il est conforme non pas seulement à une modalité de l’être mais à ce qu’il y a de plus profond et de plus universel dans le réel possible et actuel. Une conclusion nécessaire est à son tour plus vraie qu’une conclusion contingente, parce qu’elle est adéquate, non pas seulement à un fait passager (ex. : César est mort), mais à quelque chose d’éternel (ex. : l’homme est libre). Nous-mêmes dans notre vie nous sommes plus ou moins bons, plus ou moins Arais, plus ou moins nobles, suivant que notre existence répond plus ou moins à ce que nous devons être. — S’il y a làun morcelage, ce n’est pas éA^idemnient celui du continu sensil)le, et la dernière critique des sciences physiques ne peut certainement rien contre lui.

Tel est le point de départ de la preuve : la réalisation hiérarchisée des aspects transcendantaux de l’être. De là, la raison prétend s’élever à l’exislence d’un être unique absolument simple, absolument vrai, absolument bon, qui est l’Etre même, la Vérité même, la Bonté même, et par conséquent souverainement parfait. Sera-ce par un recours dissimulé à l’argument de S. Anselme ? Nullement.

Le principe qui permet de s’élever des degrés des êtres à Dieu, est le suivant : << Lorsqu’une perfection dont le concept nimplique pas d’imperfection se trouve à des degrés divers dans différents êtres, aucun de ceux qui la possèdent à un degré imparfait ne suffit à en rendre compte, il faut qu’elle ait sa cause dans unêtre supérieur qui est cette perfection même. >

« Nagis et minus dicuntur de dii’ersis secunditm quod

appropinquant dis-ersimode ad aliquid quod maxime est. »

Pour comprendre le sens, la valeur et la portée de ce principe dans lequel se condense toute la dialectique de Platon, c’est Platox lui-même qu’il faut

interroger. La précision que nous apporterons ensuite à son i)rineipc sera la raison qui nous empêchera de le suivre dans son réalisme exagéré. — La dialectique est la marche ])ar laquelle l’àme s’élève à ces réalités transcendantes, types éternels, que Platon appelle les Idées. Il y a la clialectique de l’intelligence qui repose sur le principe que nous venons d’énoncer, et la dialectique de l’amour, qui implique lai)récédenle sans demander autant de raisonnement, et est accessible à toute àme éprise du Bien, qu’aucun bien particulier ne peut satisfaire.

Cette dialectique de l’amour se trouve exposée à la fin du Banquet ; l’àme, y est-il dit, doit apprendre à aimer les belles couleurs, les belles formes, un beau corps, mais elle ne doit pas s’arrêter à un seul, car il ne possède qu’un reflet de la beauté, elle doit aimer tous les beaux corps, puis s’élever à l’amour de l’àme principe de la Aie et de la beauté du corps ; elle doit s’attacher aux belles âmes, belles par leurs actions, de là s’élever à la beauté des sciences qui engendrent les belles actions, jusqu’à ce que, de science en science, elle parvienne à la science par excellence, qui n’est autre que la science du beau lui-même, et qu’elle finisse par le connaître tel qu’il est en soi. La dialectique de l’amour s’achèAe par le désir naturel (conditionnel et inefficace, dira la théologie ) de Aoir Dieu intuitiA’cment, de contempler

« cette beauté exempte d’accroissement et de diminution, 

beauté qui n’est point belle en telle partie, laide en telle autre, belle seulement en tel temps et non en tel autre, belle sous un rapport, laide sous un autre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci et laide pour ceux-là… beauté qui ne réside pas dans un être différent d elle-même, dans un animal par exemple ou dans la terre, ou dans le ciel, ou dans toute autre chose, mais qui existe éternellement et absolument par elle-même et en elle-même : de laquelle participent toutes les autres beautés, sans que leur naissance ou leur destruction lui apporte la moindre diminution ou le moindre accroissement, ni la modifie en quoi que ce soit yy. (Banquet, 2 1 1 C.)

Cette dialectique de l’amour est celle reprise par S. Thoaias au délmt de la I^ Ilae, dans le Traité de la Béatitude : L’truni consistât bcatifudo hominis in divitiis, in honoribus, in fama sivc gloria, in potestate, in aliquo corporis bono, in valu pt aie, in aliquo bono animae, in aliquo bono creato ? Toujours, réponse négatiA’e, seul le Bien absolu peut satisfaire pleinement un appétit dirigé par une intelligencequi connaît non seulement tel bien particulier, mais le bien universel. Cette dialectique est rigoureuse et ])rouve apodictiquement, nous le Aerrons, l’existence du Bien absolu, pourA’u qu’on la considère comme une simple application de la preuAC de Dieu que nous étudions, qui suppose la Aaleur objectiAC et transcendante des premiers principes rationnels.

Si, au contraire, aACC les partisans de la méthode exclusive d immanence, on soutient cpie « les subtilités dialectiques (spéculât iA-es), quelque longues et ingénieuses qu’elles soient, ne portent pas plus qu’une pierre lancée par un enfant contre le soleil », 1 que i< de l’action et d’elle seule ressort l’indiscutable | présence et la preuA’e contraignante de l’être » 1 (Blondel, l’Action, p. 350), alors la dialectique de lamour, si saA^ante qu’elle soit, n’engendre plus (pi’une certitude i)ratique, subjectivcment suffisante, ! peut-être, mais objectivcment insuffisante. Cf. col. g52 à 956 et col. 1069. I

Mais s’il est Arai que la notion de bien suppose la’notion plus simple et plus absolue, plus univcrselle, d’être (Ens est prias quam honum, I^, q. 5, a. 2) ; si la ^Aolonté et l’amour supposent l’actiA’ité plus