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CRITIQUE BIBLIQUE

avec plus ou moins de précision. Les études entreprises, de ce point de vue, sur le Pentateuque n’ont pas été aussi infructueuses que beaucoup le pensent. Le P. Brlckf.r, L’Eglise et la crif. bibl., 1908, p. 152, convient « qu’il paraît difficile de ne pas admettre, avec des critiques aussi modérés que savants (tels que M. Ed. KoEMG, Einleit. in das A. T., 1898, p. 228). que certaines différences entre la langue de « l’histoire jéhoviste » et celle du « code sacerdotal v prouvent, non seulement une diversité de mains, mais encore une diversité d’époques ». C’est pourquoi, sans doute, la Commission pour les études biblicjues a autorisé l’hypothèse de la composition par secrétaires (Dexz. 10^ 1998) ; et l’auteur, qui vient d’être cité, suppose en outre « que les principaux documents dont se compose le Pentateuque ont assez longtemps existé chacun à part, et, durant cette existence indépendante, ont suivi (dans une mesure inégale) les variations de la langue du peuple qui lui demandait son instruction » (p. 153).

Cependant, sans méconnaître les progrès que Gesenius, Kautzsch, EAvald, Konig et tant d’autres ont fait faire à la connaissance de la langue hébraïque, on peut trouver que, sur ce ten-ain, les ressources de la critique sont plutôt restreintes. En dépit de l’appoint très réel apporté par les inscriptions découvertes en Palestine et en Phénicie, par le déchiffrement de la langue assyro-babjlonienne et, plus près de nous, par la publication des papyrus araméens trouA’és en Egypte, l’histoire de l’hébreu ne se laisse pas encore écrire avec la précision que comportent nos langues classiques. La littérature hébraïque tient tout entière dans la Bible, et l’induction sur laquelle on fonde l’âge des formes et le sens des mots, résulte souvent d’un petit nombre d’observations. On parle, il est vrai, d’hébreu classique et de néo-hébreu, en entendant par cette dernière dénomination la langue aramaïsante d’après l’exil, qui se rencontre dans Esdras, Esther, Daniel, les Paralipomènes, etc. ; et encore, au sentiment de plusieurs, dans l’Ecclésiaste et le Cantique des cantiques. Est-ce à dire qu’on soit autorisé à dater d’avant l’exil, tout livre rédigé dans l’hébreu classique ? La découverte du texte original de l’Ecclésiastique montre assez qu’il faut faire à cette question une réponse négative. Par contre, on n’est pas peu déconcerté en constatant que les plus anciens morceaux de la littérature hébraïque, le cantique de Débora par exemple, Judic. v, présentent des particularités, qui semblent bien caractéristiques du néohébreu. Ici, on se demande naturellement dans quelle mesure la recension actuelle, celle des Massorètes, représente la langue originale de ces livres auxquels tant de générations ont demandé d’édifler leur piété et d’exalter leur patriotisme. Il est souverainement vraisemblable que, pour maintenir la Bible en contact avec la masse de ses lecteurs, on en aura rajeuni continuellement la langue. Ces altérations, surtout si elles ont été faites inégalement et à plusieurs reprises, rendent laborieuse et assez précaire la preuve philologique .

En passant au Nouveau Testament, ou met le pied sur un terrain plus ferme et mieux exploré. La critique textuelle a réussi à en reconstituer le texte primitif avec assez de précision et de certitude pour airu-mer que le doute ne plane plus guère que sur la millième partie de son contenu. Westcott et Hort, The y. T. in the original greeh, 18go, Text, p. 56 1. En outre, le grec du Nouveau Testament est incomparablement mieux connu que 1 hébrevi. Il n’est, en définitive, que la langue vulgaire parlée couramment dans le monde gréco-romain, au i’^ siècle de notre ère. Nous avions déjà dans la version des Septante et dans plus d’un auteur profane des points de compa raison très précieux pour l’intelligence de ce dialecte ; mais la publication récente des papyrus et des ostraca trouvés en Egypte vient de jeter une lumière nouvelle sur le sujet. On peut penser que l’enthousiasme et la séduction de brillantes hypothèses ont amené A. Deissmaxx et J. H. Moultox à s’exagérer quelque peu la portée de ces découvertes ; mais il n’est pas permis d’en méconnaître l’importance ; elles réduisent considérablement le nombre des sémitisuies du Nouveau Testament. Cf. A. Deissmaxn, Bihelstiidien, 1890 ; Xenhibelstudien, 1897 ; ^Yeir Light on the N. T., 190 ;  ;  ; The Philology of the greek Bible, 1908 (ces deux derniers ouvrages ont été traduits en anglais par R. M. Strachan sur le manuscrit de l’auteur) ; Licht voni Osten, 1908. J. H. Moclton, A graniinar of the X. T. greek, igo6.

En comparant entre eux les différents livres du N. T., au point de vue de la langue et du style, on est arrivé, sans peine, à en faire plusieurs groupes : les évangiles synoptiques, les écrits johanniques, les épîtres de S. Paul, etc. Néanmoins, les caractéristiques sur lesquelles se fondent ces groupements ont paru à certains si peu frappantes qu’ils estiment impossible d’attribuer à un même auteur le quatrième Evangile et l’Apocalypse, le troisième Evangile et les Actes, l’épître aux Romains et celle aux Ephésiens. Ils perdent de vue, sans doute, que le vocabulaire et le style d’un auteur ne sont pas de tous points invariables, qu’ils se ressentent de l’âge, du sujet traité et de beaucoup d’autres circonstances, malaisées à définir. Ceux-là mêmes qui admettent l’unité littéraire de toutes les épîtres pauliniennes, conviennent qu’âne considérer que la forme on peut, avec quelque fondement, les distribuer en quatre groupes : Thessal. — Gal., Cor., Rom. — Philip., Colos.. Ephes., Philem. — Tit., Tint. Cf. W. Sanday, On the epist. to the Romans. 1897, p. liv. — Des travaux comme ceux de Dalmax, de Haavkixs, de Resch et de Har-XACK sur l’histoire d’un certain nombre de mots du Nouveau Testament, font assez voir à quel degré de précision une analjse minutieuse peut arriver.

A la preuve philologique, se rattache celle que l’on demande à la stylistique. Commencées avec les travaux de LoAVTH (17^3) sur le parallélisme poétiqtie chez les Hébreux, les études concernant la forme plasticpie de la poésie hébraïque se sont beaucoup étendues depuis quarante ans. On a progressiA’ement envisagé la métrique (Bickell, Briogs. Sievers, Ley), le rythme (H. Grimme, RoxnsTEix), et la strophique (Zexxer, D. h. MiELLER. Perles, Bcdde, Coxdamix, Hoxtheim). Plusieurs points de la stylistique, et non des moindres, font encore l’objet de chaudes controverses. C’est ce dont témoignent les ouvrages de Ed. KoEXiG, Stilistik, Rhelorik, Poetik, etc., 1900 ; Die Poésie des A. T.. 190’] !. Quand les spécialistes qui s’occupent de la question se seront mis d’accord, la critique biblique fera son profit des réstiltats acquis de leurs recherches. En attendant, pour se rendre compte des services que la strophique peut rendre à la critique du texte et à l’exégèse, il suffit de lire la section d’Isaïe xl-xlvi, qui concerne le « Serviteur de lalivé », dans le P. Coxdamix, Le livre d’Isaïe. igo5, et Rev. bibl., i"^ avril 1908.

2" Pour les littératures profanes, on dispose, du moins assez souvent, des textes ayant servi de sources et qui existent encore à part. Il est aisé de dire dans quelle mesure Zonaras dépend de Dion Cassius, il n’y a qu’à comparer le texte de 1 abréviateur avec celui de l’historien. De semblables constatations sont malheureusement impossibles quand il s’agit de la Bible. Le Pentateuque, les Rois, les Macchabées, etc. ont été composés avec des écrits préexistants ; mais toutes ces sources ont disparu. Le moyen de les