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CRITIQUE BIBLIQUE

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tiques d’authenticité, elles doivent vérifier deux conditions : d"abord, qu’elles soient de l’auteur inspiré lui-même, et non d’un éditeur ; ensuite, qu’elles soient à comprendre en un sens rigoureusement historique, plutôt qu’en vertu d’une convention littéraire. A défaut de la première de ces conditions, les titres des psaumes n’autorisent pas à attribuer tout le Psautier à David ; et, de même, les titres qui assignent respectivement les trois premiers évangiles à Matthieu, à Marc et à Luc. ne donnent jias le droit, à eux seuls, d’affirmer que les évangélistes ont signé leur œuvre. Cf. Bacuez-Brassac, Manuel biblique, 1908 *-, t. ni, p. !. A plus forte raison, ne faudrait-il pas voir une preuve irréfragaljle d’authenticité dans le titre sous lequel un livre est connu et couramment cité, même par les auteurs inspirés. Il peut se faire que cette appellation n’ait qu’une valeur de convention. C’est ce qui est reconnu par le P. Brucker dans sa défense de l’authenticité mosaïque du Pentateuque, L’Eglise et la critique biblique, igo8, p. 118. — Que l’origine du cjuatrième évangile soit atlirmée par l’évangéliste lui-même, on peut, je crois, le montrer ; mais on n’y réussira qu’en établissant les deux propositions suivantes : L’évangéliste s’identifie personnellement avec le disciple que Jésus aimait ; le disciple bien-aimé est un disciple réel et un apôtre, Jean fils de Zébédée. Cf. Lepix, L’origine du Quatrième évangile, 1907, p. 285-899, ^^ dans la Revue bibl., 1908. p. 84 ; P. Ladeuze, dans Bévue bibl.. 1907, p. 559-585.

Certains livres se donnent pour l’œuvre d’un personnage connu de l’histoire biblique, mais ce n’est là qu’un artifice littéraire ; en réalité, ces écrits sont des pseudépigraphes. C’est vraisemblablement le cas du Cantique des cantiques ; voirP. Jouox, Le Cantique des cantiques, 1909, p. 82. Très probablement, il faut en dire autant de l’Ecclésiaste, d’après les études du P. CoxDAMix, dans la liev. bibl., 1900, t. IX, p. 30 et suiv. Sûrement, la Sagesse n’est pas de Salomon, en dépit de son ch. ix. Faute d’avoir donné une attention suflîsante au genre littéraire des livres Sapientiaux, plusieurs anciens les ont, à tort, attribués en bloc à Salomon. Cf. la lettre cIInnocent I"^ à Exupère, Dexz.’*, 96. — Y a-t-il des pseudépigraphes dans le Nouveau Testament ? La plupart des critiques indépendants répondent par l’allirmative, notamment en ce qui concerne la //> L^etri. C’est une question délicate et complexe, qui n’a peut-être pas encore reçu une réponse définitive ; en tout cas, elle ne saurait être résolue uniquement par des considérations a priori. Au théologien et au criti([ue d’étudier le problème chacun d’après sa méthode, et de le résoudre d’un commun accord. Cf. lievue biblique, 1909, p. 314 ; "Van Noort, De font, revel., 1907, p. 70 ; Ad. Cellixi, Propædeuticd biblica, 1908, 11, p. 222 et 188.

Ce que nous venons de dire de livres entiers, doit s’entendre encore de passages particuliers, quand une exégèse correcte arrive à dégager du texte lui-même son attribution humaine. N’est-ce pas, par excnq)le, le cas de la célèbre prophétie de l’Emmanuel, au chap. VII d’Isaïe ? « Elle y est présentée avec des circonstances et en des termes tels qu’on ferait mentir l’Ecriture inspirée, soit en la déniant à Isaïe, soit en l’assignant à un autre teiiii)s que celui d’une attaque des rois de Syrie et d’Israël contre Juda, sous le règne d’Achaz. Peu importe, au reste, que le prophète ne dise pas expressément qu’il a lui-même rédigé cet oracle, rattril)ution explicite qui lui en est faite par le texte sacré suffit à nous garantir qu’il en est Vauteur, suivant un des vrais sens expliqués plus haut. » J. Bulcker, LEglise et la critique biblif/ue. 1908, p. 80-81.

c) Pour ces raisons, on doit convenir que la théo logie a, elle aussi, son mot à dire dans les questions d’authenticité, cjuand il s’agit des livi-es bibliques ; et qu’au besoin l’Eglise pourrait jeter dans la balance des controverses le poids de son autorité. C’est ce qu’elle vient de faire en ce c}ui concerne le Pentatcuque et le Quatrième Evangile, non pas toutefois par une décision qui soit d’elle-même irréformable. Voir les décrets de la Commission pontificale poiu* les études bibliques, en date du 27 juin 1906, du 29 mai 1907, et encore la propos. 18 dvi décret du S. OlTice Lamentabili, 3 juil. 1907 ; cf. Denz. "’, 1997, 2018, et Bévue bibl., 1907, p. 32 1. Directement, l’Eglise n’a pas mission pour trancher un fait d’ordre historique, tel que l’origine humaine d’un livre, — à moins pourtant que le fait ne se trouve consigné expressément ou équivalemment dans le dépôt de la révélation ; — mais indirectement elle peut être amenée à le faire, ciuand sa fonction de gardienne des Ecritures et de maîtresse de la vérité révélée vient à l’exiger. L’authenticité devient alors un fait dogmatique, et le problème qu’elle soulève constitue une de ces questions mixtes, dans lesquelles le dernier mot doit rester à l’autorité religieuse. Tel est le sentiment commun des écrivains catholiciues, bien qu’ils ne s’expriment pas tous en des ternies identiques. J. Brucker, Z’.£’^//se et la crit. bibl., igo8, p. 81 ; L. Billot, Be inspir. Script. Sacrae, 1903, p. 61 ; et même, si je le comprends bien, Fr. aox Himmelaveh, Exegetiscfies zur Inspirations frage, 190^, p. 111. Jusqu’à ces derniers temps, l’Eglise avait évité d’intervenir dans ces problèmes, dont elle laissait la discussion aux savants catholiques ; elle s’était bornée à protéger par ses décisions le caractère canonique des livres bibliques. L’audace de la négation, qui en est venue à soutenir des erreurs monstrueuses {port enta erroruni dit l’Encycl. Prov. Deus), l’emmêlement des questions et aussi, on peut le croire, le désarroi jeté dans l’opinion catholique par des controverses auxquelles le public n’était pas préiiaré ; toutes ces causes réunies ont amené l’autorité ecclésiastique à s’avancer sur ce terrain.

Les règles à suivre pour déterminer critiquement à quel auteur il convient d’attribuer un livre de la Bible ne diffèrent pas de celles qu’on emploie quand il s’agit d’ouvrages profanes. Si l’autorité ecclésiastique intervient dans ces questions, elle le fait au nom de la mission religieuse qu’elle tient de Dieu ; les garanties scientificques dont elle s’entoure peuvent l)ien mettre de son côté la prudence et donner à sa décision une autorité d’ordre humain, mais elles n’en constituent jjas la valeur propre, ni le caractère distinctif. Il est vrai que parfois les décisions ecclésiasticiues concernent bien moins les conclusions elles-mêmes, pour les déclarer incompatibles avec le dogme ou la doctrine catholique, que la valeur des arguments d’ordre scientifi<pie que l’on a fait valoir pour ou contre ces mêmes conclusions. C’est ainsi cpie le décret de la Commission pour les études bibliques, en date du 29 juin 1908 (Dub. 4), déclare que l’argument iihilologique tiré de la langue et du style, pour contester l’attrilnition de tout le livre d’Isaïe à un seul et même auteur, ne doit pas être estimé tel ([u’il contraigne un homme grave, versé tians l’art de la critique et de la langue hébraïque, à reconnaître que ce livre est l’œuvre île plusieurs auteurs. Telle est encore la portée du décret au sujet de l’origine du Pentateuque, du moins en ce qui concerne le Dubiuni i. Pour se rendre compte de cette manière d’envisager la question, il ne faut l)as perdre de vue que le magistère ecclésiastique, tout comme la théologie, ne veille pas seulement sur l’objet de notre foi, mais aussi sur les motifs que nous avons de croire. L’appréciation de ces motifs, encore