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DIEU

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et se siinire à elle-même doit être en tout et pour tout identique à elle-même, qu’elle doit être à l’être comme A est à A, Ipsum esse, acte pur, par là distincte essentiellement du monde multiple et changeant. Le nier, sera nier que le principe d’identité est loi fondamentale du réel comme de la pensée, et dire avec Hec ; kl que la loi fondamentale est la contradiction ou l’absurdité. Une âme du monde, une comme substance et multiple dans les phénomènes qui la déterminent, apparaîtra contingente : du fait qu’elle peut recevoir des modes multiples et variables, c’est qu’elle n’est pas identité pure, pur être, pure perfection ; la composition, qui est en elle-même au nom du principe d’identité, demande une cause : des éléments de soi divers ne peuvent de soi être unis ; il n’y aura là aucun recours dissimulé à l’argument de saint Anselme, mais recours au principe suprême de la pensée.

Il n’en reste pas moins une difficulté plus profonde que celle signalée par M. Hébert : on ne peut positivement appliquer à Dieu le concept analogique d’rïre (et affirmer l’existence de Dieu) qu’en supposant la valeur analogique du concept de cause, mais cette supposition n’est pas seulement gratuite, elle est illégitime : la valeur analogique du concept de cause, loin de pouvoir fonder la Aaleur analogique du concept d’être, la suppose, puisque le concept d’être est de tous le plus universel et qu’il est impliqué en tous les autres. L’objection de M. Hébert reste confinée dans les limites de l’empirisme et de la science, elle ne devient sérieuse et pliilosophique que du point de vue conceptualiste-réaliste qui définit tout en fonction de l’être.

A cette dernière instance, il faut répondre : i" Uétic apparaît tout d’abord dans l’ordre infini comme un transcendantal, et par là même comme un analogue de proportionnalité. Dès lors, nous ne voyons pas qu’il soit impossible, tout porte même à penser qu’il est possible d’appliquer cette notion transcendantale analogique (qui ne comporte pas de limite) à un être infini, qui deviendra dès lors l’analogue supérieur de cette notion. — 2" Le concept de cause, défini métaphysiquement en fonction de l’être par la réalisation, apparaît du même coup comme dépassant les limites d’un genre, d’une catégorie déterminée, et donc comme analogique. Dès lors nous ne voyons pas qu’il soit impossible, tout porte même à penser qu’il est possible d’appliquer cette notion de cause à un analogue supérieur infini, si ce dernier est exigé. — 3" Toutes les réalités finies, de par la multiplicité et le devenir quelles impliquent, apparaissent contingentes et e.rii ; ent nécessairement une raison d’être actualisatrice, qui elle-même soit identité et immutabilité pure, pur être. — Ainsi donc nous ne déclarons le concept de cause analogue que parce que l’être est analogue, et il l’est parce que transcendantal ; affirmation nullement gratuite. Ce disant, nous ignorons encore si Dieu est im analogiu- supérieur de l’être ; nous ne l’affirmons qu’en vertu du concept de cause, et cela est pai’faitement légitime, car, à l’opposé du concept d’être, le concept de cause est essentiellement relatif. et ce qui oblige à affirmer la relation de causalité, ce sont toujours les exigences de l’effet, l’impuissance où il est de s’expliquer par lui-même. Si ces exigences sont nécessairement conçues en fonction de l’être (qui apparaît déjà comme transcendantal), il faut dire que c’est le concept d’être lui-même, par l’intermédiaire du concept de cause, qui postule V/psum esse subsistens et qui demande à s’appliquer analogiquement à lui comme à son analogue supérieur. Ensuite, partant non plus de l’être (analogue) mais de l’êti’e divin (analogue), on déterminera ce qu’est la causalité divine (analogue supérieur de la causalité), ce qui fera l’objet des traités de la puissance de

Dieu, de la création, de la motion divine. — Dès lors, le concept d’être conserve toujours sa primauté, l’être analogue fonde l’analogie du concept de cause, le concept analogique de cause permet d’affirmer l’analogue supérieur de l’être, lequel permet à son tour de déterminer l’analogue supérieur de la causalité ; c’est-à-dire la causalité divine. — De même nous avons vu plus haut que le concept confus d être est antérieur à celui de manière d’être, qui permet de préciser le premier analogue de l’être, la substance, lequel permet à son tour de préciser le deuxième analogue de l’être, l’accident (col. 990).

16° Le moyen terme de notre démonstration sera analogique. Ftigueur d’une pareille démonstration. — C’est donc à l’aide de concepts analogiques, et non pas univoques, que nous allons faire la démonstration de l’existence de Dieu. Lu terme analogue jouera le rôle de moyen terme. Toutes les preuves auront la forme syllogistique suivante : Le monde requiert nécessairement une cause première extrinsèque. Or nous appelons Dieu la cause première extrinsèque du momie. Donc Dieu est. — Nous ne supposons de Dieu que la définition nominale, l’idée qu’éveille dans l’esprit le mot Dieu : c’est le moyen terme de toutes les démonstrations qui vont suivre (I", q. 2, art. 2, ad 2). Ce moyen terme est analogique, et cela suffit. Il est suffisamment un, quoique analogique, pour que le syllogisme ne comporte pas quatre termes. Cajktax établit, en son traité De nominum analogia, c. 10, qu’un concept qui a une unité de proportionnalité peut être moyen terme dans un syllogisme, à condition que dans les deux cas où il est employé, c’est-à-dire dans la majeure et dans la mineure, il soit pris selon la même extension. Pour cela il doit être pris selon la similitude proportionnelle qui existe entre les analogues, et non pas selon ce qui constitue en propre tel analogue. Par exemple, le concept relatif de cause qui va nous servir de moyen terme dans toutes nos démonstrations, doit désigner, dans la majeure et dans la mineure, non pas précisément la causalité telle qu’elle est dans la créature, mais ce en quoi cette causalité de la créatui-e est proportionnellement semblable à une causalité d’un autre ordre. Tout ce qui convient au semblable en tant que tel, convient aussi à ce à cpioi il ressemble, quidquid convenit simili, in eo quod simile, convenit etiain illi cujus est simile (Cajetan, /i/J.). Le principe d’identité ou de contradiction, qui assure la validité formelle du raisonnement, ne doit pas se restreindre aux notions univoques. « La contradiction consiste dans l’affirmation et la négation du même attribut au même sujet, et non pas dans l’affirmation et la négation du même attribut univoqiie au même sujet univoque. L’identité des choses et des raisons objectives s’étend à l’identité proportionnelle. )j (Cajetan, ibid.)

Ce n’est pas là une thèse logique établie pour les besoins de la démonstration de l’existence de Dieu, on la trouve nettement exprimée par Aristote. le père de la théorie de la démonstration, au H Post. Anal., c. 13 et 14 (Conim. de S. Thomas, leç. 17 et i(j). Après avoir parlé du moyen terme univoque, il ajoute : « Ere 5’ « /, /0| tos’ttc ; hri xv.rx ri èocè.y’y/oj iy.Jc/îtv, alius modus est eli gère commune secundum analogiani, id est secundum proportionem. » S.Thomas explique : Ad hoc autem commune analogum, qnædam consequuntur propter unitatem proportionis. sicut si communicarent in iina natura getieris vel speciei. — Cette même unité de proportion fonde tous les raisonnements de la théodieée, elle nous permettra de dire après avoir démontré l’existence de Dieu et son indépendance à l’égard de la matière : de même que.