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à Dieu, selon une dénomination intrinsèque (cf. plus loin, col. io55 et 1082 à 1087). Mais nous ignorerons ce qu’est le mode divin selon lequel elles s’identilient dans la Déité, aussi dirons-nous qu’elles sont en Dieu formaliier eniinenter. « Modiis aittein siipereminentiae quo in Deo dictæ perfectiones inveniuii-Uir, per nomina a nohis imposita signifîcari non potest nisi sel per negationem, sicut cum dicimus Deitm aeternum vet infiniliiui, s’el etiam per relatlonem ipsius ad alia, ut cum dicitur prima causa vel summum bonum (C. Gentes, 1. I, c. 30, fin). Comme on l’a fort bien montré à l’art. Agnosticisme, col. 38-66, l’erreur de Maimomde et de plusieurs de nos contemporains a été de dire de la raison formelle des perfections absolues ce que S. Tliomas dit seulement du mode qu’elles revêtent en Dieu ; dans cette hypothèse, nous n’atteindrions Dieu que par des dénominations extrinsèques, négatives ou relativcs à nous. En réalité nous avons des perfections absolues une connaissance analogique positive, et nous les affirmons de Dieupe ; " viam causalitatis (non quod Deus sit bonus, in quantum causât bonitatem, sed potiuse cons’crso. quia est bonus, bonitatem rébus diffundit, l", q. 13, a. 2) ; ensuite nous n’atteignons le mode selon lequel elles existent en Dieu que per viam negationis, ainsi nous disons : bonté sans limite, ou per viam eminentiae {relative) lorsque nous parlons de souveraine bonté. Il reste que nous ignorons ce qu’est en lui-même le mode selon lequel ces perfections conviennent à Dieu, nous ne connaissons de ce mode que l’existence ; en ce sens il est vrai de dire : nous ne pouvons pas savoir ce qu’est Dieu (prout est in se, ou quidditative), nous n’atteignons pas la Déité dans ce qui la constitue en propre, mais seulement e.r communibus (cf. Gajetan, in 1 » ™, q. 3g, a. 1). De même la théodicée ne pourra jamais définir ce qu’est en soi l’intelligence divine, la volonté divine, la motion divine, elle déterminei’a seulement que l’intelligence, la volonté, la causalité sont en Dieu, mais elle ne fera connaître leur mode divin que négativement ou relativement à nous (cf. Zigliara, Sumin. Phil., I. II, p. 488).

Bien plus, dans les propositions que nous formulerons au sujet de Dieu, le mode créé et humain reparaîtra, de telle sorte que l’attribution des perfections absolues restera formelle (dénomination intrinsèque), mais non pas le mode de l’attribution. C’est ce que dit expressément S. Thomas, C. Gentes, 1. I, c. 30 : Possunt hujus modi nomina et affirmari de Deo et negari : affirmari quidem propter noininis rationem (raison formelle), negari vero propter signi/icandi modum (mode créé). En effet, ajoute saint Thomas, notre intelligence, dont les idées viennent des sens, ou bien conçoit et désigne à l’abstrait {bonitas), et alors ce qui est signifié est simple mais non subsistant, ou bien elle conçoit et désigne au concret (bonum), et alors ce qui est signifié est subsistant, mais n’est plus simple. C’est le mode des choses créées. Tandis que ce qui convient à Dieu est à la fois simple et subsistant. Ainsi donc il y a toujours une imperfection dans le mode selon lequel nous parlons de Dieu ; lorsque nous avons dit qu’il est bon, nous ajoutons qu’il est la bonté, mais non pas la bonté abstraite, la bonté subsistante ; de même lorsque nous avons dit qu’il existe, nous ajoutons qu’il n’fl pas l’existence, mais qu’il est l’existence, l’existence subsistante, Ipsum esse subsistens. Cf. C. Gentes, ibid.

Telle est la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu par les seules forces de notre raison, elle atteint Dieu lui-même (son existence et quelque chose de son essence) mais non pas Dieu tel qu’il est en lui-même (dans ce qui le constitue en propre). Ne

connaissons-nous pas nos amis eux-mêmes, sans cependant les atteindre tels qu’ils sont en eux-mêmes ? La démonstrabilité et la cognoscibilité ainsi établies, passons à la démonstration elle-même.


III° Partie

Exposé des preuves de l’existence de Dieu

Pour saisir le sens profond et la portée métaphysique des preuves traditionnelles, on ne peut mieux faire que de les étudier dans l’art. 3 de la question 2 de la I’^ pars delà Somme Thêologique, où S. Thomas les a ramenées à leurs principes essentiels. Voir aussi Contra Gentes, 1. I, c. 13, 15, 16, 4^ ; 1 H, c. 15 ; 1. III, c. 44- — De Veritate, (. 5, a. 2, de Potentia, q. 3, a. 5. — Compendium Theologiae, c.3 ; — Phy&ique, 1. VII, leç. 2 ; 1. VIII, leç. 9 et suivantes ; — Métaphysique, 1. XII, leç. 5 et suivantes.

Nous ne ferons pas ici œuvre historique, nous chercherons seulement à montrer la solidarité de ces preuves avec les premiers principes rationnels, particulièrement avec le principe de non-contradiction ou d’identité et avec notre toute première idée, l’idée d’être.

Pour montrer que S. Thomas, quoi qu’on en ait dit, n’ignorait pas les difficultés du problème, il importe de mentionner les deux objections qu’il se fait au début de son article. Ce sont les deux objections fondamentales auxquelles on ramènerait aisément toutes les autres : la première est celle des pessimistes, la seconde celle des panthéistes.

1° Le mal existe, c’est donc qu’un Dieu infiniment bon n’existe pas. Comment laisserait-il subsister tous ces défauts, toutes ces souffrances, tous ces désordres dans son œuvre ? C’est l’objection longuement développée par Schopexiiauer. Se contenter, avec Voltaire (3" lettre à Mejumius), Sruvnr Mii, i. (Essais sur la Religion, p. 163), M. Schiller (cf. Revue de Philosophie, 1906, p. 653) et plusieurs de nos contemporains, d’un Dieu fini, très sage et très puissant, mais non pas / «  « /-puissant, c’est ne pas même conserve ! de Dieu la définition nominale qui détermine l’objet de la preuve (voir le déAcloppement de cette objection dans Le Divin. Expérience et Hypothèses, par Marcel Hébert, Paris, 1907, p. 148-164).

La solution de cette difficulté appartient au traité de la Providence I", q. 22, a. 2, ad 2" » " (cf. dans ce Dictionnaire, art. Providence). Mais pour n’aA’oir pas à revenir sur le problème du mal, nous résumerons ici la réponse de la théologie catholique. S. Augustin l’a condensée dans un mot que cite ici S. Thomas :

« Si le mal existe, ce n’est point que Dieu

manque de puissance ou de bonté, mais, au contraire. Il ne permet le mal que parce qu’il est assez puissant et assez bon pour tirer le bien du mal même, nullo modo sineret aliquid mali esse in operibus suis, nisi esset adeo omnipotens et bonus ut bene faceret etiam de malo. » Enchiridion, c. 1 1. C’est le triomphe de la puissance et de la bonté infinie de Dieu. Il fait servir la mort de la gazelle à la vie du lion, les persécutions et les pires souffrances à la gloire de ses martyrs. Non seulement Il donne aux âmes de triompher de la douleur, mais II les fait grandir par la douleur, leur donne de devenir toujours plus profondes et de ne s attacher qu’aux biens éternels, Il les trempe dans l’adversité, et, par les humiliations qu’il leur envoie, les prémunit contre l’orgueil ou les en guérit.

— Le mal physique d’ailleurs n’est rien en comparaison du mal moral ou du péché, et celui-ci comment s’opposerait-il à l’existence du Souverain Bien puisqu’il la suppose ? Il n est en fin de compte qu’une offense à Dieu. Comme le mal physique. Dieu ne l’a permis qu’en A’ue d’un plus grand bien. Pour exercer