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DEMONS

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par Socrate el par nous, n’empècbe pas notre concept d’être difTérent du sien (et même opposé) et de provenir d’ailleurs.

A la vérité, nous sommes loin du temps où la mentalité des Juifs les exposait à adorer tout esprit bon ou mauvais qu’on leur aurait décrit et toute figure qu’on leur aurait sculptée ; bien plus (au moins dès le troisième siècle avant notre ère), une secte puissante, celle des Sadducéens, niait 1 immortalité de l’àme, la résurrection et la vie future, Matth., XXII, 23 ; Marc, xii, 18 ; Luc, xx, 2’j ; Joskphe, Ant. Jud., XVIII, I, ! De bello jitd., II, viii, 14 ; elle niait aussi l’existence des anges et des esprits, Act., xxiii, 8 ; et les écrivains sacrés, loin de devoir voiler l’action des démons, devaient au contraire la mettre en relief, car elle était la meilleure réfutation — réfutation expérimentale — des Sadducéens.- Le Nouveau Testament est donc rempli d’enseignements sur les démons, et nous a déjà servi à interpréter quelques passages moins clairs de l’Ancien ; les démons ont une hiérarchie, Beelzébub est leur chef, Matth., xii, 24 ; ils habitent dans les hommes en tant qu’esprits impurs et mauvais, Matth., xii, 43 ; Luc, viii, 2 ; xi, 24 ; Eph., VI, 12 ; il y en a de plus mauvais les uns que les autres, Luc, xi, 26 ; ils causent des maladies, Luc, VIII, 2 ; XIII, 1 1 ; cf. 1 Cor., v, 5 ; ils luttent avec Michel et les bons anges, Apoc, xii, 7, 9 ; Satan, appelé aussi Bélial ou plutôt Béliar, II Cor., vi, 15, est la cause de tout mal et de toute méchanceté, Luc, X, 19 ; XIII, 16 ; XXII, 31 ; Act., v, 3 ; II Cor., xi, 3 ; Ephes., II, 2 ; l’ennemi du royaume de Dieu, Matth., xin, 89 ; Luc, X, 18 ; XXII, 3 ; le prince du monde, Joan., XII, 31 ; xiv 30 ; xvi, 1 1 ; le tentateur des fidèles, I Cor., vii, 5 ; I Thess., iii, 5 ; I Pet., v, 8, qui a été jusqu’à tenter Notre-Seigneur lui-même, Matth., iv. Le premier acte de Satan a été la tentation d’Eve, II Cor., XI, 3 ; cf. Apoc., xii, 9 ; il a l’empire de la mort, Hebr., 11, 14. Satan et ses anges (les démons), Apoc, XII, 9 ; II Cor., XII, 7, avaient été créés bons, et ils sont tombés par leur propre faute, II Pet., 11, 4 ; Jud., 6 ; cf. Joan., viii, 44 j maintenant ils régnent sur le monde des ténèbres, Eph., vi, 12 ; cf. Col., i, 13 ; leur chef est le prince des puissances de l’air, Eph., Il, 2 ; ils sont réservés pour un terrible châtiment, II Pet., II, 4 ; Jud., 6 ; car le Christ est venu pour détruire le règne de Satan, I Joan., iii, 8 ; durant sa vie il l’a déjà jugé, Joan., xii, 31 ; xvi, 1 1. En somme c’est surtout par des possessions que le démon se manifeste dans les évangiles ; nous remettons à un autre article l’étude de ces phénomènes (voir Possessions).

2. Les démons dans les apocryphes. — C’est dans les apocryphes que nous trouvons le plus de détails sur les démons, détails souvent imaginaires, mais qui nous font connaître cependant les traditions populaires dans les milieux où les apocryphes ont été composés, et qui peuvent même parfois servir de commentaire autorisé aux livres canoniques, lorsque les traditions consignées sont assez anciennes et ont ensuite été adoptées par les Pères.

Dans le Livre d’Adam, nous trouvons un long commentaire de la chute de l’homme et de sa pénitence : après la sortie du Paradis, Adam va faire pénitence dans les eaux du Jourdain et Eve dans les eaux du Tigre ; celle-ci est encore une fois trompée par Satan, qui l’amène à abandonner sa pénitence. La haine de Satan provient de ce que l’homme est cause de sa chute : car, après la création, Dieu a présenté aux anges « son image et sa ressemblance », en leur commandant de l’adorer ; Satan et ses anges ne l’ont pas voulu parce qu’ils avaient été créés avant l’homme et qu’ils étaient de purs esprits, tandis que

l’homme était fait de poussière. Tel fut le péché des mauvais anges, péché d’orgueil, pour lequel ils ont été jetés du ciel sur la terre. C’est alors que Michel serait intervenu pour punir les rebelles. Cf. E. Kautzsch, Die Apocr. und Pseudepigraphen des Alten Testaments, Tubingue, 1900, t. II, p. 512-028. Le Livre d’Hénoch nous donne une classification des puissances célestes : les démons sont une partie des anges de l’une de ces classes : la classe des « veilleurs ». La cause de leur chute est toute différente de la donnée du livre d’Adam : c’est ici un péché de concupiscence, et non un péché d’orgueil : Deux cents des veilleurs, sous les ordres de Semyaza dans une tradition, ou d’Azazel dans une autre, se sont laissé séduire par la beauté des filles des hommes ; ils sont descendus sur le sommet de rilerinon avec leur prince et leurs chefs de dizaines ; Hénoch connaît tous leurs noms. Puis ils ont pris des femmes et en ont eu des géants qui ont opprimé les hommes et se sont dévorés entre eux. Ils ont aussi commis la faute de révéler les secrets éternels à ces femmes et par elles à l’humanité, et de leur découvrir tout péché et toute injustice. C’est pourquoi les âmes des opprimés les ont accusés, et Dieu, malgré l’intervention d’Hénoch. les a condamnés à subir une double série de châtiments : les uns immédiats, la perte de leurs enfants et une étroite captivité loin du ciel ; les autres à partir du dernier jugement : le supplice et les tourments de l’abîme de feu dans lequel ils seront définitivement jetés. En attendant l’éternelle damnation, leurs esprits peuvent prendre toutes sortes de formes pour aller tenter les hommes. Ces anges déchus sont comparés à des étoiles descendues des cieux pour se livrer à des relations coupables avec les génisses, c’est-à-dire les filles des hommes. Un des archanges fidèles les saisit, les lie et les jette d’abord dans un abîme de la terre ; puis, au jugement final, ces étoiles sont jetées dans un abîme de feu. Les géants issus de l’union coupable des veilleurs avec les filles des hommes ont été mis à mort, mais les esprits sortis de leur chair sont restés sur la terre. Ils y sont appelés esprits mauvais, et ils ne cessent de s’élever contre les enfants des hommes jusqu’au jour du grand jugement. En attendant, beaucoup d’hommes les adorent sous l’image des idoles, à l’instigation perfide des anges déchus, qui les portent à sacrifiera ces démons comme à des dieux. Il existe aussi des Satans qui accusent les hommes devant Dieu et sont chargés de tourmenter les hommes condamnés aux supplices éternels. Dans ce dernier rôle, ils portent le nom d’anges du châtiment ; ils préparent les instruments de Satan, fouet et chaînes de fer, pour les rois et les puissants de la terre. Les Satans sont distincts des anges déchus et des mauvais esprits sortis des corps des géants, car ils ne sont pas voués aux tourments de l’enfer comme les premiers ; ils peuvent se présenter dans le ciel devant le Seigneur, alors que les veilleurs déchus ne peuvent pas y monter, le livre d’Hénoch ne nous apprend pas leur origine ; leur chef est Satan, le maître des instruments de torture destinés aux pécheurs ; il représente un pouvoir hostile à Dieu, mais il dépend néanmoins du Très-Haut, puisque ses subordonnés ne sont que les exécuteurs des sentences divines et qu’ils ne peuvent perdre les hommes qu’en les accusant devant le Créateur. Cf. F. Marti.v, Le Livre d’ILénoch, Paris, 1906,

p. XXVIII-XXXI.

Dans ces spéculations, on reconnaît facilement un commentaire de Gen., vi, 2 ; Is., xiv, 12, et Job. D’après la Genèse, « les fils de Dieu voyant que les filles des hommes étaient belles, se firent des épouses de celles qu’ils choisirent entre toutes ». La tradition qui voit dans « les fils de Dieu » non pas les descendants ûc