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CRITIQUE BIBLIQUE

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philosophes envisagent sous le nom de Logique majeure ou de Critériologie.

La critique biblique n’est qu’une branche de la critique historique, et celle-ci, à son tour, fait partie de la critique générale. Appliquée à la Bible, la critique est l’étude méthodique des voies et des moyens dont Dieu s’est servi pour communiquer avec les hommes par écrit. Les textes bibliques, encore qu’ils soient inspirés de Dieu et, à ce titre, divins, n’en restent pas moins des documents historiques, écrits en des lieux et des temps déterminés, rédigés en une langue liumaine, s’adressant immédiatement à des hommes, ([ui, en beaucoup de choses, différaient de nous, composés d’après un plan et avec un but très définis, etc. En outre, ces textes ne datent pas d’hier ; avant que de nous arriver, ils ont franchi bien des siècles ; comme leur composition, leur conservation a pareillement son histoire. Or, la critique biblique est aujourd’hui « un examen de ces textes fait à la lumière des découvertes récentes avec toutes les ressources historiques, scientifiques, linguistiques et autres mises à notre disposition par les progrès constants de l’érudition contemporaine ». MgrMiGXOT, Lettres sur les études ecclésiastiques, 1908. p. 243, 2/46. Une fois cpie le critique croyant a acquis la certitude quun texte fait réellement partie intégrante de la parole de Dieu écrite dans la Bible, et que ce texte est à comprendre dans tel sens, il ne se reconnaît pas le droit den contester la vérité, connue il pourrait le faire s’il s agissait d’une parole purement humaine. Tout le travail de la critique biblique est donc préliminaire à la foi. Ses résultats n’ajouteront rien à la certitude de nos croyances, mais ils nous mettront à même de mieux savoir les motifs que nous avons de croire. Du moins, c’est à cela que la critique doit normalement aboutir. Il y a longtemps que S. Jérôme en a fait l’observation pour se défendre contre des adversaires qui l’accusaient d’avoir porté une main téméraire sur la parole de Dieu, parce qu’il avait revisé la version latine des Evangiles d’après le texte grec authentique. « Voici ma réponse, écrit-il : Je ne suis pas assez sot pour prétendre corriger quelque chose des paroles du Seigneur, ou encore pour soustraire quoi que ce soit à la divine inspiralion ; j’ai voulu seulement ramener à l’exactitude de la source grecque, reconnue de tous, des manuscrits latins, qui diffèrent manifestement les uns des autres. » Ad Marcell. epist., xxvii, 1 ; P. L., XXII, 43 1.

On entend dire parfois que la critique a la prétention d’expliquer la Bible d’après les sciences, et, par conséquent, de contrôler la parole divine par la parole humaine. L’objection se fonde sur une équivoque, qu’il importe de dissiper. Un croyant ne doit jamais donner le démenti au texte inspiré, ni lui faire violence, aussi souvent que celui-ci présente un sens certain et parfaitement clair, surtout quand il se trouve garanti par une interprétation authentique. Si, d’aventiu’e, l’alfirmalion du texte sacré ne paraissait pas couipatible avec les données certaines de quelquc science humaine, il ne resterait plus au critique croyant fque d’avouer rinq)uissance où il est de faire voir qu’il y a accord positif entre sa foi et sa raison, et d’attendre des conditions meillevu-es pour surmonter la dilliculté. Mais, aussi souvent que l’interprétation du texte biblicpie ne se présente pas avec cette certitude indiscutable, il est permis de se demander s’il a été bien compris, si le conflit prétendu entre la Bible et la science ne viendrait pas précisément de ce que l’exégèse courante n’est pas correcte. Si, dans ce cas, nous devons aux progrès de l’histoire, de l’archéologie et de la linguistique une meilleure intelligence du texte, ce n’est pas la parole de Dieu qui cède devant la critique, mais un sens’que l’on avait, à tort, donné à la parole de Dieu. Du reste, que l’exégète puisse et doive profiter de toutes les ressources que la science de son temps lui fournit, c’est un précepte élémentaire de l’herméneutique sacrée, formulé et expliqué, tout au long, par S. Augustin, dans les livres II et III de son beau traité De Doctrina christiana, P. L., XXXIV, 16-121.

2. Terminologie, définitions et divisions. — La terminologie de la critique biblique est encore loin d’être uniforme. Les Allemands et, à leur suite, les Anglais parlent volontiers de haute critique (hôhere BibeUritik, higlier criticism). d. HildebrandlIoEPFL, O. S. B., Die Iioltere Bibelkritik, 1902. Ils entendent par là ce que les humanistes appellent critique littéraire et critique historique. Elle comprend toutes les questions concernant l’authenticité et le contenu du livre : l’auteur, l’époque, le milieu, le genre littéraire et surtout les sources auxquelles faits et doctrines ont été puisés. L’expression corrélative serait naturellement basse critique (et beaucoup disent en effet niedere Kritik, lo^fer criticism) pour désigner la critique textuelle, celle qui a pour objet de restaurer les textes dans leur teneur originale. Elle comprend l’histoire des manuscrits : leur âge, leur généalogie, leurs tendances ; elle relève les variantes, recherche comment elles se sont produites et sous quelles influences. Cf. C. R. Gregory, Canon et Text of the A’e »’Testament, 1907, p. i-3.

La division et surtout la dénomination de haute et de basse critique restent discutables. « Il peut sembler, au premier abord, qu’il n’y ait pas d’inconvénient à établir une distinction semblable, car il s’agit, en apparence tout au moins, de deux ordres de travaux que l’on peut aisément sépai-er. Mais, en réalité, à mesure que la science a progressé, ce partage est de-A’enu plus ou moins illusoire. En effet, les problèmes relatifs à la composition d’un livre ou de telle de ses parties, à l’auteur ou aux auteurs présumés, à l’époque ou aux circonstances de la rédaction, etc., sont constamment solidaires des questions que soulève l’examen du texte ; et, la plupart du temps, il est difficile de les traiter indépendamment les unes des autres. De plus, les termes de haute et de basse critique semblent attribuer une importance plus gi-ande et conférer une dignité supérieure à l’une des deux branches de la même science, et cela sans motif sufllsant. » L. Gautier, Introduction à l’A. T., 1906, t. II, j). 533.

— J. G. Eichiiorn, Einleit. in das Alte Test., l’jS’j ; préf. de la 2^ édition ; Jahx, Anintrod. to the Old Testament, 1804 (english transi.), p. 167, parlaient déjà de’( haute critique ». En 1807, Rexax, Etudes d’histoire religieuse, p. 77, définissait le rôle de la « grande critique ». CL WF.rzER-Kxvi.F.y, Kirchenlexicon, 1891, VII, 1998-1202. On donne encore à la critique textuelle le nom de « philologique », cf. Littré, Die t. de la langue franc., I. p. 903, col. 3. Dans la Grande Encyclopédie, M. Waltz parle de critique u ecdolique » (ÈxooTcxoi, éditorial). A. Sabatier, Encyclop. des sciejices religieuses, art. « Critique sacrée », ne connaît que la critique verbale et la critique historique. Du temps de Richard Simon, le mot de critique, au sens où nous l’employons couramment aujourd’hui,

« n’appartenait pas encore tout à fait au bel usage ».

Histoire critique du Vieux Testament, iG85, vers la fin de la Préface.

Chez les Protestants, en Angleterre surtout, les termes de higlier criticism et de higher critics ont donné lieu à une confusion. En dépit de la valeur étymologi<[ue des mots et de l’exigence des définitions, on s’en sert couraunnent pour qualifier une tendance, un courant théologique, une école moderniste, qui se serait donné la mission de détruire, au