Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/458

Cette page n’a pas encore été corrigée

899

DAVID

900

victoire (ibid., xvii, 87, 45, 46)- Saiil, émerveillé d’une telle vaillance, voulut avoir désormais le fils d’Isaï continuellement à sa cour (xviii, 2).

Plusieurs de ces faits sont traités par nos rationalistes de « mythes sans fondement ». « Le rôle, écrit Renan, qu’on prête à David comme harpiste auprès de Saûl est légendaire » (Histoire du peuple d’Jsraël, t. I, p. 413). Le même écrivain feint d’ignorer la Aictoire de David sur Goliath ; s’il parle d’un triomphe remporté sur les Philistins à Ephès-Dammim, il affecte de ne connaître que celui qui eut pour héros (, un certain Eléazar, fils de Dodo l’Ahohite, qui presque seul arrêta les Philistins vainqueurs » (Renan, Qp. cit., p. 4’2). En tout cela Renan se trompe ; d’abord parce qu’il attribue à Eléazar, fils de Dodo, une victoire qui, d’après II Rois, xxiii, 11, 12, semble devoir être rapportée surtout à Semma ; ensuite parce que le fait d’armes de Semma est très distinct de celui du fils d’Isaï, vainqueur de Goliath. Comp. II Rois, XXIII, II, 12, avec I Rois, xvii, 1 et suiv.

Quant aux dénégations de Renan relatives au talent de harpiste qui fit au début la fortune de David, M. DiEULAFOY lui-même (Ze roi David, p. 65) les repousse, et admet comme parfaitement vraisemblable que, « dans les longues journées passées derrière ses brebis au désert », le fils d’Isaï s’était exercé à jouer du kinnor. Nous ne devons donc pas nous étonner que le jeune pâtre de Bethléem ait mérité de devenir

« le cithariste du roi ». « Tous ces détails, ajoute le

docte membre de l’Institut, respirent un parfum de A’érité et de candeur inimitables » (op. cit., p.’^4) note). Saiil, lorsqu’il entendait les sons mélodieux du kinnor de David, éprouvait un réel apaisement, ses crises de mélancolie, comme celles de tout névropathe, se calmant alors ou disparaissant même tout à fait.

2) David à la cour du roi Saiil. — Le fils d’Isaï, par son intelligence (I Rois, xviii, 5, 14), ses prouesses dans les combats (xviii, 5, 14, 27, 30 ; xix, 8), son ascendant sur tous (xviii, 5, 7, 8, 16, 30), excita bientôt la sombre jalousie du roi (cf. xviii, 9, 15, 29). A plusieurs reprises le monarque essaja de le tuer (xA’iii, 1 1 ; XIX, 9, 10, 22) ou tout au moins de le faire tuer, soit par les siens, soit à la guerre et comme fortuitement (xviii, 17, 21, 25 ; XIX, I, II, 20 ; XX, 31). Mais toujours le fils d’Isaï échappa au danger (xix, 4-8 ; 11-18 ; 20-22 ; XX, 27-43) ; visiblement Dieu le protégeait (xviii, 12, 14, 28).

A cause précisément de cette intervention incessante du Seigneur en faveur de David, il en coûte à la critique moderne d’admetti-e tous les faits que nous venons de signaler. On les suppose empruntés à des sources « d’une autorité médiocre, et donc fort contestables ». Il est tels chapitres, comme le xvii’du premier livi-e des Rois, qui créent de réelles difficultés à la critique et à l’exégèse. Nos adversaires en tirent argument pour infirmer la véracité de certains faits qui y sont racontés. Est-ce pour simplifier quelques-unes de ces diflicultés que les LXX ont supprimé par exemple les versets xvii, 12-31, 55-58 ; xviii, 1-5 ? Plusieurs l’ont prétendu ; d’autres reconnaissent, avec plus de raison à ce qu’il semble, que le texte massorétique a subi en ces passages de nombreuses retouches et additions. On lira dans HuMMELAUKR (Comm. in ni). Samuelis, p. 1^4) d’intéressantes observations à cet égard. Nous n’estimons pas que ce soit ici le lieu d’ouvrir une discussion détaillée des diverses opinions. Ces sortes de problèmes relèvent surtout de la critique textuelle, et ont leur place daA’antage marquée dans un travail spécial ou dans un commentaire biblique. Une chose reste sûre pour tant, et, au point de vue où nous nous mettons, doit suflire, c’est que la diversité des sources

dans le premier livre des Rois, non plus que les remaniements, transpositions, gloses, additions, n’exigent de nécessité la non-historicité des faits racontés, surtout quand ces faits en eux-mêmes n’offrent rien d’invraisemblable, de heurté ni de choquant. J’ajoute qu’on abuse vraiment de la contradiction apparente que présentent les incises xvi, 18-23, et xvii, 55-58 ; à cette difficulté exégétique, les commentateurs depuis longtemps ont largement répondu. Voir en pai"ticulier HuMMELAUER, Comm. inlib. Samuelis, ipp. 183-184.

3) Das’id errant à tra’ers le désert. — Fuyant la colère de Saiil, David dut se cacher un peu partout dans le désert de Juda, même au delà du Joiu-dain. Il alla successivement à Nobé, chez le grand-prêtre Achimélech (I Rois, xxi, 1-9) ; — à Geth, au pays des Philistins, chez le roi Achis(xxi, 10) ; — aux environs d’Odollam, dans une caverne où il se réfugia (xxii, i, 2), non loin de Soco, d’Azéca et de Jérimoth ;

— puis à Maspha (xxii, 3), dans la forêt de Haret (xxii, 5) et à Céïla (xxiu, 5) ; — ensuite dans les montagnes du désert de Ziph (xxiii, 14), dans les solitudes de Maon (xxiii, 24), dans les collines d’Engaddi (xxiv, i) et au désert de Pharan (xxv, 1) ; — finalement il revint à Geth (xxviii, 2) auprès du philistin Aclîis qui lui donna Siceleg (xxvii, 6), où David se retira et où il apprit la mort de Saùl (II Rois, i, suiv.).

Pendant sa vie errante de plusieurs années, on a reproché à Da^-id ses duplicités sans vergogne, ses ruses déloyales, même quelques actes de véritable banditisme. Ainsi chez Achimélech (xxi, 2) et chez Achis roi de Geth (xxvii, 10-12), il ne recula point devant le mensonge ; une fois, à la cour de ce dernier, il se déplaça jusqu’à simuler la folie ou l’ivresse (xxi, 13-15). Ne se déshonora-t-il pas d’ailleurs souvent par sa dureté à la guerre, par ses pillages sans merci ni trêve (xxiii, 5 ; xxvii, 8, 9), par son amour des femmes qui le poussa à épouser en même temijs Abigaïl et Achinoam, après avoir divorcé avec Michol ? (xxv, 42-44)’Renan n’a pas assez de termes pour disqualifier le fils d’Isaï en cette période agitée de sa vie : pillard, maraudeur, condottiere, flibustier, brigand, toutes ces épithètes à tour de rôle reviennent sous sa plume à l’adresse de David.

Et pourtant David ne fut ni brigand, ni flibustier, ni maraudeur au sens où il plait à Renan de le dire. Sans doute il entreprit de nombreuses razzias ; il attaqua souvent des tribus ; il eut ses ruses de guerre, parfois méchantes, et versa le sang humain : toutes choses que Reuss nous avertit de « ne pas apprécier au point de vue de la morale ou d’une civilisation plus avancée ». Notre droit des gens n’était point celui qui régnait alors. David combattit à la manière de ses contemporains. Qu’il ne soit pas sens ce rapport un modèle à imiter présentement, nous le voulons ; mais pourquoi le condamner a priori d’une manière absolue ? A-t-on pris garde suflisamment que ses razzias étaient pour la plupart nécessitées par le besoin que lui et ses gens avaient de pourvoir à leur propre subsistance ? N’avaient-ils pas aussi à se défendre quelquefois ? On oublie trop d’ailleurs qu’en ces circonstances difficiles David sut montrer soment un désintéressement admirable, une générosité et une délicatesse de sentiments qu’à cette époque bienpeu autour de lui pratiquaient. Combien grande ne fut pas sa bonté pour Saiil, son implacable ennemi ! (Cf. I Rois, XXIV, 4 ; XXVI, 7-1 2 ; II Rois, i, 1 1-27 ; II, 5-7.) Saiil tout le premier le reconnaissait : « David vaut mieux que moi ii, s’écria-t-il un jour (I Rois, XXIV, 18) avec des larmes dans les yeux. Ne sait-on pas que David aimait tendrement Jonathas, le fils de son ennemi et rival ? L’amitié qui les unissait est demeurée non moins célèbre que celle d’Oreste et de Pylade, de Nisus et d’Euryale, dans l’an-