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DIEU

100’tous les genres) et par conséquent analogiques.

— Les notions métaphysiques du 3 « degré dalislraction vont nous permettre de nous élever à Dieu, 1° parce qu’elles sont réelles et non pas seulement logiques ; 2° parce qu’elles sont transcendantales ; 3" parce qu’elles sont analogiques.

i" Elles sont réelles et non pas seulement logiques, elles expriment l’être réel et non l’être de raison (ce qui ne peut exister que dans l’esprit, comme le sujet logique et le prédicat d’une proposition), puisqu’elles sont l’objet non pas de la réflexion sur nos propres actes, mais de l’intuition-abstractive directe et de 1 intuition la plus simple impliquée dans toutes les autres, sans laquelle toutes les autres disparaîtraient. Sans les notions et les principes suprêmes, rien n’est intelligible dans aucune des sciences, l’être perd ce qui le fait être.

2° Elles sont transcendantales, non pas au sens kantien, mais au sens classique. Selon Kant, une recherche « transcendantale est celle qui ne porte point sur les objets, mais sur notre manière de les connaiU’e, en tant que celle-ci est possible a priori » {Critique de la raison pure, Introd., c. 7 début). Selon l’Ecole, une notion est transcendantale, sans cesser d’être objective, lorsqu’elle dépasse les limites, non seulement d’une espèce déterminée, mais même d’un genre suprême déterminé, et se retrouve proportionnellement dans tous les genres. Ainsi, comme l’a dit Aristote (Metapli., 1. X, c. i ; 1. IV, c. i ; 1. XII, c. 4 ; Post. Anal., 1. II, c. 13 et i^ ; Ethiq. à Nie, I. I, c. 6), l’être, l’unité, la vérité, la bonté se trouvent dans les différentes catégories ou genres suprêmes, on les attribue à des titres divers à la substance, à la quantité, à la qualité, à l’action, etc. ; on dit un bon fruit, un bon citoyen, une bonne taille, une bonne qualité, une bonne action, etc. — De même l’acte et la puissance qui divisent l’être se retrouvent aussi bien dans la catégorie substance que dans les accidents. A la vérité, il n’y a que six transcendantaux : eus, res, u ?iuni, aliquid, bonuni et verum (cf. S. Thomas, De Veritate, q. i, a. i ; />>e /’o<., q.9, a.7, ad 6™, 13™) ; les autres notions métaphysiques de cause, d’intelligence, de Aolonté, qui vont nous servir et que nous appliquerons formellement à Dieu, ne sont pas à proprement parler transcendantales, elles ne se retrouvent pas dans tous les genres, mais elles se définissent par une relation immédiate à l’un des transcendantaux, la causalité par rapport à Vètre dont elle est la réalisation, l’intelligence par rapport à l être dont elle est la connaissance, la Aolonté par rapport au bien dont elle est l’appétit. En ce sens, ces notions métaphysiques ne sont pas nécessairement dans un genre, et à ce titre méritent le nom de transcendantales. Sans doute, l’intelligence et la volonté humaines sont des accidents du genre suprême qualité, de l’espèce puissance, mais l’intelligence comme intelligence, dans sa raison formelle, est indépendante de ces éléments génériques et spécififjues, elle abstrait de ces limites, elle est essentiellement une relation à l’être, et comme l’être elle domine les genres et n’est emprisonnée en aucun d’eux, aussi peut-elle les connaître tous.

Une conséquence importante s’en dégage pour la démonstrabilité de Dieu. De même qu’on ne voit pas d’impossil)ilité à ce que la notion d’être, qui de soi ne comporte pas de limite, s’applique à des êtres de moins en moins limités, mélangés de potentialité, à la pierre, à la plante, à l’animal, à l’homme, à l’esprit pur et enfin à un être absolument pur de toute potentialité ; de même on ne voit pas d’impossibilité à ce que la notion d’intelligence s’applique à des intelligences de moins en moins restreintes et enfin à une intelligence adéquate à l’être, à tout le réel et

à tout le iiossible, et par là omnisciente. PoiU’quoi la dualité du sujet et de l’objet, sur laquelle insiste Spencer, ne proviendrait-elle pas précisément de la potentialité et du sujet et de l’objet (du mode créé de l’un et de l’autre) ; pourquoi une intelligence, de soi en acte de tout l’intelligible dès toujours, ne s’identifierait-elle pas avec l’être pur, de soi actuellement connu dès toujours ? (I^, q. i^, a. 2.) Il n’y a pas là d’évidente impossibilité. — Il faut en dire autant de la volonté libre spécifiée par le bien intellectuellement connu. Pourquoi un acte éternel d’amour ne s’identifierait-il pas avec le bien pur de soi et dès toujours actuellement aimé ? — Il en va de même aussi delà causalité ; l’action transitive d’une créature est dans un genre déterminé (comme son action immanente, ex. rintelleclion). elle est dans l’agent un accident, l’acte second d’une puissance opérative, et se termine dans le patient sur lequel elle s’exerce. Mais si l’on considère la causalité, dans sa pure raison formelle de « réalisation d’un être contingent », on voit qu’elle abstrait, comme l’intelligence ou la volonté, de tout élément générique, de toute limite potentielle ; et de même qu’elle peut s’étendre jusqu’à la « réalisation » de toutes les modalités de l’être contingent, à cjuelque genre qu’elles appartiennent, de même on ne voit pas d’impossibilité à l’attribuer à un être infiniment parfait, pur de toute potentialité. Pourquoi Vens realissinium ne pourrait-il pas réaliser ? Autan} dire que la lumière ne peut éclairer, que la chaleur ne peut chauffer. En Dieu la réalisation ou l’action transitive ne sera plus un accident, acte second d’une puissance, reçu du côté de son terme dans un patient extérieur ; mais pourquoi ne pourrait-elle pas s’identifier avec l’être même de Dieu, être éternelle comme lui ? (Ce sera même exigé par la preuve par le mouvement.) Pourquoi ne pourrait-elle pas mériter de ce point de vue le nom d’action formellement immanente, et a^oir néanmoins toute la perfection (et au delà) et toute l’efiicacité d’une action transitive, produire un efi"et extérieur, ce qui lui vaudrait le nom d’action virtuellement transitive ? Pourquoi cette action éternelle, qui n’ajouterait rien à l’être de Dieu, ne pourrait-elle avoir son effet dans le temps, à tel instant voulu d’avance, si elle domine infiniment ce temps et le crée comme tout le reste ? Nous-mêmes ne pouvons-nous pas vouloir d’avance ce que nous ne réalisons que plus tard ; si notre vouloir suffisait à réaliser, sans l’intermédiaire d’aucune action corporelle, et s’il subsistait le même dans un ordre supérieur au temps, pourquoi sans changer en rien ne pourrait-il produire son effet au moment fixé ? {(’. Ge/ites, 1. II, c. 35. n. I.) Bref, pourquoi le concept de causalité ne pourrait-il être purifié de toute potentialité ou imperfection et s’appliquer à l’Acte pur ? Ce sera le travail des traités de la Puissance divine, Sumnia Theol., I’», q. 26, a. i, a.di^ e.2>"^ (In Deo sah’Utur ratio potentiae, quantum ad hoc quod est principium effectus, non autem quantum ad hoc quod est principium actionis quae est essentia di’ina…). de la Création, I", q, ^b, a. 3, ad i » ™ ; de la motion divine, I, q. io5, a. i-5, cf. Zi-Gi. iA.RX, Summa Philosophica, i.U.]i. ! iS6… 497->- 540…

— Mais dès maintenant nous voyons et il sulUt divoir que cette purification n’est pas évidemment impossible, puisque la causalité, dans sa raison formelle, n’est pas enfermée dans les limites d’un genre. En ce sens elle est transcendantale.

Il faut faire un pas de plus : il ne sufllt pas de savoir que l’application à Dieu des notions transcendantales n’est pas évidemment contradictoire, il faut encore se demander de quelle manière elle peut avoir lieu. Cette application a été niée par Ivant et Spencer. parce qu’ils l’ont conçue de façon univoque ; or, le simple