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CULTE CHRETIEN

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et sa liturgie est le plus souvent bizarre, parfois immorale ; on ne peut démontrer que le christianisme lui ait emprunté aucun de ses rites essentiels. Nous avons aussi essayé de démontrer que la thèse des emprunts que la liturgie aurait faits au paganisme gréco-romain n’est pas mieux appuyée que la précédente.

On admet généralement que ce ne serait pas avant le iv^ siècle que l’Eglise lui aurait fait ces emprunts, au moins dans le domaine liturgique.

Car c> comme la philosophie grecque aA’ait influencé la croyance chrétienne à partir de l’an 130, un nouveau stade de l’hellénisation commence vers 220-280. Alors les mystères et la civilisation grecques, dans toute l’ampleur de leur développement, agissent sur l’Eglise, mais non la mythologie et le polythéisme. Dans le siècle suivant, l’hellénisme tout entier, avec toutes ses créations et acquisitions, s’établit dans l’Eglise catholique. Là aussi, il y evit des réserves, mais elles ne consistèrent souvent qu’en un changement d’étiquette, la chose étant prise telle quelle ; et dans le culte des saints naît un christianisme de bas étage ». Harnack, Das IVesen des Christentums. Berlin, 1900, p. 126, iS^-iSS, 148. (Cf. Loisy, L’Evangile et V Eglise, p. 178, 179.)

Je ferai remarquer tout d’abord que cette influence serait bien tardive. Au iv<’siècle, la liturgie est déjà bien avancée dans son développement, elle possède ses organes essentiels.

Il est incontestable qu’à ce moment une révolution se produisit. C’était une révolution de voir après des siècles de luttes l’empire romain déposer les armes et signer sa paix avec l’Eglise, qui jusqu’alors, et quoi qu’on en ait dii-. était le piisilliis grex, le petit troupeau, comparée à l’énorme foule anonyme que comptait l’empire. Forcément il devait se faire une adaptation dans la liturgie, comme sur les autres terrains. Peut-être étudierai-je un jour cette intéressante question delà transformation liturgique au iv’siècle. Je dirai seulement aujourd’hui que ce développement de la liturgie fut normal et logique ; je veux dire que les rites se développèrent suivant leurs lois ; on ne fit que tirer des conclusions de prémisses posées au i « r siècle. On donna surtout aux rites plus de solennité, plus de pompe ; la liturgie, jusqu’ici austère, devint magnifique ; le service eucharistique, l’office divin, le cycle de l’année chrétienne, les cérémonies du baptême, tout se développa. Mais on n’eut pas besoin de puiser à des sources empoisonnées. Je ne voudrais pas affirmer qu’aucune pratique, aucune cérémonie ne trouve son équivalent dans le paganisme ; que lorsque tout danger d’idolâtrie fut passé, on ne put laisser sui-vivre telle coutume désormais inoffensive. Comme on l’a dit justement, « supposé que l’on puisse démontrer l’origine païenne d’un certain nombre de rites chrétiens, ces rites ont cessé d’être païens, lorsqu’ils ont été acceptés et interprétés par l’Eglise’». Xkwmax avait résolu l’objection dans le même sens, montrant, dans sa thèse sur le développement du dogme, la puissance assimilalrice de l’Eglise qui purifie, assainit, en se les incorporant,

1. Loisy, L’Evangile et l Eglise, p. 186. C’est le mot de

« aint, lgusti.n’ : « Nous avons certaines clioses communes

avec les païens, mais notre but est difTérent. » (Contra Faust…, 1. XX, c. xxiii.) J. Rkvillf. éciit do son côté :

« Aux adorateurs des idoles, elle (l’Eglise) prend quelques-uns

de Icuis types et de leurs symboles pour leur donner une signification clirélienne… elle s’incorpore les pratiques païennes, elle en fait la cliair de sa chair, se les assimilant si bien que Tonne larde pas à ne plus reconnaître leur origine étrangère. » (L « r<r/jWo71 à Home sout les Séi/ère, p. 29’i.)

les rites, les usages des gentils, aussi bien que les systèmes de la philosophie profane’.

Mais encore avons -nous le droit d’exiger une preuve historique, et non de simples rapprochements qui, en ces matières, ne prouvent rien. Or, jusqu’ici, si je ne me trompe, les faits de ce genre qu’on a relevés ne tiennent pas à l’essence de la liturgie, ou seulement à ses parties vitales, il les faut chercher sur les frontières. On cite des fêtes païennes devenues chrétiennes, des temples païens consacrés au culte du vrai Dieu, des fontaines, des statues de dieux, baptisés et devenant des patrons chrétiens.

C’est tout, et ce n’est pas assez pour dire, comme on l’a fait, que le paganisme est entré dans le christianisme, ou plutôt que le christianisme s’est superposé au paganisme, qu’il est surtout une religion de M superposition »,

La lutte contre le paganisme continue du iv’au VII* siècle, même sur le terrain liturgique, et ce serait un côté intéressant à étudier. Je l’ai fait pour un point spécial, le 1" des Calendes de janvier. (Voir Origines liturgiques. Appendice, p. 300. Cf. Beugnot et CiiASTEL, le premier dans son livre Histoire de la destruction du paganisme en Occident, Paris, 1835 ; le second dans son Histoire de la destruction du paganisme en Orient, Paris, 1850.) Mais ce n’est pas le lieu ici. Je me contenterai de montrer qu’étant donnée l’opposition des principes, les deux religions ne pouvaient guère se faire d’emprunts.

Les caractères essentiels du paganisme, j’entends le paganisme gréco-romain, par lequel le christianisme se serait laissé imbiber, se réduisent à deux ou trois.

Le premier, c’est que les païens reconnaissaient beaucoup de dieux, à peu près égaux entre eux. Les termes de monothéisme et de polythéisme ont été bien inventés et s’appliquent assez justement, le premier à la religion du Dieu unique et vrai, — l’autre aux religions païennes, quelles que fussent au fond les pensées de tels ou tels philosophes.

Le second caractère, c’est que, quoi qu’en pussent penser certaines âmes plus élevées, ou certains intellectuels, ces dieux habitaient dans des temyles, et les statues d’argent, ou d’or, ou même de bois, qui leur étaient consacrées, étaient moins des représentations que le dieu lui-même. En un mot, c’était le fétichisme — l’idole est le dieu, et la briser c’est profaner le dieu. Voilà bien au fond, et en dépit des distinctions plus ou moins subtiles, ce qu’était le paganisme aux premiers siècles du christianisme.

De là chez les fidèles une piété grossière, étroite, ignorante. L’àme, partagée entre le culte de tous ces dieux, ne savait auquel se vouer. Et comme ces dieux, pour autant qu’on les connaissait, étaient tous plus dissolus les uns que les autres, parfois grotesques, non seulement l’àme du fidèle ne trouvait dans ce culte aucun moyen de perfectionnement — mais souvent, on en a des exemples, la religion païenne était une école de pei-Acrsion. Je n’insiste pas.

De cette conception fétichiste découle encore cette conclusion, que la religion était une chose purement extérieure et momentanée, qui demandait un culte extérieur, des sacrifices pour apaiser le dieu, des dons d’argent, devin et d’autres comestibles pour le rendre favorable, des observances extérieures,

1. On peut dire que c’est le sujet de la deuxième partie de son Essay on t/ie derelopnienl of Christian Doctrine, (éd. 18’J’i (neuvième’, p. 169 S(i.). Voyez cependant plus S|>écialcnient le chapitre vm Pouvoir assiniilaleur de la grâce sacramenlelle, le chapitre ix (Culte des saints, dos anges, de lu Vierge), et surtout le chapitrexii, qui est à médilei-. La même idée se représente dans d’autres ouvrages de Xewman,