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CRITIQUE BIBLIQUE

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côté ; c’est à la vérité du contenu de ces livres qu’ils s’en prenaient. Quant au problème littéraire : comment les Livres Saints avaient été composés, c’est un point sur lequel l’attention des anciens ne paraît pas s’être arrêtée. S. Acgustix a consacré quelques lignes seulement à la question des évangiles synoptiques, que les modernes discutent depuis un siècle. Cf. De cons. Evangelist., i, ii, 4 ; P- L., XXXIV, io44- Un certain nombre de Pères ont, en passant et d’un mot, représenté Esdras comme le k restaurateur x des Ecritiu’cs ; mais ils étaient bien loin de poser la question des origines de l’A. T., comme on le fait aujourd’hui. Cf. Fr.DE HuMMELAUiîR, Comment, in Deuteron., igoi, p. g. OuiGÈNE, S. JÉRÔME et S. Augustin avaient, il est vrai, relevé dans la Bible des différences de style, que volontiers ils mettaient au compte du génie particulier et du milieu des hagiographes ; en exégètes délicats, ils tenaient compte de ces constatations pour mieux interpréter les textes, mais ils ne s’étaient pas avisés d’en faire un point de départ pour dater leur composition. S. Jérôme sait que plusieurs, avant lui, ont contesté Tautlienticité de l’épître aux Hébreux et de la II<’de Pierre, à cause de la dilliculté qu’ils trouvaient à les attribuer respectivement à S. Paul et à S. Pierre, « propter styli sermonisqiie dissonantiam >’. De ir. ill., i-v, P. L., XXIII, 609-617 ; toutefois, il ne semble pas que ces oppositions faites au nom du critère interne aient tenu beaucoup de place dans les controverses des anciens. Or, c’est précisément aux indices révélateurs, fournis par les textes eux-mêmes, que les critiques modernes se sont attachés. Ils ont prétendu trouver sur ce terrain un point d’appui suffisant pour contrôler et, au besoin, réformer le témoignage de la tradition au sujet des origines de la Bible.

c) C’est surtout par ce dernier aspect que la critique biljlique est moderne ; mais, même envisagée de la sorte, elle a été précédée d’une époque de préparation. Déjà, lors du concile de Vienne (1311), Clément y avait érigé des chaires de langues orientales dans les principales Universités : Rome, Paris, Oxford, Salamanque, Bologne. L’humanisme du xv* siècle provoqua, par contre-coup, un renouA-eau des études bibliques. Sur ce terrain, les premières recherches des savants chrétiens, qui s’étaient mis à l’école des rabbins, furent d’ordre philologique ; on fit des grammaires et des dictionnaires de la langue hébraïque. Qu’il suffise de rappeler les noms de J. Reuchltn (~ 1622), et du dominicain Xantes-Pagnixi (~ 1541). Avec la connaissance de la langue originale, l’ambition vint à plusieurs de traduire à nouveau l’A. T. ; du côté des protestants : Osiander, Munster, Casta-Lio, etc. ; du côté des catholiques : Xaxtes-Pagnixi, Cajetan, Arias Montanus, Malvenda, Isidore Cla-Rius. Puis, on imprima sur colonnes parallèles les textes el les versions ; en l’espace d’un siècle (15141 65-) parurent successivement les polyglottes d’Alcala (XiMÉNÈs), d’AuA’ers (Arias Montanus), de Paris (J. Mohin), de Londres (Walton).

Pendant la seconde moitié du xvi’siècle, on reprend, avec plus d’ardeur que jamais, le travail commencé par Erasme (-J- 1536) : la comparaison des manuscrits, l’amendement des versions d’après les textes originaux, à l’effet d’obtenir un texte grec du N. T. plus correct et une version latine plus fidèle. Les éditions du texte données successivement pai* Robert Estienxe et par Th. de Bèze devaient aboutir au Textits receptiis de 1633 ; tandis que les éditions de la vulgate latine du même Robert Estienne et de J. Henten allaient permettre aux rcviseurs romains de préparer la bible dite Sixto-Clémentine (1692). — La critique du texte de l’A. T. eut son tour, mais avec des résultats plus modestes. Les travaux de Louis

Cappelle, Critica sacra, 1650, des deux Buxtorf (le père ~ 1629 et le fils y 1664), de J. Morin et de Vossius se bornaient à des remarques philologiques ; on y disputait encore sur la question de savoir si dans le texte des Massorètes les points-voyelles étaient inspirés ou non. — La critique textuelle de la Bible était fondée, mais elle devait attendre presque deux siècles avant d’avoir une méthode et un champ d’observation suffisant. Voir Textes bibliques (Critique des). A cette même époque se rattache la publication des Critici srtc/v’(1660), dans laquelle les anglais Jean et Richard Pearsons ont réuni les principaux commentaires protestants. Il convient de mentionner encore les Horæ hebr. et talmudicæ de J. Lightfoot (t 16, 5).

Ces premières recherches sur l’A. T. avaient fait toucher du doigt la nécessité d’étudier les langues apparentées avec l’hébreu. Ce fut l’origine de l’orientalisme en Occident. On se mit à étudier, plus que par le passé, le syriaque et l’arabe. Les deux foyers les plus actifs de l’orientalisme furent Leyde et Paris ; en Hollande : Erpenius (y 1624), Louis de Dieu (y 1642), Leusden (y 1699 Amsterdam), et plus tard, Schultkns (-f- 1760) et Schroeder (y 1 798) ; en France : d’HERBELOT (y 1669) ; l’oratorien J. Morin (y 1609) et A. Galland

(t 17’5) d) C’est en 1678 que paraît à Paris la première

édition de V Histoire critique du Vieux Testament par Richard Simon. L’auteur s’y occupe des textes et des versions. Les huit premiers chapitres présentent, au point de vue qui nous occupe, un intérêt particulier. On y avance que le Pentateuque, les Livres historiques et même les Prophètes n’avaient pas dû avoir, à l’origine, l’unité littéraire que la tradition leur a reconnue depuis. Moïse n’a pas écrit tout le Pentateuque, et même dans les parties qu’il a écrites, il s’est servi de sources et de sources multiples. Il y avait, sans doute, chez les Juifs, des historiographes officiels, qui n’étaient autres que les Prophètes, et ceux-ci avaient le droit d’ajouter au texte sacré ou d’en enlever. On peut voir dans l’article Pentateuque comment R. Simon s’j' prenait pour établir sa thèse. Du reste, il essaj^ait de faire voir qu’elle n’était pas si nouvelle qu’elle paraissait de prime abord ; en glanant à travers la patrologie chrétienne et la tradition rabbinique du moyen âge (par ex. Ibn Esra y 11 67), il avait réussi à coUiger quelques témoignages en sa faveui". L’originalité de VHistoire critique consistait moins dans ses conclusions sur le Pentateuque et les Prophètes que dans sa méthode, c’était la première étude d’ensemble ayant la prétention de dater un livre biblique d’après l’analyse littéraire et historique de son contenu. De ce point de vue, Richard Simon n’est pas tributaire de Spinoza, bien que le traité Théologico-politique (1670) de celui-ci ait précédé de quelques années VHistoire critique. Ce n’est pas en littérateur, ni même en historien, que Spinoza révoquait en doute l’authenticité du Pentateuque et des Prophètes, mais bien plutôt en philosophe panthéiste, qui rejette comme inauthentique tout ce qu’il ne juge pas être conforme aux données de la raison. Cî.^ixwGixvi., Essai sur Richard Simon, 1900, p. I25 ; Mangenot, L’auth. mosaïque du Pentateuque, 1907, p. 21 ; et, d’autre part, Westphal, Les sources du Pentateuque, I, Le problème littéraire, 1888, p. 69. Il faut en dire autant de Hobbes, Le-iathan, 1651. En réalité, Hobbes et Spinoza ne furent que des précurseurs du rationalisme en matière de critique biblique, tandis que Richard Simon a été le fondateur de la critique historique des Livres Saints, au sens moderne du mot. On a prétendu aussi, mais bien à tort, que Richard Simon relevait des principes et des travaux protestants. Il est vrai que les Sociniens et les Armi-