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CRITIQUE BIBLIQUE

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reconnaître maintenant avec précision dans le texte biblique ?

3° Plus nombreux et plus significatifs, dans les questions d’authenticité, sont les indices fournis par l’analyse du contenu même des textes. Des traits historiques : événements, institutions, doctrines, mœurs, etc., des indications géographiques permettent parfois de situer un document ; tout ou moins, de marquer un terme au delà dmjuel on ne saurait le reculer. Une expression peut, à elle seule, révéler une époque ou un pays. Il est bien connu, l’argument de ceux qui voient dans la locution éber hayrarden (de l’autre côté du Jourdain), pour désigner la région à la rive gauche de ce fleuve, une preuve que les livres où elle se lit, le Deutéronome par exemple, ont été composés en Palestine, c’est-à-dire à la rive droite du Jourdain ; et donc longtemps après Moïse. L’argument capital de l’hypothèse de J. Wellhausex sur la composition de l’Hexateuque après l’exil est que ces textes supposent des institutions, notamment l’unité du culte et du sanctuaire, qui n’existaient pas encore chez les Juifs avant l’exil. Ce genre d’argumentation vient d’être transporté sur le terrain où l’on discute le problème des Evangiles. M. Loisy, et l’école dont il se réclame, prétendent que la tradition évangélique représente un état de choses postérieur à Jésus-Christ.

L’emploi du critère interne est une arme à deux tranchants, on s’en sert pour démolir et pour édifier. Il a permis à ^V. Palky, Iloi-æ paiilinae, i~go, d’établir victorieusement l’authenticité du livre des Actes et des Epitres de S. Paul. L’auteur fait voir, jusqu’à l’évidence, que ces textes se supposent les uns les autres, et cela dans de telles conditions concrètes qu’on ne saurait faire, pour en expliqiier la composition, l’hypothèse d’une « forgerie ». D’autre part, on sait que dans beaucoup d’autres questions la haute critique n’a pas donné des résultats aussi heureux. Qu’il s’agisse de la Bible ou d’un document profane, on peut dire, d’une façon générale, qu’il y a danger à vouloir dater un texte par la seule analyse de son contenu, surtout si l’on demandait au procédé une preuve exclusive. Le péril est de fermer les j^eux ou de les ouvrir, au cours de cette analyse, au gré d’une théorie faite d’avance. L’esprit de i)artialité est particulièrement à craindre en matière d’Ecriture Sainte, à cause des influences plus noml)reuses et plus subtiles qui s’exercent ici sur nos jugements ; surtout quand il s’agit de déterminer les points de repère, par rapport auxquels on prendra ses positions ultérieures. Une fois admis qu’avant le roi Josias l’unité de sanctuaire n’existe chez les Hébreux ni en fait, ni en droit, il va de soi que tout Uvre dans lequel cette unité est expressément atUrmée ou supposée, ne saurait être antérieur au vu’siècle. Mais le point de départ est contesté. Cf. A.V.vn Hooxacker, Le lieu du culte, iSg^J. Si Jésus-Christ n’a entendu prêcher qu’un royaume eschatologique, il va de soi que la conception de l’Eglise, telle que nous l’entendons, ne saurait remonter jusqu’à lui ; et donc les enseignements mis à ce sujet par les Evangélistes sur ses lèvres sont sans valeur historique. Mais, le point de départ est erroné. Cf. Mgr B.tiikol, Jésus et l’E<ilise, dans le Bulletin de /.Ht. ecclésiastique (Institut, cath. de Toulouse), kjo/J, p. 27.

h) Les résultats donnés directement par la critique interne du document biblif|ue sont d’autant plus sujets à caution que le contrôle à attendre ici des documents profanes se trouve extrêmement réduit. L’histoire du peuple juif se puise presque exclusivement dans nos textes canoniques. Flavics JosiiiMii- : lui-même n’a guère eu d’autres sources, excepté pour 1 époque de la conquête romaine, de Pompée à Titus. Il est

vrai que, depuis un siècle, des découvertes faites en Egypte et en Mésopotamie ont apporté à l’histoire de l’antique Orient des ressources inattendues ; mais les points de contact fermes entre l’Ancien Testament et cette littérature, qui présente encore tant de lacunes, sont très espacés, et parfois moins fermes qu’on ne l’avait pensé tout d’abord. Il s’en faut que tous les archéologues fassent ici preuve de la même contiance que M. le professeur S.^yce, Tlie liigher Criticism and tlie verdict of tlie Monuments, 1894. Cf. L. W. KiNG and H. R. Haal, Egypt und Western Asia in the lighi of récent discoi-eries, 1907 ; Driver, Modem Researcli as illustrating the Bible, igog ; et siu-tout l’article Babyloxe et la Bible dans ce Dictionnaire.

— Bien que le Nouveau Testament se soit produit dans un siècle littéraire entre tous, il faut bien convenir que ses points d’attaché avec la littérature profane sont moins nombreux qu’on n’aurait pu l’attendre ; ils se bornent à une phrase jetée en passant dans Tacite et Suétone, et à deux ou trois passages un peu plus développés dans Josèphe et Pline le Jeune. Au siècle qui précède notre ère, on rencontre bien quelques apocryphes juifs, le livre d’Hénoch par exemple ; mais si ces productions éclairent d’un certain jour le milieu doctrinal dans lequel l’Evangile a été prêché tout d’abord, elles restent sans attache littéraire avec sa composition. Avec le second siècle de notre ère commence une littérature chrétienne, mais elle dépend elle-même des Evangiles et des Epîtres.

c) A n’envisager les choses qu’en historien, que vaut le témoignage traditionnel sur l’authenticité des Livres Saints ? Dans son ensemble, le Nouveau Testament se présente incontestablement dans de bonnes conditions ; mais l’Ancien donne lieu à des controverses plus épineuses. En définitive, tout se ramène ici à une tradition juive dont l’âge et la Aaleur ne se laissent pas démêler facilement. Il est possible que le P. DE Hlm.melauer, Civiltà cattolica, 16 mai 1908, p. 4^3, et Exegetiches zur Inspirationsfrage, 1904. p. 87, ait déprécié outre mesure cette tradition, comme le croit en effet le P. Méchineau, L’idée du Livre inspiré, 1908, p. 67-64 ; mais il faut bien lui accorder qu’à moins de simplifier à l’excès le problème, une démonstration purement historique ne va jjas, sur ce terrain, sans de sérieuses dilïicultés.

Ces observations ne sont pas pour rendre sceptique à l’endroit des résultats obtenus ou espérés, mais elles donneront peut-être à comprendre que la critique biblique est tenue à plus de réserve que la critique profane. On peut penser qu’il y a dans cet état de choses une des raisons pour lesquelles Dieu n’a pas voulu qu’au sujet de la Bible nous fussions réduits aux seules ressources de la critique historique.

III. Chitioie littku.vire des Livres S.ints. — Elle envisage l’authenticité, les genres littéraires et les sources.

I. Authenticité. — o) On entend par là l’origine humaine du document biblique : l’auteur, le lieu et la date de sa composition ; quant à son origine divine, elle constitue l’inspiration, qui prend un caractère de canonicité avec la reconnaissance ollicielle de l’Eglise. Voir Canon L’histoire peut bien faire la preuve qu’à partir d’une épocjue donnée on a cru communément dans la Synagogue ou dans l’Eglise que tel livre était inspiré de Dieu ; mais la réalité même de cette inspiration ne peut être connue, du moins avec certitude, que par quehiue révélation divine. D’où il suit que les questions de canonicité sont avant tf)ut d’ordre dogmatique. Au contraire, la critique littéraire se trouve sur son terrain propre dans les questions d’authenticité.