Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/471

Cette page n’a pas encore été corrigée

923

DEMONS

926

de soi jusqu’à la haine de Dieu (Scot). Pour d’autres, le démon a été jaloux des hommes : il a envié en particulier l’union hypostatique de la nature humaine avec le Verbe qu’il aurait désirée pour sa propre nature ; il a pu envier aussi les dons de la grâce (StAREz). Il a pu pécher dès le premier instant de sa création (Scot), parce que la volonté peut mal agir dès le premier instant ; pour S. Thomas, il est impossible qu’un être libre soit mauvais tout de suite après sa création, car sa A’olonlé doit désirer le vrai bien avant le bien apparent et la faute en remonterait à Dieu, de même que, si un homme est boiteux de naissance, la faute en remonte à ses parents, Ibid., art. 5 ; cependant ils ont péché aussitôt après leur création, parce qu’ils avaient été créés en état de grâce et qu’il leur aurait sutli d’un acte méritoire pour gagner la béatitude ; il faut donc qu’ils n’aient pas eu le temps de faire un seul acte méritoire, Ibid., art. 6. Pour Suarez, Lucifer a pu commettre plusieurs péchés : orgueil, arrogance, présomption, ambition, vaine gloire, envie, peut-être aussi impiété, blasphème et.infidélité ; il n’a probablement pas péché contre la foi. De Angelis, vii, lo.

2. Nombre des ré’oltés. — Il fut très considérable, sans qu’on puisse le déterminer. On tient généralement que leur chef était le plus élevé de tous les esprits angéliques, ou du moins l’un des plus élevés ; selon SuAREz, Lucifer était « de l’ordre très parfait des Séraphins », Ibid., vii, 16. Les révoltés appartiennent à tous les ordres et à tous les degrés (S. Thomas, SUAREz).

3. Nature des démons après la chute. — La spiritualité des anges a été énoncée par le Concile de Latran (cf. supra), mais l’Eglise n’a pas défini ce qu’ils sont devenus après leui" chute. L’opinion générale des théologiens est que les démons sont restés des êtres spirituels, et il y aurait témérité à leur attribuer un corps, serait-il de natiu-e aérienne, ignée, ou de matière plus subtile encore. Cajetax est le dernier théologien de quelque valeur qui ait attribué aux démons un corps subtil formé, non d’air, mais d’une matière qui ne tombe pas sous nos sens, corps simple et incorruptible doué des puissances intellective et motrice et non de la puissance sensitive. L’intelligence des démons a été obscurcie par la soustraction des lumières surnaturelles provenant de la grâce ; mais les lumières naturelles de leur entendement sont demeurées entières. Ils peuvent encore connaître la vérité par révélation faite par les saints anges et par leur propre expérience. Cf. S. Thomas, l’q. G/|, I. — La volonté des démons est tellement obstinée dans le mal qu’ils ne peuvent faire aucun bien, ils sont toujours en état de péché actuel, la cause de leur obstination est plus probablement leur impuissance à s’abstenir du péché ou à bien agir de nouveau, Suarez, viii, i i.

li. Punition des démons. — Ils souffrent la peine du dam et la peine du feu. La première est l’éloignementdc Dieu, la privation de la béatitude éternelle, c’est-à-dire de la vision béatifique et de tous les biens qui en découlent, que Dieu avait préparés pour ceux qui l’aiment ; cette peine, qui est toute morale, est la plus forte. — Sur la peine du feu, voir Eneer.

5. Action des démons sur les hommes. — L’envie et la haine poussent les démons à tenter les liommes, cf. Gen., ni ; Joan, xii, a, 27 (Judas) ; Acl.. v, 3 (Ananie) ; Pet., v, 8. Nous avons déjà vu. par rcxcmple de Job, que le démon ne peut pas tenter les liomuies sans la permission de Dieu, ni au-dessus de leurs forces. Dieu permet les tentations parce qu’elles montrent l’excellence de la grâce qui permet

de les mépriser et de les vaincre, ou de se réhabiliter après la chute ; elles maintiennent aussi les hommes dans l’humilité, la crainte et la conscience de leur faiblesse ; enfin elles augmentent leur mérite, lorsqu’ils résistent.

Les maux dont les démons peuvent affliger les hommes ne sont souvent qu’une forme particulière des tentations : ils font soulfrir les hommes pour les faire tomber dans des péchés d’impatience, de blasphème, décolère, de découragement et de désespoir ; c’était là le but de la tentation de Job. Quelquefois aussi Dieu se sert de la méchanceté des démons pour châtier les pécheurs : c’est à cette cause que l’ange Raphaël semble attribuer la mort des sept maris de Sara, Tobie, i, 16 à 22. Par contre, les démons peuvent quelquefois procurer aux hommes des avantages matériels pour les mieux séduire ; ils ont en effet une intelligence et des forces plus étendues que celles de l’homme, ils connaissent les secrets de la nature bien mieux que lui, ils ne sont pas attachés à un lieu, ils peuvent donc produire des résultats surprenants, et certains hommes l’ont toujours compris ainsi, en ayant recours à eux.

6. Rapports des hommes avec les démons. — Il est certain a priori qu’il peut y avoir des pactes et des commerces entre les hommes et les démons ; il n’est pas nécessaire de supposer pour cela avec Cajetan que les démons sont matériels, du genre par exemple des fluides ; car Dieu et l’âme agissent bien sur la matière. Il est encore certain que bien des hommesontcherché àétablirun commerceavec le démon, et même ont cru avoir réussi à l’établir ; c’est ce dernier fait qui justifie, dans la plupart des cas, les juges laïques ou ecclésiastiques qui ont condamné des sorciers ou de prétendus sorciers : car, en dépit des interdictions foruielles de l’Eglise, il se trouvait de nombreux hommes pour copier et transmettre des livres de prétendue magie, qui étaient censés mettre les démons à leur service pour faire mourir leur prochain ou pour contraindre à l’amour et à de mauvaises actions des personnes honnêtes qui s’y refusaient ; parfois même, pour donner plus de force à une soi-disant amulette, on ne craignait pas de verser le sang humain. Il est certain que tous ces hommes, quel que fut le résultat de leurs velléités, étaient coupables des fautes et des crimes qu’ils avaient voulu commettre et pour l’exécution desquels ils n’avaient reculé devant aucune défense, aucun risque et aucun méfait. Quelc|uefois on se bornait à brûler les livres (voir Patrologie Orientale, t. II, p. 5^ à 70) ; lorsqu’on en arriva à l>rùler leurs possesseurs, ils l’avaient souvent mérité, parce qu’ils avaient voulu faire tout ce dont on les accusait. Nous reconnaissons que les innocents ont pu être poursuivis et même suppliciés, surtout sous la pression de l’opinion populaire, mais il en a été de même pour tous les délits ; il est même certain que l’intervention de la justice ecclésiastique dans les procès de sorcellerie donnait à l’accusé des garanties de charité, dejusticc cl d’inq)artialilé, qu’il pouvait ne pas rencontrer au mcuie degré dans les procès purement civils près des juges séculiers. La justice ecclésiastique était la moins redoutée, témoin le i)roverbc : « il fait bon vivre sous la crosse » ; l’autorité infaillible de l’Eglise n’est d’ailleurs intervenue dans aucun procès de sorcellerie, les particuliers seuls — c’est-à-dire presque toujoiws les juges civils et les passions populaires — sont responsables des ei-reurs qui pourraient être démontrées.

De nos jours, tout chrétien doit être bien convaincu de i’action du dénmn dans le monde et sur les hommes ; action attestée par l’Ecriture, par le-