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examen de ces notions nous permet d’étalilir que leur application à Dieu, si elle est exigée, ne pourra se faire que de façon analogique.

3^ Ces notions métaphysiques sont analogiques.

— On ne l’a pas assez remarqué dans les controverses récentes, ces notions sont analogiques précisément parce que ce ne sont pas des genres, mais des notions qui transcendent les genres. Tout genre, si élevé soit-il, reste univoque, c’est-à-dire qu’en chacun des êtres auquel il est attribué il désigne absolument la même chose, rutioneni sinipliciter eamdeui. C’est ainsi que le genre animal désigne dans l’homme et dans le chien la même chose : un être doué de vie végétative et sensitive : cette notion générique est un noyau commun auquel s’ajoutent les dilïérencescr//// ; seques qui constituent d’une part Ihomuie (la rationabilité ) et d’autre part le chien. De même, le genre suprême « qualité » désigne la même chose absolument dans ses différentes espèces (habitude, puissance, qualité sensible, figure). Il en est tout autrement de l’être (e/ ?.s et res), de l’unité, de la vérité, de la bonté.

« L’être et l’unité, dit Aristote.ne sont pas des genres, 

on ne peut leur ajouter des ditïérences extrinsi’ques (comme à l’animalité s’ajoute la rationabilité), il faut en effet, de toute nécessité, tpie la différence soit et qu’elle soit une. » (Métapli., 1. X, ci ; 1. IV, c. i ; 1. XII, c. 4-) L’être et l’unité sont donc imbibés dans cela même qui différencie les êti’es, et pour cette raison conviennent aux différents êtres za-’àvy./î/tav, secundum proportioneui (Post. Anal., 1. II, c. 13 et 14). C’est dire que chacun de ces êtres n’est pas être de la même manière (comme tous les animaux participent à l’animalité de la même manière), mais chacun participe l’être à sa manière (ratio eiitis in omnil/us non est sinipliciter eadem, sed eadem secundum quid, id estsecundum proportionem^.W en va de même du bien, du vrai, propriétés transcendantales de l’être qui l’accompagnent dans toutes les catégories (Ethiq. à Aie, 1. I. c. t’i). L’être n’est donc pas un noyau commun auquel s’ajouteraient la différence propre à la substance et celle propre à l’accident ; ces différences étant encore de l’être, le mot être, dans la substance et l’accident ne désigne pas absolument la même chose, mais des choses proportionnellement semblables : la substance est être à sa manière (in se), l’accident est être à sa manière (in alio). Telle est l’analogie de l’être et des transcendantaux dans les choses linies, et si l’être est analogue, toute notion qui se définit par un rapport immédiat à l’être ou à un autre transcendantal doit être analogue elle aussi, ex. : intelligence, volonté, causalité. — Que faut-il en conclure, au point de vue de la cognoscibilité de Dieu ? Nous venons de dire qu’en tant que ces notions sont transcendantales (supérieures à toute limite générifque) on ne i’oit pas d’impossibilité k ce qu’elles s’appliquent à l’être que nous appelons Dieu, s’il existe. Maintenant, en tant qu’elles sont analogiques nous prévoyoïus comment elles pourront s’appliquer à Dieu (proportionnellement), si vraiment elles doivent s’appliquer à Lui. Dieu sera être à sa manière, intelligent à sa manière, cause à sa numière. etc. On dit : ce fruit est bon à sa manière (physiquement, aui)ointdevu<Mlugoùl), cet homme vertueux est hon à sa manièi’c (moralement) ; pourquoi ne pourrait-on dire : Dieu est hon à sa iiuniière, c’est-à-diie al)solument ? — Mais ces notions s’appli<iuent-el ! cs à Dieu".’Qui nous autorise à en faire usage positivement pour connaître Dieu’.'.Vulre clioseest^e pas voir (rinq)ossibilité à leur usage et autre chose u>ir qu’il n a pas d’impossibilité à leur usage. Nous avons établi le fondement négatif de leur valeur transcendante. Il faut en établir le fondeuient positif.

15" Le fondement positif de la valeur transcendante de la notion de cause : les exigences positives des réalités contingentes formulées en fonction de l’être. — Rôle de l’idée d’être et de l’idée de cause dans le fondement de la valeur analogique des noms divins. — Le fondement positif de la portée analogique des notions transcendantales à l’égard de Dieu est le rapport de causalité qui unit à Dieu les créatures. Ce qui nous assure, dit saint Thomas (I=>, q. 4, a. 3), qu’il y a une similitude analogique entre les créatures et Dieu, c’est que Dieu est leur cause, et tout effet doit avoir quelque similitude avec sa cause, onine agens agit sihi sijnile : agir, c’est déterminer (actualiser, réaliser), et un agent ne peut déterminer que par la détermination qui est en lui. L’être qui n’est pas par soi doit donc avoir une similitude analogique avec l’être qui est par soi.

M. Marcel Hkbert (I{e-ue de métaphysique et de morale, « Anonyme et Polyonyme », igoS, p. 2^1) objecte : « Cette doctrine de l’analogie suppose que l’on admet préalablement le rapport de causalité entre Dieu et le monde, entre un Dieu substance parfaite créant un monde composé de substances imparfaites qui participent à des degrés divers à l’infinie perfection. Mais ce rapport de causalité est lui-même une analogie ; Dieu est « cause analogique )i du monde, disent les théologiens. Les analogies reposent donc toutes sur une analogie première, et les théologiens n’évitent ici la pétition de principe qu’en supposant déjà certain par ailleurs le fait de la création. Qu’il soit certain par la foi, cela n’importe pas à la question, puisqu’il ne s’agit en ce moment que de cevliliide rationnelle. Or, que dit la raison sur ce problème fondamental ? Nous l’avons vu : elle ne saurait se contenter des séries de phénomènes, elle réclame une raison d’être absolue, mais elle n’exige en aucune manière que l’on réalise cet absolu dans une « substance particulière » transcendante par rapport à l’essence des choses. » Selon M. Hébert en effet, comme selon M. Lk Roy, le principe de causalité conduisant à une cause extrinsèque (quidqitid movetur ab alio mo^’etur) c tire sa lucidité apparente d’une image spatiale introduite de façon illégitime dans un proJjlème de nature métaphysique, on suppose que les moteurs et les mobiles sont des substances distinctes (postulat du morcelage), ce que nie le panthéisme » (fter. de met. et nior., juillet 190 : 2, p. 898, « La dernière idole »). « On ne peut davantage, sans anthropomorphisme, introduire l’itlée de causalité au sens psychologique, laquelle d’ailleurs ne mènerait qu’à une àme du monde. »

Nous avons déjà répondu en partie à cette objection en montrant que la raison d’être de l’existence d’un être contingent, doit être une raison d’être actualisatrice ou réalisatrice. Tel est le concept de causalité, nullement anthropomorphique, quiva nous servir à prouver l’existence de Dieu. Il fait abstraction de toute image particulière euqiruntée à l’expérience externe (postulat du morcelage) ou à l’expérience interne (causalité psychologique), il est conçu en fonction de l’être, objet formel de l’intelligence huuuiine, non pas comme humaine, mais comme intelligence (l’objet propre de l’intelligence huuiaine comuie humaine est l’essence des clioscs sensibles, cl non l’être). Donc nul anthropoiiiorphisme. — De iilus, comme nous l’avons rcuiarquc. [)cu importe que le uu>nde dont nous partons pour prouver Dieu soit une seule substance ou plusieurs substances, s’il y a en lui multiplicité et devenir, au nom du principe d’identité et du principe de raison d’être, il faudra dire qu’iln’a pas en soi sa raison d’être, qu’il est contingent, et que la réalité qui peut en rendre raison