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gence du tout. Conclura-t-on la contingence réelle du monde par le fait de son imperfection, ou parce que sa non-existence ne répugne pas ? On revient alors à l’argument de S. Anselme, qui conclut l’existence réelle de Dieu, du simple fait que sa non-existence répugne.) Le Roy, Bev. de Métaphysique et de Morale. mars 1907, art. cit., et Schiller, cité dans Is. Res’ue de Philosophie, 1906, p. 653.

On conclura la contingence réelle du monde par le fait de son imperfection, dans la 4*^ preuAC. Mais dès maintenant on peut la conclure du fait que sa nonexistence ne répugne pas, et il n’y a là aucun passage illégitime de l’idéal au réel, comme dans l’argument de S. Anselme. Tout ce cpie S. Anselme, partant de la pure définition nominale de Dieu, pouvait dire, c’est que l’être le plus parfait qui se puisse concevoir implique l’existence dans sa définition comme prédicat essentiel, c’est-à-dire existe nécessairement par lui-même et non par un autre, est son existence, s’il existe. Cette proposition hypolliétiqiie est rigoureusement vraie, mais ce n’est qu’une hypothétique, l’erreur de S. Anselme est d’avoir voulu en faire une proposition absolue ou catégorique, et d’avoir conclu : Dieu existe de fait. — Par opposition, la définition d’un être fini quelconque (fùt-il infini au point de vue du temps et de l’espace, pourvu qu’il ne soit pas infini au point de vue de l’être, de la puissance, de l’intelligence, etc.), d’une plante, d’un animal, de la matière, d’un esprit, n’implique nullement l’existence <lans sa compréhension ; chacun de ces êtres se définit abstraction faite de l’existence, son essence est conçue comme susceptible d’exister, elle n’implique à aucun titre l’existence essentielle, l’aséité. Dès lors on formule légitimement l’hypothétique : si cet être est, ce n’est pas par lui-même qu’il existe. C’est une vérité de l’ordre idéal ou des essences, comme celle à laquelle S. Anselme aurait dû s’en tenir.

De plus il n’est pas besoin d’aller si profond, pour établir que l’être nécessaire ne peut être ni le devenir sous-jacent aux phénomènes, ni la substance qui leur serait commune. — En effet, comme nous l’avons longuement établi à propos de la preuve par le mouvement, le devenir ne peut avoir en soi sa raison d’être, 1° parce qu’il est union successive du divers, dire que l’union inconditionnelle du divers est possible, c’est dire que des éléments de soi divers et non unis peuvent de soi être unis ou se suivre, ce qui revient à nier non pas l’argument de S. Anselme, mais le principe d’identité ; 2" le devenir est passage de l’indéterminé au déterminé ; nier qu’il ait besoin d’une cause de soi déterminée, c’est dire que le plus sort du moins, ou l’être du néant. L’imagination seule peut réunir les deux mots é’olution créatrice, ce qui évolue n’a pas en soi sa raison d’être, et pour créer il faut l’avoir. I^. q. 2, a. 3, ad 2"™.

L’être nécessaire ne peut enfin être une substance commune à tous les êtres ; cette substance serait sujet du devenir. Or le devenir, nous l’avons vu, demande une cause qui ne soit sujet d’aucun devenir. L’être nécessaire serait un moment privé de ce qu’il n’aurait pas encore, et il ne pourrait se le donner : le plus ne sort pas du moins. L’être nécessaire, qui doit être raison de tout ce qui est et sera, peut bien donner mais non pas recevoir, il peut déterminer mais non pas être déterminé. Il doit avoir de soi et d’endilée, non pas seulement en puissance mais en acte, tout ce qu’il doit et peut avoir. Ja, q. 3, a. 6 : « i’trum in Deo sit conipositio suh/’ecti et accidentis. »

d : L’être nécessaire est l’Etre même, pur être, absolue perfection. — Kaxt (Dialectique transcendantale, oh. III, 5’section) soutient qu’on ne peut passer de l’être nécessaire à l’être soua erainement parfait, eus realissimum, que par un recours inconscient à la

preuve ontologique. Il croit l’établir par une simple conversion de proposition. Convertissons, d’après les règles de la logique formelle, la proposition : « Tout être nécessaire est parfait. » Il vient : « quelque être parfait est nécessaire ». Mais il ne saurait y avoir aucune distinction entre des êtres parfaits, puisque chacun d’eux est l’ens realissimum. La proposition convertie est donc équivalcnte à l’universelle : « Tout être parfait est nécessaire », qui n’est autre que la thèse de l’argument ontologique. Comme on passe de la première proposition à la seconde par une opération purement logique et régulière, la A^érité ou la fausseté de l’une entraîne la a érité ou la fausseté de l’autre. — Telle est l’objection principale de Kant contre les preuA’es classiques, considérées non plus dans leur fondement (principe de causalité), mais dans la démarche par laquelle elles passent de la cause première à l’Etre parfait.

A cette objection il suffît de répondre encore une fois : S. Anselme avait tort de conclure : « l’être parfait existe nécessairement de fait », il aurait dû se contenter d’affirmer : « l’être parfait existe par soi, s’il existe ». Il aurait pu aussi bien établir a priori l’hypothétique contraire : « si un être par soi existe, il est souverainement parfait », et c’est précisément ce qui nous reste à faire, après aA^oir démontré par la preuve par la contingence qu’il existe en fait un être nécessaire. L’équivalence de deux concepts liés nécessairement par leur définition même (nécessaire et parfait) est légitime pour ceux qui, contre Kant, admettent qu’iuix nécessités de penser répondent des nécessités réelles, qu’à l’impensable répond l’impossible. Cf. plus haut sur la Aaleur objeclive du principe de non-contradiction (col. g88 et 1001).

Voici comment s’effectue a priori le passage de l’être nécessaire au parfait. Nous nous contenterons de résumer ici S. Thomas, puisque la 4*^ preuA’e doit nous conduire a posteriori à la même conclusion.

— i" L’être par soi reconnu existant en fait implique comme prédicat essentiel l’existence, c’est-à-dire doit non pas seulement avoir l’existence, mais être son existence même (I », q. 3,. a. 4)- — 2° Cet être, qui est son existence même, ne peut appartenir à aucune espèce, ni à aucun genre ; son genre en effet ne pourrait être moins universel que l’être même, puisque l’être est en lui prédicat essentiel ; or l’être, n’admettant pas de différence extrinsèque, n’est pas un genre (I », q. 3, a. 5). — 3° Cet être est sous’erainement parfait, parce que l’être qui est son existence même doit avoir toute la perfection de l’être, totam perfectionem essendi.

« Omnium aufeni perfectiones pertinent ad perfectionem

essendi : secundum hoc enim aliqua perfecta sunt, quod aliqiio modo esse habent. » (la, q. 4. a. 2.) Toute perfection (bonté, sagesse, justice) est une modalité de l’être susceptible d’exister, c’est quelque chose qui peut participer à l’existence, quid capax existendi. L’existence est donc l’acte ultime de tout ce qui peut être, maxime formule omnium, la dernière détermination qui pose tout ce qui est susceptible d’être en dehors du néant et de ses causes. Mais l’acte est supérieur et plus parfait que la puissance, puisqu’il est un absolu tandis qu’elle n’est qu’un relatif. Il faut donc conclure que l’être qui est son existence est actualité pure et absolue perfection. — 4° Cet être est infini en perfection (la, q.’j, a. i). En elTet si l’être par soi n’aA’ait qu’un être limité, il participerait à l’existence, il y aurait en lui composition d’essence qui limite et d’existence limitée. Son essence cesserait par là même d’être son existence, et poui*rait être conçue sans l’existence, qui ne lui conA’icndrait plus dès lors qu’à titre de prédicat accidentel. Si l’être par soi ne peut avoir aucune limite d’essence (comme celle qui s’impose à l’être, à l’intelligence, à