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CREATION

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toutes choses ; ou enfin que Dieu est l’être universel ou indéfini, qui constitue, en se déterminant, l’universalité des êtres en genres, espèces et individus distincts, analliènie.

5. Si quelqu’un ne confesse pas que le monde et tout ce qu’il renferme, esprit et matière, dans la totalité de sa substance, a été produit par Dieu du néant, ou s’il dit que Dieu a créé, non par une volonté exempte de toute nécessité, mais aussi nécessairement qu’il s’aime nécessairement lui-même, ou s’il nie que le monde ait été fait pour la gloire de Dieu, anatbème. Cf. Denzinger-Bannwai’t, éd. lo, n. 1788, 1801 sq.

Les paragraphes qui suivent s’appliqueront à préciser et à justifier le contenu de ces affirmations.

II. Qu’est-ce que la création ? — On peut ramener à trois types les théories sur l’origine des êtres :

a. Le dualisme professe que le monde résulte de la combinaison de deux principes opposés, l’un bon, l’autre mauvais, identifié d’ordinaire avec la matière et cause de tout ce qui est désordre physique ou moral.

Dieu, dans ce système, n’a point produit la matière : elle est éternelle comme lui ; il l’a seulement ordonnée, soit du mieux qu il était possible, soit au moins mal qu’il lui plaisait. Il n’est donc pas proprement créateur, mais organisateur, architecte ou démiurge.

b. Le pantliéisme enseigne l’identité de Dieu et du monde. L’univers est ou bien la combinaison d’éléments matériels éternels (monisme stoïcien et matérialisme contemporain), ou bien l’émanation de la substance divine (panthéisme gnostique, néoplatonicien et arabe) ou le produit de cette même substance en évolution (idéalisme hégélien et idéalopragmatismc bergsonien).

Suivant cette théorie, le monde est tiré non du néant, mais de Dieu, en vertu non d’un acte libre, mais d’une nécessité de la nature divine.

c. Ze créatianisme affirme la distinction absolue du monde et de Dieu. Seul celui-ci est véritablement et pleinement ; il existe de toute nécessité par la seule perfection de sa nature. Celui-là doit à Dieu tout ce qui le constitue : c’est Dieu qui le fait être, en lui donnant quand, comme, dans la mesure qu’il juge opportune, tout ce qui le fait ce qu’il est.

Le monde, et tout ce qu’il renferme, peut êti*e et peut n’être pas ; son existence ne lui est pas essentielle ; elle est conditionnée, relative, ou, comme on dit, contingente. Celle du créateur au contraire est inconditionnée, absolue ; elle est, disent les philosophes, nécessaire.

On voit par là le sens de la formule usuelle : Dieu a fait le monde de rien. Elle signifie non qu’il l’a produit de rien, comme si le néant était une matière première positive, non materialiter ex, ni qu’il s’est servi de rien comme d un instrument réel de travail, non causaliter per, mais qu’il a fait succéder quelque chose à rien, ordinaliter post. S. Bonaventurk, In IV Sent., 1. II, dist. I, p. i, a. i, q. i, ad 6m, éd. Quaracchi, t. II, p. 18. Plus exactement, elle peut exprimer : a) soit ordre de succession : Dieu donne l’être à qui d’abord n’était rien ; b) soit, sans aucune idée de temps, négation de toute matière i)remière : Dieu donne l’être sans le tirer de quoi que ce soit, S. Thom., Suni. tlieol., i, q. xlv, a. i, 3™. La première acception est plus fréquente, la seconde plus rigoureuse.

Créer, c’est produire sans autre chose que la puissance de l’ouvrier.

III. Le monde a-t-ilété produit par création ?

— La foi l’affirme et la raison le prouve. Nous exposerons ici brièAement quelques-uns des arguments qui l’établissent.

Et tout d’abord, si mystérieuse que soit pour tous l’origine des choses, il importe que le fidèle se rende compte de ce fait : au regard du bon sens et de la logique la plus sévère, il est, avec la solution crcatianiste, en meilleure posture que qui que ce soit. Pour mettre ce fait en lumière, nous procéderons par degrés :

1° Les sciences physiques, en tant que telles, n’ont ni objections valables, ni démonstration aucune d’un système contraire.

Par sciences physiques en tant que telles, on entend ici les sciences d’observation en tant qu’elles restent dans le domaine des faits. Enregistrer, classer les phénomènes, décrire les lois de leurs agencements, voilà leur rôle. Aucune solution philosophique, soit par afTirmation, soit par négation, n’est de leur ressort. Ce principe rappelé, examinons les objections les plus courantes.

a. La Science, dit-on, ne sait rien de la création.

— C’est exact ; elle n’a pu assister à cette scène et, comme elle est unique, au moins en ce qui concerne les substances matérielles, elle ne la rencontrera jamais dans son champ d’observation. Mais du k Je ne vois pas », qui est de la science, à « cela n’a pu être », qui est de la philosophie, il y a une différence facile à saisir. Ne pas voir d’où part un projectile donne-t-il le droit de prononcer qu’il est lancé de toute éternité, et qu’il se meut tout seul ?

b. La science n’a pas besoin de cette hypothèse.

— C’est exact, si elle se borne à son rôle de description et de classification : il lui suffît alors de regarder et d’analyser. C’est faux, dès qu’elle prétend fournir une explication dernière des origines. Sur ce domaine nouveau, qui n’est plus celui de l’expérience, philosophe et savant, à charge de respecter les faits, mai-chent de pair à égal, et le philosophe aura beau jeu, pour établir que la thèse créatianiste seule s’impose.

c. La science constate des faits contraires à la création. — Rien de plus péremptoire, si l’assertion était prouvée ; mais il n’en est rien. Que dit-on surtout ?

a) Pour la science, rien ne se fait de rien. — C’est juste. Le principe prouve que si jamais le néant absolu avait existé — ni Dieu, ni monde — jamais rien n’eût existé. Il n’établit nullement qu’un être tout-puissant ne puisse pas produire quelque chose, là où rien ne subsistait. Cf. Scot, In IV. Sent., 1. II, dist. i, q. i, n, 7 ; S. Thom., De potentia, q. iii, a. i, ad’ ; "’. Du fait que le pouvoir de tous les agents qu’elle observe se borne à des modifications d’état, à quel titre la science conclurait-elle qu’aucun agent, d’aucun ordre, fùt-il infini, ne peut produire les substances elles-mêmes ? Affirmer ou nier ici quoi que ce soit dépasse l’expérience : c’est de la philosophie.

/3) Pour la science, rien ne se perd, rien ne se crée.

— A Arai dire, ce n’est ici qu’une autre forme de l’objection précédente.

L’assertion appelle certaines explications, car l’expérience montre que, si toute la chaleur dépensée se retrouve dans le travail mécanique effectué, cette transformation est irréversible, et donc la somme de chaleur utilisable en travail diminue sans cesse. Si la somme d’être reste constante, la somme de travail disponible diminue. Cf. Energie.

Qu’il suffise d’observer, pour le reste, que le principe allégué airu-me seulement l’absence de créations nouvelles et l’indestructibilité des éléments actuels. Très exact, quand il s’agit ainsi des transformations de la matière existante, qu’affirme-t-il, que nie-t-il de ses origines ?

v) Pour la science, le monde évolue et se pei’fectionne tout seul. — Non, pas précisément. Il faut dire que l’ensemble des actions et des réactions qui se