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CRITIQUE BIBLIQUE

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et râle de la critique biblique. 2. Terminologie, définitions et di^’isions. 3. Procédés de la critique biblique. 4- Ses ressources.

III. Critique littéraire des Livres Saints. — I. Authenticité. 1. Genres littéraires. 3. Sources, citations et doublets.

IV. La critique biblique et l’apologétique.

— i. Tradition et critique. 2. Critiques et préjugés. 3. Le parti pris dogmatique. 4- L’Eglise et la critique biblique.

I. — Histoire sommaire de la critique biblique

I. Les origines. — Entendue au sens large du mot, celui que suggère l’étyinologie, la critique biblique est aussi ancienne que l’étude de la Bible ; son histoire se confond avec celle de l’exégèse et de l’apologétique. De tout temps, l’on a senti qu’avant d’acquiescer à l’autorité d’un texte, il faut savoir de qui il est et dans quel état il s’est conservé.

a) Au seuil du 11’= siècle, S. Ignace, Pliilad., 8, rencontre déjà des chrétiens qui n’entendent se rendre qu’au témoignage des plus anciens exemplaires de l’Evangile (J. B. Lightfoot, Apostolic Fathcrs, 1889-, II, p. 271, interprète auti-ement vj toX^ àpystotç) et qui soulevaient la question d’authenticité ou d’interprétation, quand on leur montrait le passage. Ce texte, rapproché d’une citation scripturaire de S. Polycarpe, Philip., 1 (cf. Act., II, 24) et d’une réflexion de S. Iré-NÉE, lll, II, I, fait assez voir que, dès cette époque, l’exégète et l’apologiste avaient à tenir compte des menues variantes présentées par les différentes copies du Nouveau Testament. Cf. R. Cornely, LList. et crit. Introd. in [’. T. Libros sacros, 1885, I, p. 292, not. 3. Dès lors aussi, on savait donner à la comparaison des textes l’attention convenable ; cf. S. Irénée, V, XXX, I. Vers le même temps, Jean l’Ancien, dont parle Papias, avait à faire l’apologie de l’exactitude de l’évangile de S. Marc ; cf. Eusèbe, HE, III, xxxix. Papias lui-même se documentait, de son mieux, auprès des presbytres qu’il rencontrait ; car il mettait, nous dit-il, plus de confiance dans la tradition vivante (jne dans les livres. Ibid.

Les apologistes, qui vinrent immédiatement après : S. Justin, S. Irénée et Tertullien, en appellent résolument au texte inaltéré de l’A. T., dont ils pensent avoir exactement la teneur dans la version grecque des Septante ; à l’enconlre des récentes traductions judaïsantes d’AnuiLA, de Tiiéodotion et de Symmaque. Ils protestent aussi contre les retranchements faits au N. T., et notamment aux Evangiles, par les Marcioniles. S. Irénée, I, xxvii, 2 ; III, xii, 12 ; Tertul., L>e carne Christi, 2 ; Ad Marc, iv, 2-4. D’autre part, le fragment dit de Muratori, lin. 64 et 82, leur reproche d’augmenter indûment le Canon des Ecritures d’une collection de psaumes et d’une lettre de S. Paul Ad Alexandrinos. S. Irénée, lil, xi, 9, sait que des adversaires excessifs du montanisme font opposition au quatrième évangile. Du milieu du 11’siècle au milieu du iri<’, les évècpics orthodoxes veillent à ce que la bonne foi de certaines Eglises ne soit pas surprise par des colporteurs d’apocryphes, mis à fort sous le nom de quelque apôtre. Voir Canon. Pour faire ce discernement, ils ne se réclament pas seulement de l’autorité dogmatique du sentiment commun dans l’Eglise, ils font encore appel à la valeur historique de sa tradition. Cf. S. Irénée, III, iii, i ; Tertul. , De præscript., 28 ; Eusèbe, HE, VI, xii. Du reste, il n’est pas prouvé, quoi qu’on ait dit, qu’au commencement du m’siècle, Tertullien, De præscript. , 36, n’en appelait pas encore aux autographes mêmes de S. Paul.

Le travail colossal d’ORiGÈNE, connu sous le nom d’ILexaples, représente le premier essai méthodique de critique textuelle ; il s’étendait aux originaux et aux versions grecques de l’A. T. Pour venger le récit biblique du reproche de puérilité et d’absurdité, le grand polémiste chrétien ressuscita l’apologétique de l’école judéo-alexandrine (Aristobule et Philon), en recourant à l’allégorisme littéraire. Cinquante ans plus tard, S. Pamphile et Eusèbe de Césarée réussiront à vulgariser quelques-uns des résultats obtenus par Origène, dont ils avaient atténué les excès. A ce même moment, Lucien d’Antioche et Hésychius d’Egypte reprenaient la critique des textes, inaugurée par Origène. Il est difficile de dire aujourd’hui d’après quelle méthode ils ont travaillé, et avec quel succès. Le décret dit de Gélase (495) les condamne sévèrement en ce qui concerne les Evangiles.

Vers la fin du iv siècle, S. Jérôme, après avoir revisé sur le grec le N. T. latin, eut l’ambition de donner aux Occidentaux une meilleure version latine de l’Ancien ; il traduisit tous les IIatcs dont l’original hébreu ou chaldéen existait encore, ou du moins lui était accessible. De son côté, S. Augustin, que l’ignorance des langues avait tenu à distance des textes, donnait corps aux procédés courants de l’exégèse traditionnelle, dans le traité intitulé De doctrina christiana, P. /.., XXXIV, 15. Ses deux beaux livres : De Genesi ad litteram et De consensu Evangelistaruni, P. L., XXXIV, 219, io41, ont été longtemps le répertoire des apologistes. Plusieurs des applications qui s’y rencontrent ont vieilli, mais la plupart des préceptes gardent encore leur valeur. Le moyen-àge ût effort pour rendre à la version de S. Jérôme sa physionomie primitive ; de là les « Correctoires » de la Bible latine. Voir Vulgate (Histoire de la). Il se trouva même alors un franciscain, Roger Bacon (y 1294), pour plaider la cause de l’hébreu. Cf. Dict. de la théol. cath. (Vacant), II, p. 23-31. Les grandes controverses dogmatiques entre catholiques et protestants, qui remplissent les xvi* et xvii « siècles, furent l’occasion d’une renaissance des études bibliques, qui rappela l’âge d’or des iv et v siècles.

b) L’aperçu qui précède, bien qu’on n’y ait retenu que les faits les plus saillants, donne suffisamment à comprendre qu’un examen rationnel des titres historiques de la Bible a toujours été dans les habitudes de l’apologétique chrétienne. Cependant, catholiques et protestants s’accordent assez pour reconnaître que la critique biblique est relativement moderne ; volontiers, ils lui assignent pour fondateur l’oratorien français, Richard Simon (-j- 17 12). Cf. R. Cornely, Hist. et crit. Introd. in U. T. Libros sacros, 1885, I, p. 692 ; A. JiiLicHER, Einleit. in das V. T., igoS^, p. 8. Ces deux assertions ne sont pas contradictoires. Tant que l’on discuta dans l’Eglise sur les livres deutéro-canoniques du N. T., les questions d’authenticité furent agitées ; l’origine apostolique de ces écrits étant alors considérée comme le critère, tout au moins le critère de fait, de. leur canonicilé. Voir Inspiratio.n (Critère de 1’). Admettre que le Ouatrième évangile et l’Apocalypse étaient de Cérinlhe, et non de l’Aitôtre Jean, c’était s’interdire, d’avance, de les tenir pour canoniques. Quand l’accord se fut fait dans l’ensemble des églises sur le Canon, les questions d’aulhenticifé perdirent Ijcaucoup de leur intérêt. Voir plus loin, III, i, a. Dans les controverses qui suivirent, catholiques et héréliques s’entendaient sur l’origine divine et humaine de ces livres, c’était uniquement sur leur interprétation qu’ils disputaient. Même avec les infidèles, ce n’est qu’exceptionnellement que les apologistes chrétiens eurent à élablir l’authenticifc de leurs textes. Il semble bien, en effet, que Celse, Porphyre et Julien l’Apostat n’aient pas porté l’attaque de ce