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CRITIQUE BIBLIQUE

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vue la règle tracée par les anciens Pères, même par ceux qui ont recommandé plus instamment la lecture de la Bible (voir S. Chrysostome dans Malou, La lecture de la Sainte Bible, 1846, I, p. 2/^6) ; à savoir que la prédication a précédé le texte et que, même dans les conditions actuelles, elle peut le remplacer ; qu’en général, elle doit l’accompagner et le préserver. Si l’Evangile est absolument nécessaire, il n’en va pas de même du livre des Evangiles. C’était déjà la remarque de S. Irénée, c. Hæres, III, iv. Au reste, des écrivains protestants ne font aujourd’hui aucune difTiculté de convenir que les livres de la Bible, surtout en ce qui concerne l’Ancien Testament, ne sont pas tous également appropriés à l’édification des âmes. Cf. Realencyclopadie fiir protestantische Théologie und Xirche, 3^ édit. (1897), t. II, p. 718. Un autre écriA’ait dernièrement qu’en dépit de l’illusion contraire, l’instruction religieuse, même chez les Protestants, se passe le pkis souvent du Livre. James Moffat, Bookless Religion, dans Hibbert Journal, oct. 1908, p. 163.

C’est une erreur historique courante que les Protestants ont été les premiers à traduire et à divulguer la Bible en langue vulgaire. Avant le xvi’= siècle, l’Ecriture avait été traduite, dans son entier, en français (xiii^ siècle), en espagnol (xiii* s.), en italien (xiii’^ ou XIV’s.), en anglais (xn-’s.), en allemand et en flamand (av. le milieu du xv*’s.) ; toutes ces versions furent imprimées plusieiu-s fois entre 1450et 1500. Quant aux traductions partielles, par exemple celles des Psaumes et des Evangiles, elles sont plus anciennes encore. Cf. Falk, Die Bibel amvusgange des Mittelalters, 1900 ; dans le Kirchenlexicon (Kaulen) l’art. Bibeliibersetzungen ; dans le Dict. de la Bible (Vigouroux), I, 370, 598 ; II, 1952, 2346 ; III, 1012, 1549. Il n’est pas même sûr que Wiclef ait été le premier à traduire la Bible en anglo-saxon. Cf. Stimmen ans Maria Laach, 1904, t. LXVI, p. 349.

b) En décrétant l’authenticité de la Vulgate latine, l’Eglise na fait qu’user de son droit. Du reste, elle a été imitée sur ce point par toutes les sectes prolestantes. Quelle est la confession qui n’ait pas eu, de bonne heure, sa version officielle ? Il faut bien reconnaître que dans le passé il s’est produit parmi les théologiens catholiques des opinions excessives svir l’autorité dogmatique de la Yulgate, qui n’ont pas été pour le plus grand bien de la critique biblique ; mais, théologiens et exégètes, du moins les plus autorisés, s’accordent assez aujourd’hui siu" les conclusions suivantes : i » En décrétant que la Yulgate devait être tenue pour authentique dans l’Eglise latine, les Pères du concile de Trente n’ont pas entendu la préférer aux textes originaux, mais seulement aux autres versions latines qui avaient cours au xvi’siècle. 2° Ils n’ont pas voulu davantage définir c[e la Vulgate est en tous points conforme aux originaux, mais seulement qu’il n’y est enseigné aucune ez-reur en matière de dogme et de morale, et qu’en substance elle est une version fidèle de la parole de Dieu. 3" Le concile n’interdit en aucune façon de comparer la Vulgate avec les originaux, hébreu ou grec, ni avec les autres versions, soit anciennes, soit modernes, et de se servir de cette comparaison pour rectifier ce que la Vulgate peut avoir d’obscur, d’inexact ou d’erroné, en tant que traduction. 4"^ L’encyclique Provid. Deus, Dexz. ^^’, 1941, donne clairement à connaître que ce n’est pas rejeter témérairement et avec mépris la Yulgate que de la soumettre à un examen critique. Cf. la revue Etudes, avril 1898, p. 216.

Aussi bien, nos grands interprètes, qui ont écrit depuis le Concile de Trente, ne se sont guère sentis gênés par les prétendues entraves qu’on aurait forgées avec le décret Insuper. On trouve chez eux la

même liberté d’allures vis-à-vis de la version olBcielle que chez leurs devanciers, qui avaient précédé le concile. Il suffit de lire les commentaires de Maldo-NAT, de Jaxsexius de Gand, de Bellarmin, de HocBiGAX, de Patrizi, de Beelex, de Salmerox, etc., povir constater avec quel soin minutieux ils discutent les divergences de la Yulgate d’avec les textes originaux et les autres versions, aliandonnant pai-fois, sans scrupule, la version officielle jDour une autre qui leur paraît mieux appuyée. Cette pratique est devenue courante, au cours du xix’^ siècle, alors qu’une interprétation plus équitable du décret Insuper commençait à prévaloir. L’Eglise n’a pas interdit à Martiaxay, au xvn’siècle, et à Vall.a-Rsi, au xvui’, de tenter une édition critique de la version de S. Jérôme. Martiaxay, Ilieron. opéra, Disina bibliotheca antehac inedita, Parisiis, 1698 ; avec préfaces et additions de Yallarsi, Yerona, 1784 et de Maflei, Venise, 1767. C’est l’édition reproduite dans Migne, P. L., t. XXVIII, XXIX. Sous les yeux de Pie IX, et avec ses encouragements, le P. Vercellone a repris le même travail, Variæ lectiones Vulgatæ lat. Bibl. editionis, Romae, 1860-1864. S. S. Pie X vient de confier à l’ordre bénédictin l’achèvement de cette œuvre que le savant barnabite avait conduite jusqu’aux liA’res des Rois inclusivement. Cf. Revue bibl., 1907, p. 476 ; 1908, p. 169. L’Eglise n’a pas découragé, bien au contraire, les études d’initiative privée destinées à rendre plus facile une nouvelle revision de la Yulgate sixtoclémenline, comme le prouve l’accueil fait aux correctoires publiés par Luc de Bruges, Romanae correctionis… loca insigniora observata, Antverpiae, 1601-1608, et par H. de Bukentop, Lux de luce, Bruxellis, 1710.

Il en est de l’Eglise comme de tout pouvoir public ; par situation elle s’attache, aA’ant tout, à régler les initiatives privées ; force pondératrice, son rôle consiste à contenir dans de justes limites un eff’ort qui, sans cela, serait plus destructeur que fécond. Cette attitude Ais-à-Ais des changements que tout progrès entraîne avec lui, s’impose spécialement à l’Eglise, au nom de la loi fondamentale de son être, qui est fait de tradition. Sa mission est de conserA-er les Ecritures, de les entendre comme on l’a fait dès le début. Dès lors, tout homme de sens comprendra, de prime abord, aA’ec quelles précautions elle doit s’avancer, sous peine de confondre réAolution légitime avcc la réA’olution destructrice du passé : trop facilement, on altère les textes, sous couleur de les rétablir dans leur teneur primitive. Voir, en ce qui concerne la correction à faire de la Vulgate latine, le P. La-GRAXGE, dans la Revue biblique, 1908, p. 102.

Quand il s’agit de sa A-ersion officielle, l’Eglise n’y fait que lentement les modifications souhaitables ; elle sait combien ces changements déroutent les fidèles et même le clergé d’instruction moyenne. Cette attitude AÎs-à-Ais du texte reçu est traditionnelle, S. Augustin en a représenté plus d’une fois les avantages à S. Jérôme. Cf. Migne, P. L., XXII, 566, 834 ; XXXIIl, 290, 291. Aux yeux de l’Eglise, le texte sacré est un instrument d’éducation religieuse, bien plus qu’un objet d’expériences scientifiques. Il est à remarquer qu’une pareille réserA^e dcvait présider à la récente rcvision de la Version autorisée de l’Eglise anglicane. La première règle que s’imposa le comité nommé à cet effet fut « d’y introduire le moins possible de modifications ». Ajoutons que la principale raison de l’opposition faite à cette revision dans des milieux aussi cultiAésque religieux, c’est précisément la liberté avec laquelle, en dépit de la règle susdite, on s’est écarté de la Version autorisée, en plus de 36. 000 endroits, rien que pour le Nouveau Testament. Cf. BuRGOX, Revision revised, 1888, et J. H. Lupto.n,