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CULTE CHRETIEN

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montrer son mépris contre Satan. Nous ne voyons pas trop ce qu’on en peut conclure.

V. Evolution du culte- — Il nous semble que, la question des influences extérieures une fois réglée, on sera forcé de reconnaître que l’évolution des rites obéit à d’autres lois que celle des milieux.

La liturgie, dans ses caractères essentiels, forme une synthèse dont toutes les parties sont coordonnées conformément à une idée mère ; elle n’est pas faite de pièces d’emprunts, ni de morceaux rapportés (cf. notre article cité, p. 280) ; ce qui frappe quand on l’étudié, c’est l’unité de but et de principe. Voilà pour le côté théorique.

Au point de vue historique, rien de plus logique que le développement des rites.

Cette évolution est dominée par une idée intime ; l’influence des événements et des milieux étrangers au christianisme s’y fait bien peu sentir, encore que la liturgie plonge en pleine histoire. Nous avons dit à quoi se réduisent les caractères de cette liturgie, dont les rites et les formules composent aujourd’hui un ensemble si riche et si complexe ; en la ramenant à ses origines, sa synthèse est d’une simplicité qui étonne. Quelques rites essentiels, quelques formules brèves et sim2)les, c’est tout ce que nous connaissons de la liturgie primitive. Et c’est le noyau dont sortiront la plupart des cérémonies dans la suite. Pour quelques-uns de ces rites (baptême, messe, année liturgique, prière publique), on peut suivre cette évolution, marquer presque de siècle en siècle leurs accroissements, leurs développements, qui obéissent à une force intime plutôt ^u’à des influences étrangères.

La même démonstration pourrait se faire sur les ordinations, qui admettent des formules nouvelles, des sjiuboles, des rites adaptés à chacun des nouveaux degrés, mais qui évoluent sous l’impulsion d’un principe de vie initial.

Cette question de l’évolution des rites est encore toute nouvelle, et je ne connais pas de liturgiste qui l’ait étudiée ; mais elle est des plus intéressantes, et maintenant qu’elle est posée, il faut espérer qu’on cherchera avec plus d’attention à découvrir les lois qui la régissent.

il faudra y procéder méthodiquement et prudemment. On devra suivre chacun des rites depuis son origine jusqu’à ses derniers développements, et c’est alors que l’on pourra noter au passage les emprunts étrangers. Jusque là, on le comprend, les analogies que l’on découvre peuvent avoir leur intérêt, mais on ne saurait, connue on l’a fait, en tirer des conséquences générales sur la formation et l’origine du culte chrétien.

Ces quelques rites, que nous admettons à l’origine, forment une syntlièse entre les mailles de laquelle il ne sera pas facile de glisser des cérémonies étrangères.

Le baptême prend le converti, il l’initie à une vie nouvelle qui est celle du chrétien ; la cène eucharistique est la nourriture spirituelle de cet homme régénéré, contirmé dans l’Esprit ; la prière est son occupation principak’. L’exorcisme et la pénitence sont presque hors cadre, le premier, parce qu’il n’intervient que dans des cas qui, quchpie ficquents qu’ils puissent être, ne <loient pas être considérés comme ordinaires ; la secomle, parce que telle est la sainteté des premiers clirétiens, l’intensité de leur vie spirituelle, qu’elle n’intervient aussi, à l’origine, qu’à l’état d’exception.

Oui ne voit que ces premiers rites sont unis entre eux, qu’ils découlent les uns des autres, qu’ils sont soumis à quelques principes qui les inspirent ? le

chrétien est un disciple du Christ, un autre Christ ; il naît à cette vie par le baptême, il doit vivre de sa vie, se nourrir de sa substance ; il vit en union avec ses frères les chrétiens, disciples comme lui du Christ, se nourrissant du même pain, membres du même corps ; l’Eglise de Dieu qui les unit, les apôtres, le I)rêtre, l’évêque président à ces réunions, sont les ministres de ces sacrements. S’il tombe, la pénitence pourra lui rendre ses privilèges perdus. Il prie par le Christ, dans le Christ, avec le Christ ; par lui, il rend grâces à Dieu le Père, dans l’unité du Saint-Esprit ; il lui rend le culte raisonnable, seul digne du Père, au jour établi, et souvent selon des formules déterminées. Les martyrs triomphent avec Lui et les morts reposent en Lui, attendant la résurrection.

Telles sont à peu près les lignes de cette synthèse.

Or il me semble que, sauf de très rares exceptions, tous les développements postériem-s rentrent dans ce cadre, et découlent de ces propositions principales par voie de conséquence logique.

Que si cette démonstration paraît d’un caractère trop théorique, nous croyons que l’histoire ne nous donnera pas de démenti quand nous descendrons sur son terrain pour étudier la marche d’un rite.

Ici, naturellement, on n’attend pas que nous fournissions la preuve dans le détail pour chacun de nos rites. C’est ce que nous faisons dans notre Dictionnaire d’archéologie et de liturgie.

Mais voici à peu près les lignes principales de cette évolution des rites.

Le rite va du simple au composé. Très simple à l’origine, et d’un caractère que j’appellerai tout intime, il contient en intensité tous les développements futurs. A mesure que la petite communauté se développe, qu’elle admet un plus grand nombre de membres d’une culture plus variée ; quand on passe de Jérusalem à Antioche, d’Antioche à Rome, de Rome en Afrique, en Gaule, en Espagne, il devient nécessaire de donner plus de relief à la cérémonie.

A ce point de vue, la révolution pacifique du iV siècle, qui fit entrer dans l’Eglise, presque tumultueusement, des foules païennes, eut une influence considérable sur le développement de la liturgie. A vrai dire, c’est à cette circonstance que l’on doit les additions les plus notables qui furent faites au cérémonial et au rituel catholique ^.

Mais on aurait tort de croire qu’elle sortit des voies de la tradition.

Chateaubriand avait déjà compris cette transformation :

« L’encens, les fleurs, les vases d’or et d’argent, 

les lampes, les couronnes, les luminaires, le liii, la soie, les chants, les processions,.les époques de certaines fêtes, passèrent des autels du vaincu à l’autel triomphant. Le paganisme essaya d’emprunter au christianisme ses dogmes et sa morale ; le christianisme enleva au paganisme ses ornements 2. »

Une autre raison devait amener le rite à se parer en quehiue sorte de nouveaux atours. Le rite, connue tout signe, perd à la longue, par l’usage, une partie de sa signiiicalion. De même que pour la monnaie qui a eu cours longtemps et dont l’image s’oblitère, il devient nécessaire de lui donner une nouvelle frappe ; si l’on ne peut frapper le rite à nouveau, on peut lui donner un relief plus grand.

Les premiers qui reçurent le bain de l’eau par le baptême, comme l’eunuque de la reine d’Ethiopie, au

1. On peut consulter sur ce point les deux ouvrages de Belgnot et de Ciiastel, cités dans la note suivante.

2. Etudes historiques, t. II, p. 101, passage relevé à la fois par Beugnot, Histoire de ta destruction du paganisme en Occident, t. II, p. 265 sq., et par Ciiastel, ///sCotVc de la destruction du paganisme dans l’empire d’Orient, p. 352