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sou contraire. S’il n’était que lui-même, il demeurerait immobile, stérile ; s’il n’était que le néant, il serait synonyme de zéro, et, dans ce cas encore, parfaitement impuissant et infécond. C’est parce qu’il est l’un et Vautre, qu’il de’ieiU quelcjue chose, autre chose, toutes choses. La contradiction même qu’il renferme se résout dans le devenir, le développement. Devenir, c’est à la fois être et n’être pas encore (ce qu’on sera). Les deux contraires qui l’engendrent, lètre et le non-être, se retrotivcnt en lui, fondus, réconciliés. Une nouvelle contradiction s’en dégagera, qui se résoudra en une nouvelle synthèse, et ainsi de suite, jusqu’à l’avènement de l’idée absolue » (cf. aussi G. XoEL, La Logique de ILégel, p. 23-52 et p. iSô-iSg. Paris, Alcan, 1897).

Pour se rendre compte du sophisme contenu dans cet argument, il sullit de le mettre en forme. On a : L’Etre pur est indétermination pure. Or Tindétermination pure est pur non-être. Donc l’être pur est pur non-cire. — Le moyen terme « indétermination pure » est pris en deux acceptions dilFérentes : dans la majeure il désigne la négation de toute détermination générique, spéciûque ou individuelle, mais non point la négationderentité(idéale ouréelle) qui transcende les déterminations génériques dont elle est susceptible. Dans la mineure au contraire, l’indétermination pure est non seulement la négation de toute détermination générique, spécilique et individuelle, mais encore la négation de l’entité ultérieurement déterininable. L’argument revient donc à dire : l’être pur est l’être indéterminé. Or l’être indéterminé est pur non-être. La mineure est visiblement fausse. Cf. Zi-GLiABA, Summa Philosopliica, t. l, Critica, p. 247-^02.

On ne voit pas d’ailleurs pourquoi le devenir devrait sortir de cette contradiction réalisée, de cette identilication des contradictoires. Il faut au contraire redire avec Aristote : « Prétendre que l’être et le nonêtre s’identilicnt, c’est admettre l’éternel repos, plutôt que le mouvement éternel. Il n’y a rien, en effet, en quoi se puissent transformer les êtres, puisque tout est dans tout. » IV Met., c. 5,

Enlin cet intellectualisme absolu de Hegel ne détruit pas moins toute science que l’anti-intellectualisme d’Heraclite et de M. Bergson. Tout raisonnement suppose que chacune des idées qu’il emploie représente une réalité qui reste la même ; or le ])rincipe d’identité n’est plus pour Hegel qu’une loi de la logique inférieure, de l’entendement qui travaille sur des abstractions, et non pas une loi de la logique supérieure, de la raison et de la réalité. « Il s’ensuit, comme le remarquait Aristote, IV Met., c. 41 qu’on peut allirmer ou nier également tout de toutes choses… que tout le monde dit la vérité et que tout le monde ment, et qu’on avoue soi-même son mensonge. » — - Du reste, Hegel hfî-même reconnaît « cque s’il est vrai de dire que l’être et le non-êlre ne font qu’un, il est tout aussi vrai dédire qu’ils dilTèrent et que l’un n’est pas l’autre ». Logique, t. I, p. 404. H s’ensuit qu’on ne peut plus rien dire. — Si ce n’est pas détruire toute science, c’est ne lui attribuer qu’une valeur toute relative, et ne plus conserver d’elle que le ncjui.

Si le principe d’identité et de non-contradiction est sans valeur objective, le panthéisme évolutionuisle a cause gagnée, la réalité fondamentale est de^’enir. Si, au contraire, l’universalité absolue et l’objectivité de ce principe s’inq)osent, la réalité fondamentale devra être identité pure. Lpsum esse siihsistens, pur être, ou pur acte, pure perfection, et par là même transcendante, e’esl-à-dire essentiellement distincte du monde qui, lui, est composé et changeant. — L’hégélianisme, l’héraclitéisme, le bergsonisme constituent ainsi, par l’aveu de la contradiction qu’ils ren ferment, une preuve par l’absurde du Dieu transcendant.

Il suffit pour l’instant d’avoir montré que le principe d’identité est la loi suprême de la pensée ; après lui avoir rattaché les autres principes, nous reviendrons sur la nécessité de l’admettre aussi comme loi fondamentale du réel. Cf. col. 1000.

6° Le principe de substance, détermination du principe d’identité. — Son rapport avec la démonstration de l’existence de Dieu. — Il est aisé de voir que le principe de substance, nié par la philosophie du devenir, n’est qu’une détermination du lirincipe d’identité. Il importe de le rappeler ici pour autant que les preuves de lexistence de Dieu supposent l’existence de substances et de substances distinctes. Dans un article de la Lie^’ue de Métaphysique et de Morale, juillet 1902, p. 898, « La dernière idole ». M. Hébert écrivait : « Le principe de causalité conduisant à une cause première extrinsè({ue, quidquid moiefur ah alio movetur, tire sa lucidité apparente d’une image spatiale, introduite de façon illégitinudans un problème de nature métaphysique ; on suppose que les moteurs et les mobiles sont des substances distinctes, ce que nie le panthéisme. » La même objection, nous venons de le voir, a été développée par M. Le Roy dans les pages qu’il a consacrées au postulat du morcelage. Pour lui, comme pour M. Bergson, la sul)stance est « une position dans l’espace ». résultat du morcelage utilitaire du continu sensible. Du point de vue empiriste ou des sens, il est difficile en effet de dire « lutre chose. Du point de vue de l’intelligence au contraire, la substance est conçue comme une réalité foncière, d’un autre ordre que la quantité et les qualités sensibles. Tout entière dans le tout et tout entière en chaque partie, elle assure l’unité du tout. Les sens ne la peuvent saisir, l’intelligence seule l’atteint (S. Thomas, III », q. 76, a. 7). On l’appelle cependant un sensible per accidens, parce que, tout enétant^e/’se d’ordre purement intelligible, elle est immédiatement saisie par l’intelligence à la simple présentation d’un objet sensible, sans rechei’che aucune. Sensibile per accidens est quod statiin ad occursum rei sensatæ appreltenditur intellectu {De anima, 1. II. Conini. de S. Th., leç. 13). Elle est saisie par l’intelligence dès que le premier des sens internes a réuni les données de chacun des sens externes. — Au regard de cette intelligence, la substance n’est qu’une détermination première de l’être, nécessaire pour rendre intelligible en fonction de l’être un groupe phénoménal qui se présente comme autonome. Lors de la première présentation d’un objet sensible quelconque, comme les langes dont l’enfant est enveloppé, tandis que la vue saisit la couleur de cet objet, le toucher sa forme et sa résistance, l’intelligence saisit confusément Vétre, « queWpu’chose qui est ». Ce premier objet connu par l’intelligence deviendra d’une façon précise sujet un et permanent (substance) lorsque rintelligence remarquera la multiplicité de ses phénomènes et leur changement. Le multiple, en ell’et, n’est intelligible qu en fonction de l’un, et le transitoire cpi’en fonction du permanent ou de l’identique ; parce que « l’être, de soi, est un et le même % c’est une des fornuiles du principe d’identité. Dire qu un être est substance, c’est dire qu’il est un et le même sous ses phénomènes multiples et changeants. Le i)rincipe de substance n’est donc qu’une détermination du principe d’identité, l’idée de sul>stance une détermination de l’idée d’être. Dans la genèse de ses connaissances, l’intelligence passe de l’idée d’ètro. qui contient déjà implicitement l’idée de substance, aux idées confuses de numière d’être, de multiplicité, de cliangement ; elle cherche à rendre intelligibles