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DIEU

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doit imiter Ciatyle. qui, ne pouvant plus rien dire, se contentait de remuer le doij^’t, vj/y. ziv àv.x-wo-y èy.f^zt jj.dvov(ibid. I. — 4’Riiison prise de l’intelligence qui connaît. Refuser de partir de l’être, c’est enfin vouloir rendre l’intelligence incompréhensible à elle-même : ou bien on la niera, comme l’empirisme, ou bien on n’j^ verra, comme Kant, qu’une multitude de synthèses a priori, synthèses aveugles, qui s’imposeront encore comme nécessaires, mais de la nécessité desquelles on ne saisira plus le pourquoi. Les principes premiers, qui sont comme la structure de la raison, ne sont intelligibles, nous l’avons vu, qu’en fonction de l’être. Ces quatre assertions s’imposent comme des faits de raison, et comme des /lécessités de droit impliquées dans tout jugement ; elles sont logiquement antérieures à la théorie par laquelle on essaie d’expliquer comment l’intelligence entre en contact avec l’être, est déterminée, mesurée par lui. Les obscurités qu’on rencontrera dans cette théorie qui se propose d’expliquer le quomodo du fait (mode selon lequel s’opère l’actualisation de l’intelligible dans le sensible, mode selon lequel cet intelligible actualisé détermine l’intelligence), ne doivent pas nous amener à nier le fait lui-même, comme le font les subjeciivistes ; nous devons aller du plus certain au moins certain, et l’obscurité de celui-ci ne doit pas nous faire rejeter l’évidence de celui-là. Pas plus que la dilliculté de concilier l’immutabilité divine et la liberté divine ne doit nous faire douter de ces deux attributs, s’ils sont, chacun de leur côté, logiquement déduits. Si. en suivant rigoureusement les règles de la méthode, nous arrivons à des obscurités, nous devons penser qu’elles recouvrent en réalité un mystère et non pas une contradiction. — La théorie classique de la connaissance par assimilation réciproque de l’être par l’intelligence (au point de vue vital) et de l’intelligence par l’être (au point de vue objectif), malgré des obscurités inévitables, est d’ailleurs parfaitement conforme aux premiers principes rationnels.

— Sur cette théorie, cf. Abistote, De anima, 1. III, c. â ; S. Thomas, Sunima Theol., ! =, q. 79, 84, 85, 86, 87, 88, et commentaire de Cajktan ; Jean de S. Thomas, Cursus pkilosophicus, De anima, q. 4 et q. 10 : Sanseveri.no, Philosopitia christiann cum antiqua et noi-a comparata, t. VI et A’^Il ; Zigliara, De la lumière intellectuelle, II vol., p. 18-135 ; Go’SZAx.v.r., Philosophia elementaria, p. 500-54a ; Vacant, Etudes comparées sur la Pliil. de S. Thomas et sur celle de Scotj t. I, p. 88-107 ; D. de VoKGEs, La Perception et la psychologie thomiste ; Peillaube, Théorie des concepts ; P. Gahdeil, Ce qu’il y a de vrai dans le néo-scotisme, liev. Thomiste, 1900 et 1901 ; Sehtillanges, L’Idée générale de la connaissance dans S. Thomas d’Aquin, [iev. des Se. phil. et théoL, 1908, p. 449-465 ; MgrFARGES, Ta Crise de la certitude, 1907 ; H. Dehove, fissai critique sur le réalisme thomiste comparé à l’idéalisme kantien, Lille, 1907 ; P. Rousselot, /.’Intellectualisme de S. Thomas, Paris, 1908. Voir aussi, dans ce Diul., art. Criticisme Kantien.

1 2" Un au-delà de la pensée n’est rendu impen ! sable que par une conception toute matérielle I et quantitative de la représentation. C’est au contraire la négation de cet au-delà qui est absurde. — Pour répondre à l’objection idéaliste un deliors, un au-delà de la pensée est par définition absolument impensable », deux remarques sufliront ici :

1* L’idéalisme, qui reproche constamment à la philosophie traditionnelle de ne pas dépasser l’imagination spatiale, tombe ici précisément dans ce défaut, i)ar la façon dont il parle d’un dehors par rapport à la pensée. C’est là une conception toute <iuantilative et

matérielle de la représentation. La faculté de connaître (l’intelligence et même déjà le sens), comme la représentation par laquelle elle connaît, est essentiellement intentionnelle, elle est une qualité essentiellement ou transcendantalement relative à autre chose qu’elle ; c’est là son quid proprium : « Cognoscens secundum quod cognoscens difj’ert a non cognoscentibus prout kit aliud in quantum aliud ; et hoc immaterialitatem supponit », dit en substance S. Thomas (P, q. 14, a. 1). Pour lui, comme pour Aristote (De anima, 1. II, c. 12, I. III, c. 8), c’est un fait que l’animal, par la sensation, d’une certaine iaçon devient les autres êtres lorsqu’il les voit, les entend, tandis que la plante est enfermée en elle-même. Et loin de nier ce fait sous prétexte qu’un dehors, un audelà de la pensée est impossible, S. Thomas l’explicjue par l’immatérialité de la faculté de connaître. D’où vient que l’animal, par ses sens, est ouvert sur tout le monde sensible, et sort pour ainsi dire de lui-même, des limites qu’occupe son corps ? Cette sortie ne se comprendrait pas si elle était d’ordre spatial, elle suppose au contraire une certaine indépendance à l’égard de la matière étendue, c’est-à-dire une certaine spiritualité. La représentation qui est dans l’animal est déjà d’un ordre supérieur aux corps matériels qu’elle représente, mais parce qu’elle est l’acte d’un organe animé (et non pas de l’àme seule), elle peut naître de l’impression faite par ces corps. Elle est une qualité essentiellement relative à eux ; un peu comme l’image d’un objet qui se forme dans un miroir, avec cette différence que l’œil est un miroir qui voit. De par sa nature essentiellement relative ou intentionnelle, la représentation ne peut être connue d’abord, dans l’acte direct elle fait connaître sans être elle-même connue (non est quod cognoscitur, sed quo). Elle n est pas close, mais ouverte sur le terme auquel elle est essentiellement relative, elle nous conduit immédiatement à ce terme, et détermine la faculté de connaître à la manière d’un foyer virtuel qui se réfère essentiellement à l’objet lumineux ou à la source de chaleur qui le produit.

— On n’expliquera jamais autrement ce qui a lieu déjà dans la simple connaissance sensible chez l’animal : le passage spontané du moi au non-moi (même au non-moi illusoire). Dire que toute sensation a une tendance à s’objectiver, semblable à celle que nous remarquons dans l’hallucination, c’est expliquer un fait primitif par un fait dérivé (toute hallucination suppose des sensations antérieures, l’aveugle-né n’a jamais d’hallucinations visuelles).

« Autant vaudrait expliquer le son par l’écho. » De

plus, cette tendance à objectiver ne serait encore qu’un fait qu’il faudrait rendre intelligible. Pourquoi n’objectivons-nous pas nos émotions, mais seulement nos sensations, sinon parce que ces dernières seules sont essentiellement intentionnelles ou représentatives ? (S. Thomas, SHmm. Theol., L, q. 85, a. 2, ad i" et ad 2".) Enlin, comme le remarquent les néo-réalistes anglais contemporains : si l’idéalisme est la vérité, la percei)lion du cerveau est tout aussi subjective que celle du monde extérieur, le cerveau n’est donc plus un internu’diaire qui sépare la sensation des choses et qui l’empêche de les atteindre. Au moment de la perception du monde extérieur : ou le phénomène cérébral est réel sans être perçu, ce qui est contraire au principe de l’idéalisme, esse est percipi, once phénomène cérébral n’étant pas perçu n’est pas réel, et alors il n’empêche plus la perception extérieure immédiate. Ainsi disparaît un des principaux arguments sur lesquels s’appuie l’idéalisme (cf. Me. Gii.vary, The physiological argument against liealism, dans le.fou’rnal of Philosophy, Psychology and scient i/ic Methods, 14 octobre 1907).