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DÉTERMINISME

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non seulement les interA-entions occultes, mais jusqu’à la possibilité de ces interventions. En outre, une foule de facteurs mystérieux hypothétiques ont été successivement éliminés par les recherches positives. Ce succès du passé garantit les succès de l’avenir. Enfin n’oublions pas que la vie pratique tout entière repose sur le postulat de la nécessité des lois physiques. Si le pragmatisme a quelque valeur, c’est en faveur du « principe du système clos » que nous pouvons l’invoquer.

En résumé donc, nous devons écarter toute intervention psychique dans l’évolution de l’univers. La science, et même la vie quotidienne, sont à ce prix. Il est donc manifeste que l’initiative libre est à plus forte raison un non-sens, et que nous devons conclure au déterminisme le plus rigoureux.

Examen critique. — Notons tout d’abord que tout ce raisonnement ne pourrait dans tous les cas compromettre que les actes « commandés » matériels (actus imperati) de la Aolonté libre. Les parallélistes, ardents défenseurs du <( principe du système clos », admettent, à côté de la série matérielle, une série

« parallèle » de phénomènes psychiques, où rien ne

nous empêche de placer des volitions, des choix libres, échappant à tout déterminisme physique. — Il n’y a là aucune solution de la difficulté ; mais il n’est pas inutile de préciser sa portée réelle.

Une autre constatation a aussi son importance. Le

« principe du système clos », dans le sens qu’on lui

veut donner, concerne évidemment les réalités extra-cosmiques, puisqu’il les déclare non réelles, ou au moins non actives vis-à-vis de la matière. Dès lors il ne s’agit plus d’une assertion « scientifique », dans le sens restreint du mot. Il ne s’agit ni d’un fait constaté, ni d’un fait constatable. Par conséquent les naturalistes qui défendent le « principe » se muent ici en philosophes ; et il importe de se rappeler que les découvertes les plus brillantes en physique et en biologie ne donnent aucune autorité spéciale en matière philosophique. Certains noms très retentissants exercent sur beaucoup d’esprits un empire illégitime. Mais examinons le « principe » en soi. Sa justification ne se trouve que dans les exigences de la science naturelle. Or, en nous plaçant à ce point de vue, il est impossible de voir dans le « principe » autre chose que la maladroite déformation d’une loi de méthode, d’une règle heuristique précieuse, mais qui ne peut en rien nous renseigner sui’les réalités supra-sensibles, moins encore établir le déterminisme.

Un phénomène matériel se produit ; il faut chercher sa cause. Le phénomène matériel appartient de prime abord au naturaliste. C’est donc celui-ci qui devra l’interpréter, en devra déterminer la cause. Mais comment se metlra-t-il à la recherche, s’il ne suppose au préalable que cette cause est observable par les moyens dont il dispose ? Remarquons bien qu’il n’a pas le droit d’aflirmer qu’il ne peut y avoir qu’une cause matérielle ; mais il n’est pas un phénomène dont il ne doive en chercher une. Lorsqu’on tient compte de ce fait que les corps possèdent des activités multiples dont plusieurs nous sont vraisemblablement inconnues ; lorsqu’on jette un coup d’œil sur l’histoire des sciences dans les derniers siècles, il n’y a rien que d’éminemment légitime dans cette position liypothétiiiue. Elle détermine sinq)lement l’objet propre des sciences subordonnées, qui est la recherche des causes secondes, et l’objet des sciences physiques, qui est la recherche des causes matérielles. Elle équivaut à cette assertion très juste, que notre ignorance provisoire n’est pas par soi, sans aiuune autre raison positive, un motif suflisant pour supposer une intervention mystérieuse ou même surnatu relle. En d’autres termes, nous n’avons pas le droit, sous peine d’illogisme et de blasphème, de loger le diable, les anges et Dieu dans les lacunes de nos interprétations scientifiques.

Et voilà tout ce que peut légitimement signifier le postulat malencontreusement appelé « du système clos ». Lorsqu’un phénomène matériel se produit, on peut en rechercher la cause matérielle ; et pour amorcer cette recherche on ^ewi provisoirement supposer que le phénomène a une telle cause. Mais il est arbitraire et absurde de l’ériger en assertion doctrinale et absolue, d’atlirmer qu’aucune influence immatérielle ou extra-cosmique ne peut se faire sentir dans les événements de l’univers sensible, et surtout de récuser a priori les preuves très positives que la philosophie et la religion nous fournissent pour affirmer les connexions dynamiques entre le monde des corps et le monde des esprits.

Ce n est pas au nom de la science qu’on peut a^ancer ces prétentions. La science physique recherche les activités inhérentes à la matière, que l’intervention d’une cause supérieure ne trouble d’aucune façon dans l’immense majorité des cas. Les directions spéciales que les influences extra-cosmiques peuvent imprimer aux forces matérielles n’appartiennent plus à la science physique, mais à quelque science supérieure, à la psychologie, à la métaphysique, dont les droits sont fondés au même titre que ceux de la physique. Nous devons, par conséquent, en vertu de l’observation et de la logique, répudier le postulat du

« système clos » dans le sens qu’on lui veut prêter, 

tout en reconnaissant sa valeur comme hypothèse provisoire et méthodique, et proclamer que rien n’empêche les réalités supériexrres d’agir sur le monde corporel.

Principe de la conservation de l’énergie. Exposé.

— Le fameux principe de la conservation de l’énergie n’est pas sans quelque attache avec celui du système clos. Il affirme que la somme totale de l’énergie cosmique reste constante. — On voit immédiatement quel usage on en peut faire contre la thèse du libre arbitre. Les énergies cosmiques sont évidemment d’ordre matériel, et ont dès lors leiu* siège dans la matière. Le principe proclame par conséquent que l’univers matériel forme un système clos, au moins sous ce rapport. Aucune force innnatérielle ne peut en rien augmenter ou diminuer l’énergie ; et si l’on considère la portée immense de cette notion de l’énergie, il en résulte immédiatement que tout acte libre devient une impossibilité. L’initiative volontaire, en efl’et, à moins de rester stérile, doit au moins pouvoir imprimer à nos membres, directement ou indirectement, un mouvement. Or c’est précisément ce que la constance de l’énergie exclut absolument. Et comme le principe est le résultat d’innombraljles expériences, comme il ne s’agit plus ici d’un postulat théorique ou d’une hypothèse, on en peut conclure que l’expérience positive établit le déterminisme physique. Examen critique. — Avant tout, la logique pure a ici de très sérieux reproches à adresser au déterminisme. Lorsqu’on nous aflirme que la somme totale de l’énergie de l’univers reste constante, il n’est pas rare de se trouver en face d’une véritable pétition de principe. On prouve au moyen de quelques présuppositions très siuqiles, que la variation quantitative de l’énergie d’un systènu^ en un temps donné est égale à la somme des travaux des forces extérieures pendant ce même temps. Or, ainsi l’on raisonne, à prendre l’univers dans sa totalité, il n’y a évidemment plus aucune force extérieure. — Mais c’est précisément ce qu’il faudrait démontrer. Le théorème classique se rapporte, par bii-même, uni quemcnt à l’énergie cinétique et potentielle. Admet