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surnaturel soit exigé par nous et nécessité par notre nature, mais il est nécessitant pour notre nature etexigeant ennouSii.CitépaT’M. Laberthonnière, ibid. Par là on reste fidèle à la méthode d’immanence : rien ne s’impose à nous du deliors.

L’Encyclique Pascendi, au sujet de cette méthode, s’exprime en ces termes : « Nous ne pouvons nous empêcher de déplorer une fois encore et très vivement qu’il se rencontre des catholiques qui, répudiant l’immanence comme doctrine, l’emploient néanmoins comme méthode d’apologétique ; qui le font, disons-nous, avec si peu de retenue, qu’ils paraissent admettre dans la nature humaine, à l’égard de l’ordre surnaturel, non pas seulement une capacité et une convenance, choses que, de tout temps, les apologistes catholiques ont eu soin de mettre en relief, — mais une Araie et rigoureuse exigence. « (Denzinger, 2103.) Le procédé de démonstration de l’existence de Dieu, admis par les partisans de la seule méthode d’immanence, qui trouvent insuffisantes les démonstrations de l’Ecole, revient en effet à soutenir que, dans l’ordre où nous sommes, un secours surnaturel est en droit nécessaire à l’homme (à la raison humaine de soi impuissante) pour arriver à la connaissance certaine de l’existence de Dieu. Comme le montre M. Chossat (loc. cit.. col. 864-870), si quelques théologiens ont admis que, dans l’ordre où nous sommes, l’homme n’arrive pas à la certitude de l’existence de Dieu sans un secours surnaturel, ils visaient seulement le fait ou les conditions de Vexercice du pouvoir naturel qu’a l’homme de connaître Dieu, ils ne niaient pas ce pouvoir, ni n’atténuaient en rien sa spécification. La question d’essence et d’existence, de spécification et d’exercice, de droit et de fait, était soigneusement distinguée. Ces théologiens voulaient dire seulement que, dans l’état où nous sommes, un secours sm-naturel est nécessaire pour que la volonté applique (ordre d’exercice) l’intelligence à la considération de Dieu de préférence à un autre objet, et pour qu’elle écarte (reinoi’ens prohihens, action simplement négative) les dispositions morales qui empêchent de percevoir la vraie valeur des preuves, mais non point pour qu’elle ajoute dans l’ordre de spécification une coloration spéciale aux preuves de l’existence de Dieu. Ces preuves, pour eux, étaient de soi suffisantes. Cette distinction de la spécification et de l’exercice, du droit et du fait, ne peut plus être faite par les nouveaux apologistes, dans la mesure où ils trouvent inefficaces les preuves classiques, et dans la mesure où ils adoptent la thèse kantienne : la raison est de soi, de par sa constitution même, impuissante à se faire de l’existence de Dieu une certitude objectivcment suffisante. Dès lors le surnaturel, quoi qu’en dise M. Blondel, n’est pas seulement exigeant, mais il est encore exigé. La doctrine des nouveaux apologistes paraît donc inconciliable avec la définition du Concile du Vatican, comme l’était celle des traditionalistes de Louvain et celles des fidéistes à la manière de Baltain. On revient ainsi par une autre voie aux conclusions de tous ceux qui ont exagéré la déchéance originelle, à la doctrine de Luther, Calvin, Jansemus, Quesnel sur l’impuissance de la raison. On connaît la ^i" proposition de Quesnel : « Omnis cognitio Dei, etiam naturalis, etiam in philosophis ethnicis, non potest i-enire nisi a Deo ; et sine gratia non producit nisi præsumptionem, vanitatem, et oppositionem ad ipsum Deum, loco affectuum adorationis, gratitudinis et amoris. » (Denzinger, 1891.) M. Labertlionnière s’exprimeà peu près de même lorsque, en dehors de ce qu’il appelle

« la foi d’amour)), il admet chez certains de ceux qui

repoussent Dieu « une foi de crainte ». « Mais croire uniquement par crainte, c’est croire en niant. C’est

ainsi qu’un ennemi croit à l’existence de son ennemi en aspirant à le supprimer. La foi de crainte à elle toute seule n’est donc pas une foi sincère, puisqu’elle contient en elle le désir de ne pas croire. Avec elle et par elle, on s’enfonce dans les ténèbres. » Essai de Phil. relig., p. 80. — « On parle et on écrit, dit justement M. Chossat, comme si tout ce qu’ont imaginé sur ces questions les protestants, les jansénistes et même des théologiens, d’ailleurs orthodoxes, était soutenable aujourd’hui. Il faudrait pourtant se souvenir que, relativement à la notion du surnaturel et surtout relativement à celle du pouvoir de connaître Dieu avec certitude par les lumières de la raison naturelle, l’état des controverses n’est plus le même qu’il y a quarante ou quatre cents ans… On s’explique donc très bien la mise à l’Index des Essais de M. Laberthonnière. » (Ibid., col. 869 et 871.)

Si l’on veut faire usage de la méthode d’immanence, on ne doit pas la présenter comme méthode exclusii-e. C’est ce qu’ont fait les Pères et tous ceux qui ont défendu, comme nous le ferons plus loin, la preuve de l’existence de Dieu par l’aspiration de l’àme vers le bien absolu et sans limites (cf. Preuve par les degrés des êtres, appliquée au bien, le premier désirable, le souverain Bien, source de tout bonheur et fondement dernier de tout devoir). On verra que la dialectique de l’amour ou de l’action serait sans efficacité et objectivement insuffisante si elle n’impliquait celle de l’intelligence, qui suppose la valeur ontologique et transcendante des principes rationnels, valeur qui est niée précisément par les adversaires des preuves classiques.


II" Partie

La Démonstrabilité de l’existence de Dieu

Pour justifier rationnellement la foi de l’Eglise au sujet de la connaissance naturelle de Dieu, nous établirons : 1° la démonstrabilité de l’existence de Dieu ; 2° les preuves de l’existence de Dieu ; 3° les preuves des principaux attributs de Dieu. — Nous nous efforcerons de montrer surtout que la théodicée traditionnelle, tout entière conçue du point de Aiie de la philosophie de l’être (explicitation et justification du sens commun), conserve aujourd’hui toute sa valeur, et n’est pas atteinte par les objections faites au nom de la philosophie du phénomène ou de celle du des-enir, les deux seules conceptions générales possibles en dehors de la philosophie de l’être.

La démonstrabilité de l’existence de Dieu fera l’objet de trois chapitres : 1° De quel genre et de quelle espèce de démonstration s’agit-il ? — 2° Objections contre cette démonstrabilité. — 3° Preuve de cette démonstrabilité.

Ch. I. De quel genre et de quelle espèce de démonstration s’agit-il ? — i » Ji s’agit dune démonstration philosophique ou métaphysique. Sa rigueur doit être supérieure en soi à celle des démonstrations dites aujourd’hui scientifiques. — Il ne devrait pas être nécessaire de le faire remarquer, nous ne prétendons pas donner une démonstration scientifique de l’existence de Dieu, si par démonstration scientifique on entend, comme on le fait souvent aujoiu-d’hui, une opération qui ne dépasse pas le champ de l’observation et de l’expérience. Mais si notre raison nous montre que les êtres et les phénomènes, objets d’expérience, ne s’expliquent pas par eux-mêmes, si elle perçoit qu’ils ont nécessairement besoin d’une cause qui les rende réels et intelligibles, si elle établit que cette cause ne peut se trouver qu’en dehors du champ de l’observation et de l’expérience, nous aurons une