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DIEU

962’a preuve de Dieu par les degrés des êtres, R. Garrigou-Lagrange. )

Nous ne pouvons affirmer a priori la possibilité de Dieu. Nous ne saui-ons que nos concepts d’être, de bonté, d’intelligence, de liberté, qui nous viennent des choses finies, peuvent s’appliquer analog-iquement à une réalité d’un autre ordre, que si une réalité d’unautre ordre est requise comme cause des être finis qui nous ont donné ces concepts : la cause jdoit avoir nécessairement une similitude au moins analogique avec ses effets (S. ïnoiiAS, Su/iini. Theol., I », q. 4, a. 3, q. 88, a. 3). Cf. plus loin, col. loio.

Le Père Lepidi (Revue de Philosupliie, i" déc. 1909) vient de présenter l’argiunent ontologique sous une forme nouvelle que nous regrettons de ne pouvoir exposer ici. Si adroite et si iirofonde que

{soit cette reprise, elle ne peut répondre, selon nous, aux objections faites à Leibniz qu’en transformant l’argument ontologique au point de le ramener à la preuve par la contingence. Cette dernière preuve, nous le verrons (col. gSS et io45), pour un métaphysicien exercé, peut se ramasser pour ainsi dire en une intuition : l’intelligence qui comprendrait tout le sens et toute la portée du principe d’identité, ’loi suprême de la pensée et du réel immédiatement I impliquée dans l’idée d’être, verrait quasi a siinultaneo que la réalité fondamentale, l’Absolu, n’est pas cet univers composé et changeant, mais bien une réalité en tout et pour tout identique à elle-même, Ipsum esse subsistens, et par là essentiellef ment distincte de tout ce qui est composé et mobile.

3° La démonstration sera une démonstration a posteriori Condition de sa rigueur : elle doit remonter de l’effet propre à la cause propre (causa per se primo, cause nécessaire et immédiate). — Nous ne pouvons donc pas démontrer a priori que l’essence de Dieu est possilile, ni a fortiori qu’elle existe ; mais il est une autre espèce de démonstration dite a posteriori. Ces deux démonstrations, comme tout raisonnement, procèdent du plus connu au moins connu ; mais lorsqu’on démontre a priori, le plus connu est en même temps la raison d’être de ce qu’il nous fait connaître. Démontrer a priori, c’est assigner la raison nécessaire pour laquelle (propter quid) le prédicat de la conclusion convient au sujet et ne peut pas ne pas lui convenir. Celte démonstration suppose qu’on connaît l’essence même du sujet, qui est la raison d’être de la propriété démontrée. Ainsi démontre-t-on a priori que l homme est libre, parce qu’il est raisonnable et connaît, non pas seulement tel bien, mais le bien.

La démonstration a posteriori^ comme la précédente, est un syllogisme qui engendre une conclusion nécessaire ; mais ici le plus connu n’est i)as la raison d’être de ce qu’il nous fait connaître ; il en dépend dans l’ordre de la réalité, et c’est seulement dans l’ordre de notre connaissance qu’il est premier. La connaissance de l’effet nous conduit nécessairement à celle de l’existence de lacause. Cette démonstration a posteriori ne nous fait pas connaître pourquoi (propter quid) le prédicat de la conclusion appartient nécessaireuient au sujet ; elle établit seulement que (quia) le prédicat convient au sujet, que la cause existe. Elle ne fait pas connaître la raison d’être de la chose affirnu’-e par la conclusion, mais seulement la raison d’être de Vaffirmatiou de la chose. Sans connaître l’être de Dieu tel qu’il est en lui-même, comme l’exigerait l’argument ontologique, nous pourrons donc connaître que Dieu est. Essk dupliciter dicitur : uno modo si^nipcat actum esscndi ; alio modo significat coinpositiouem propositionis, quant anima adiiivcnit conjungens prædicatum subjecto. l’rimu igitur modo

accipiendo esse non possumus scire esse Dei, sictit nec ejus essentiam, sed solum secundo modo, Scimus eiiim quod hæc propositio, quam formamus de Deo, cum dicimus : Deus est, vera est, et hoc scimus exejus effectibus (S. Thomas, Summ. Theol., ^, q. 3, a. 4, ad 2"™). — Cette démonstration a posteriori établissant que Dieu est, n’en sera pas moins supérieure en soi à une démonstration empirique ; comme nous l’avons dit plus haut, elle devra montrer en effet pourquoi le monde a besoin d’une cause répondant à la définition nominale de Dieu, et non pas d’une autre (col. 958).

On ne l’a pas toujours suffisamment remarqué, cette démonstration a posteriori, ou par l’effet, n’est rigoureuse métaphysiquement que si elle remonte de Veff’et propre à la cause propre, c’est-à-dire à la cause dont l’effet dépend nécessairement et immédiatement. J^x quolibet effectu, dit S. Thomas (l^, q. 1, a. 2), potest demonstrari propriam causam ejus esse, quia cum effectus dependeat a causa, posito effectu iiecesse est causam præexistere. — Omnis effectus dependet a sua causa, secundum quod est causa ejus (la, q. loi, a. i).

La cause propre, en métaphysique, est celle que les scolastiques après Aristote appellent causa per se primo (cf. Aristote, II Phys., c. m ; IV Met., c.ii. — S. Thom., Summ. Theol., l^, q. 45, a. 5, comm. de Cajetan ; q. io4, a. i. — Jeax de S. Thomas, in /" » ", q. 44> de Creatione, disp. xviii, a. i et a. 4) Ces ai’ticles de S. Thomas, du traité de la Création et du gouvernement divin (conservation dans l’être et motion divine) sont le véritable et indispensable commentaire des preuves de l’existence de Dieu qui sont données I", q. 2, a. 2. La spéculation théologique suit en effet un ordre inverse de la spéculation philosophique ; elle part de Dieu pour aller aux créatures, et traite des grands problèmes métaphysiques des rapports de Dieu et du monde, non pas à propos de l’existence de Dieu, mais à propos de la création, de la conservation et de la motion divine. Le terme

« causa per se primo h dont il est ici parlé, a pour

traduction « cause nécessaire et immédiate » ou encore « cause toute suffisante » ; c’est la cause dont l’effet dépend nécessairement et immédiatement, de telle sorte qu’en l’absence de toute autre cause elle suffit à le produire. Ces deux termes demandent à être expliqués.

En tant que nécessaire, cette cause s’oppose à la cause accidentelle, qnin’a. qu’une relation accidentelle avec son effet, de telle sorte que son elTet peut exister sans qu’elle-même existe. Est accidentelle, parexemple, la relation de l’existence d’un fils à celle de son père. On peut en donner une preuve a posteriori, le fils peut continuer à exister lorsque le père n’existe plus. On le prouve aussi a priori : l’existence contingente du fils ne peut dépendre nécessairement de l’existence également contingente du père. Il n’y a aucune raison pour qu’une existence contingente exige une autre existence contingente, mais l’une et l’autre exigent nécessairement, et au même titre, une existence nécessaire, en vertu du principe de causalité formulé métaphjsiquemenl en fonction de l’être : « Ce qui existe, mais non pas par soi, existe par un autre qui existe par soi ». « Si le père, dit S. Thomas, pouvait rendre compte par solde l’cxistencedeson lils, ildevrait pouvoirrendrecomple de la sienne propre, sic esset causa sui ipsius ; or il se trouve que l’existence du père est de même nature contingente que celle du fils > (I « , q. 45, a. 5, — q. io4, a. 1, et comm. de Cajetan).

Le père, dit S. Thomas (1 », ([. io4, a. i), n’est que cause accidentelle de l’existence de son lils ; il est seulement cause nécessaire de la génération da

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