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lillusion transcendantale qui se cache dans l’arj^funienl ontolojfique vicie la preuve par la continj, ’ence et celle par la linalité (Dialectique transcendantale, 1. II, c. m). Nous verrons à propos de ces preuves ces dillicultés spéciales. — Il n’en reste pas moins que, pour la raison pure, l’idée du Dieu personnel est ïliypothèse qui confère à nos idées la plus haute unité, elle est un « principe simplement régulateur) » qui stimule l’esprit dans l’unilication du savoir. — La raison pratique seule nous conduit à admettre l’existence de Dieu, non pas par une démonstration, mais par un acte de foi libre, de croyance purement rationnelle, dont « la certitude est subjectivement suffisante, bien qu’objectivement insuffisante ». L’existence de Dieu et la vie future sont deux suppositions inséparables de l’obligation morale : la loi morale se formule : « Fais ce qui peut te rendre digne d’être heureux » (le bonheur et la vertu sont nécessairement liés l’un à l’autre par un jugement synthétique a priori). Or Dieu seul peut réaliser l’harmonie de la vertu et du bonheur. Donc Dieu doit exister. Uincrédule moral est celui qui n’admet pas ce qu’il est, à la vérité, impossible de savoir, mais ce qu’il est moralement nécessaire de supposer. Cette sorte d’incrédulité a toujours son principe dans un défaut d’intérêt moral. Plus le sentiment moral d’un homme est grand, plus ferme et plus vive doit être sa foi en tout ce qu’il se sent obligé de supposer, sous un point de vue pratiquement nécessaire (Logique, Introd., ix.

— Critique de la liaison pratique, 1. JI, c. v).

Telle est l’objection de Kant contre la dcmonstrabilité de l’existence de Dieu. Elle ne nie pas, comme celle des empiristes, la nécessite du principe de causalité, mais elle en nie la double valeur ontologique et transcendante (cf. solution, col. 996 et 1007),

Ch. III. Preuve de la Démonstrabilité. — 1" Réponse générale à l’objection des empiristes et à celle de Kant. Elles reviennent à la négation de l’intuition de l’intelligible. Difficultés insolubles auxquelles aboutit cette négation. — Cette objection fondamentale contre la possibilité de démontrer l’existence de Dieu revient à la négation de l intuition de l’intelligible, ou de la valeur objective des concepts. Le concept est réduit par le nominalisle à une image composite accompagnée d’un nom commun ; il est réduit par Kant à n’être qu’une forme a priori de la pensée destinée à lier les phénomènes.

Rappelons brièvement dans quelles difficultés insolubles s’engagent les empiristes et Kant, pour avoir nié l’intuition abstractive de l’intelligible ; nous établirons en second lieu l’existence de cette intuition et sa valeur ontologique, conséquemment la valeur du principe de causalité comme loi de l’être ; nous démontrerons enfin la aleur transcendante et analogique de ce même |)rincipe.

L’empirisme s’est mis dans l’impossibilité d’exi)liquer la nécessité et runiversalité des ] » remiers principes rationnels, qui ne peuvent pourtant j)as être mises en doute. La conscience nous allesle que nous les pensons comme universels et nécessaires (nous sommes tous certains que partout et toujours ce qui est réel ne peut pas être non réel ; que tout ce qui commence a une cause) ; la science d’ailleurs exige cette nécessité et cette universalité. Or l’expérience, qui est toujours particulière et contingente, ne peut rendre compte de ces deux caractères. S’agit-il du jirincipe de causalité, nous pensons tous, sauf les positivistes lorsqu’ils se mettent à philosopher, que tout ce qui arrive a nécessairement une cause partout et toujours, que la cause n’est pas seulement suiie de son effet, mais le produit : alors même que

nous n’expérimenterions cette action productrice qu’en notre effort volontaire, nous l’affirmons de toutes les causes extérieures, du marteau qui brise la pierre, de la bille qui en pousse une autre. Manifestement ce principe universel et nécessaire ne peut provenir d’une expérience réitérée de successions phénoménales. — Bien plus, les phénomènes dont la plupart des honnues ciierchent en vain la cause ne sont pas moins nombreux que ceux dont ils croient la connaître : l’enfant demande le pourquoi d’une foule de choses sur lesquelles on ne peut lui répondre, cependant l’enfant, comme l’homme, reste convaincu qu’il y a une cause à ce phénomène qui demeure pour lui inexplicable. Le principe de causalité s’impose donc à la raison comme universellement vrai, bien que l’expérience ne parvienne pas à vérifier l’universelle causalité. Rien ne sert d’invoquer l’hérédité, car nos ancêtres ne percevaient pas mieux les causes que nous ne les percevons.

La théorie kantienne explique sans doute l’universalité et la nécessité des principes, mais en sacriLiant leur objectivité qu affirme naturellement noire, intelligence avec non moins de certitude que les deux caractères précédents. La réflexion philosophique doit en l’expliquant rejoindre /</ « fl/ « /e et non la contredire ; si l’on parvenait à montrer qu’il y a n illusion naturelle », que notre nature intellectuelle nous trompe, il resterait au moins à expliquer cette illusion. L’objectivité des principes s’explique au contraire, non moins que leur nécessité et leur universalité, si l’on admet l’intuition abstractive de l’intelligible, telle que l’a conçue Aristote et la philosophie traditionnelle. — La négation de cette intuition conduit Kant à admettre, sous le nom de jugement synthétique a priori, des jugements aveugles, sans motif objectif, des actes intellectuels sans raison suffisante : c’est poser l’irrationnel au sein même du rationnel, la non-connaissance au centre même de la connaissance. L’intelligence ne peut affirmer par le verbe être l’identité réelle d’un sujet et d’un prédicat (qu’une chose e.s/ telle), que si cette identité réelle lui paraît évidente, soit par la seule analyse des notions (a priori), soit par l’examen des choses existantes (rt posteriori) ; niais si l’une et l’autre de ces deux évidences font défaut, l’allirmation est irrationnelle, sans raison. Comment l’intelligence Imposerait-elle aveuglément aux phénomènes une prétendue intelligibilité qu’ils n’ont pas ? En réalité, nous allons voir que le principe de causalité et les autres principes dérivés du principe de raison d’être sont analyti ques, en ce sens que l’analyse des notions qu’ils inq)liquent nous montre, sous la diversité logique du sujet et du prédicat, une identité réelle, telle qu’on ne peut la nier sans se contredire. (Juant aux principes de la physique newlonienne, tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’ils sont synthétiques a po.’iteriori. — Autre dilHculté ([uidérivede la précédente : l’application des catégories kantiennes aux phénomènes reste arbitraire : pourquoi tels phénomènes viennent-ils se ranger sous la catégorie substance, tels autres sous celle de la causalilé ?Pourquoi toute succession phénoménale, celle du jour et de la nuit par exemple, n’a|)i)arait-clle pas comme un cas de causalité ? Si, pour éviter l’arbitraire, on admet la reconnaissance des rapports de substance, de causalilé, etc., tlans les objets eux-mêmes, n’est-ce pas revenir à l’intuition de l’in(elligii)le et à quoi sert alors la catégorie ?(Cf. Radikh, Psychologie, 2* éd., p. 282.)

— Enlin, comme l’ont dit Fichti : , et à un point de vue opposé les empiristes, rien ne prouve que les phénomènes, s’ils ^ iennent du dehors, se rangeront toujours docilement sous les catégories : qu’est-ce qui garantit « pie le monde des sensations sera toujours