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CRITIQUE BIBLIQUE

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l’autre ; pourvu cependant que cette réaction n’implic |ue pas une pétition de princijjc. Ici le péril est grand, et ils ne l’ont pas évité, ceux qui prétendent dégager des Evangiles une histoire de Jésus et du mouvement clirétien primitif, pour expliquer ensuite par cette histoire même la composition des Evangiles. Voir plus haut, I, 3, e, et Rc’ue pratique d’Apologétique, t. VI, p. 807.

b) C’est de l’abus du critère interne et d’une défiance instinctive à l’égard de la tradition que résulte « l’hypercriticisme ». MM. Laxglois et Skigxobos, Introd. aux études historiques, i. 107, fonljustcment observer que l’hj’percriticismeest à la critique ce que la finasserie estàla finesse ; maisils le caractérisent d’une façon très incomplète en disant que « c’est l’application de la critique à des cas qui n’en sont pas justiciables >-. Même en des matières qui comportent un examen méthodique, on tombe souvent dans l’hypercriticisme à cause du tour systématique, partial et exclusif que l’on a donné à son esprit. A force de se défier de la tradition courante et de l’instinct de crédulité, on se prend à tout soupçonner ; sans se douter du reste qu’à cause de cette disposition morbide, native ou acquise, on est souvent soi-même victime de la mystification et de l’idée fixe. Il faut savoir s’arrêter à temps, sous peine de fausser compagnie au bon sens ; la correction de l’ensemble autorisant, au besoin, à fermer les yeux sur certaines diflicullés de détail. On reste déconcerté devant les phénomènes de grossissement prodigieux dont l’œil de l’hypercritique est capable. Cf. J. B. Ligutkoot, The Apostolic Fathers, S. Clément of Rome, I, i (1890), p. 35^. De vrais savants en Aiennent à soutenir avec une opiniâtreté sereine des conclusions dont le premier venu, même s’il n’a pas de connaissances spéciales, sent l’invraisemblance. Voilà bientôt dix ans que M. le professeur Cheynf. s’applique, en toute occasion, à faire du petit clan des Jérahméélites, passé jusqu’ici inaperçu, le pivot de l’histoire des Hébreux, et même des Sémites en général. The Jerahmeel theory, dans Ilihhert Journal, oct. igo8, p. 182. Dos Assyriologues de valeur, tels que Jenskn, ^Vl^cKIJ : u et Jeuemias, semblent être obsédés du cauchemar panbabylonien ; ils découvrent partout, jusque dans le N. ï., des infiltrations de la mythologie assyro -babylonienne. M. Loisv s’est tellement persuadé que le christianisme primitif, celui qui remonte à Jésus en personne, n’a pas pu être tel que les Evangélistes nous le représentent, qii’après aA’oir nié l’iiistoricité du Quatrième Evangile, il en est venu, assez logiquement du reste, à diminuer, tous les jours davantage, l’élément historique des Synoptiques eux-mêmes. Aujourd’hui, il conteste l’historicité des paroles : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». lievue critique, 13 mai 1909, p. 37g. Sur cette voie, il n’est encore qu’à mi-chemin ; d’autres l’ont devancé, en mettant en question l’existence même de Jésus. Cf. Fii.i.iox, L’existence historique de Jésus et le rationalisme contemporain, 1909. M. Salomon Reinach, lievue de l’Iiist. des religions^ 1905, t. LII, p. 264, avance sérieusement que la crucifixion de J.-C. n’est pas un fait historique, mais une légende suggérée par un verset du psaume xxi, 17. Cf. LoisY, Quelques lettres sur des questions actuelles, 1908, p. 2^1, 28^. Au récent congrès de l’histoire des religions, tenu à Oxford, en sci)tcml)re 1908, M. P. Hali’T, professeur à l’Université de Baltimore, a soutenu ([u’il n’est pas certain que J.-C. fût juif de race. Voir Transactions of the third internat. Congress for ttie hislory of religions, 1908, ]). 303. E. llenan attribuerait sans doute ces résultats et la mentalité dont elles témoignent à la subtilité ». Or, d’après lui, « on ne guérit pas de la subtilité. On peut reconnaître qu’on.s’est faussé l’esprit, mais non le redresser ». Et

puis, ajoxite-t-il, < la déviation a tant de charme et la droiture est si ennuyeuse qu’en vérité, si j’étais à reconunencer, jela préférerais peut-être encore… Cela prouve que je suis perverti. Mais qu’y faire ? » I^atrice, dans la Revue des Deux Mondes, 15 mai 1908, p. 284. c) C’est contre ces abus, auxquels peut mener l’emploi exclusif du critère interne que nous met en garde l’encyclique Prov. Deus. « Ceux qui sont appelés à enseigner les saintes Lettres devront être particulièrement habiles et exercés dans la vraie critique ; car il y a un art pervers et funeste à la religion qu’on a décoré du nom de haute critique, qui consiste à juger par les seuls arguments internes, comme on dit, de l’origine, de l’intégrité et de l’autorité de chaque livre. Il est évident, au contraire, que dans les questions historiques, telles que celles de l’origine et cle la consei’vation des livres, les témoignages de l’histoire l’emportent sur les autres, et doivent d’abord être recherchés et discutés ; quant à ces raisons internes, elles n’ont pas tant de valeur, en général, qu’on puisse les invoquer ici, si ce n’est par manière de confirmation. Que si l’on en agit autrement, il en résultera, sans contredit, de grands inconvénients. Car, les ennemis de la religion n’en auront que plus d’assurance pour attaquer et mettre en pièces l’authenticité des saints Livres ; et ce genre de critique ti-anscendante qu’ils exaltent aboutira finalement à ce que chacun suivra dans l’interprétation son goût et son opinion préconçue ; dès lors il n’en résultera ni cette lumière que l’on cherchait pour éclaircir les Ecritures, ni aucun profit pour la science, mais on verra se manifester ce caractère certain d’errem*, qui est la variété et la diversité des opinions, dont les chefs de cette nouvelle école sont eux-mêmes un exemple ; de là aussi, comme la plupart d’entre eux sont imbus des préjugés d’une fausse philosophie et du rationalisme, ils ne craindront pas d’éliminer des saints Livres les prophéties, les miracles et tout ce qui dépasse l’ordre naturel. » Cf. Denz. <", 1 9^6. Pour ne pas donner à ces paroles un sens excessif, qui n’était certainement pas dans la pensée de Léon XIII, il con-Aient de les faire suivre d’une observation de Mgr MicixoT :

« Il ne faudrait cependant pas juger du système

d’après les exagérations. Prendre toutes les imaginations, les billevesées des critiques, en dresser le tableau synoptique, le montrer à un public incompétent et lui dire : voilà la science, voilà à quelles inepties arrivent les grands noms de l’exégèse, serait ime sottise, une franche maladresse, un déloyal escamotage. Il serait aisé à nos adversaires de nous rendre la pareille, s’ils avaient la fâcheuse idée de faire un cornpendium de toutes les affirmations fantastiques de nos moralistes et de nos commentateurs. Beaucoup de savants abusent du texte sacré, le tordent en tous les sens, lui font dire ce qu’il n’a pas dit, laissent dans l’ombre ce qui les gêne, décident du sens d’après des idées préconçues, j’en conviens volontiers ; mais, malgré ces réserves, il faut bien reconnaître que l’œuvre élcveeparla criticpie est très puissante, qu’on n’en aura pas raison avec quelques plaisanteries ou des fins de non-recevoir sans portée. » Lettres sur les études ecclésiastiques, 1908, p. 266.

f. Les ressources de la critique sacrée. — Pour résoudre les questions qui concernent l’origine des Livres Saints, on dispose du texte, des documents I)rofanes qui lui sont parallèles, et du témoignage traditionnel.

a) u texte on demande la preuve philologique, la preuve littéraire et la preuve historique que le critcr (> interne i)cut dégager de son contenu.

1" Nous venons de dire qu’en étudiant la langue et le style d’un docununt. on arrive parfois à le dater