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CONSTANTIN (LA CONVERSION DE)

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félicitas, L’bertas sæculi, etc., qui remplacent les anciennes dédicaces aux divinités (Bulletin de la Société des antiquaires de France, 1890, p. 382, cf. ibid., 1901, p. 197 à 201 : Signes chrétiens sur les monnaies de l’époque de Constantin, yumisttiatiquc constantinienne, p. cxivy.

m. Quels motifs provoquèrent la conversion ?

— BuRCKnARDT et DuRUY ne voient, avons-nous dit, dans cette conversion, qn’un calcul politique. Mais, fait observer Boissier, quel intérêt pouvait avoir Constantin à se faire chrétien ? voilà ce qui est fort malaisé à découvrir (^Fin du paganisme, I, p. 2’y). Les chrétiens étaient moins nombreux en Occident qu’en Orient ; s’il se réglait sur la religion de ses sujets, l’empereur n’avait aucune raison de changer la sienne, qui était la leur. Dans la circonstance criticpie de sa lutte avec Maxence, il avait tout intérêt, au contraire, à se ménager la faveur des païens de Rome. Si donc ce ne fut point à l’intérêt qu’il céda, ce fut à une conviction personnelle. D’où lui int cette conviction ? A en croire Constantin lui-même et les historiens du temps, elle dut son origine à une intervention miraculeuse de Dieu, dans laquelle l’empereur vit une promesse de Aictoire et la révélation de la puissance du Dieu des chrétiens.

Que Constantin connût déjà, avant ce fait, le christianisme, on n’en peut douter. A la cour de Constance son père, il avait dû le voir à l’œuvre, peut-être même, à en juger par le nom de sa sœur Anastasie, le christianisme était-il entré dans sa famille. Les ménagements dont il usait, suspendant pour ses Etats la persécution dont il a^ait signé l’édit avec ses collègues, font dire à Eusèbe qu’il était chrétien de cœur. Plus tard, à Nicomédie, Constantin, otage, vit de près le christianisme florissant malgré la persécution d’Orient. Quand, à son tour, il fut le maître en Occident, il se montra favorable aux chrétiens. Mais ces constatations ne nous livrent pas le secret de sa conversion. Celle-ci fut incontestablement déterminée au cours de la guerre contre Maxence. Parti païen de Gaule, il entrait à Rome décidé pour le christianisme. Quels événements étaient intervenus ? Eusèbe, qui eut les confidences de l’empereur, nous expose le développement de ses idées au cours de cette guerre. Ce développement est si conforme aux idées qu’un païen pouvait se faire, Constantin lui-même y est si souvent revenu, qu’on a lieu de le croire fondé en réalité.

Préoccupé de mettre de son côté la protection du ciel, sachant d’ailleurs que Maxence ne négligeait rien pour s’assurer celle des dieux nationaux, il se persuada que le Dieu des chrétiens lui serait un plus sûr ajipui ; la triste lin des ennemis des chrétiens lui en était un gage, les succès constants de son père et les siens semblaient fournir une contre-épreuve (Eus., V. C. I, 27). Sa victoire sur Maxence fut à ses yeux une première vérification, et comme la récompense du choix qu’il avait fait ; les succès qu’il remporte ensuite constamment, son triomphe définitif sur Licinius, affermirent sa fidélité. Il se plaisait à faire cette constatation, et la représentait aux païens qu’il voulait amener au christianisme.

Cette conversion de Constantin, comme on le voit, a beaucoup d’analogie avec celle de Clovis : donnemoi la victoire et je croirai en toi. Plus qu’à Tolbiac, le triomphe obtenu sur Maxence eut un caractère merveilleux. Tous les historiens sont d’accord pour le reconnaître : instinct a di<, nnitatis, écrivit le sénat sur l’arc de triomphe qui en rappelait le souvenir ; ainsi parle également le panégyriste de 821 (Paneg., x, i^. P. L., VIII, 592). L’inscription sur les boucliers, au matin de la bataille, du monogramme du Christ jusqu’alors inconnu, procède évidemment d’une inspiration subite. Lactance, en 314, raconte ainsi le

fait : Commonitiis est in quiète Constantinus ut cæleste signum Dei notaret in sentis, atque ita prælium committeret (De mort, persecut., 44)- Quelques semaines seulement après la victoire, un panégyriste liaïen de Trêves, peut-être Eumenius, disait de même : Aon diihiam te, sed promissam di^-initus petere victoriam (Paneg., ix, P. L., t. VIII, 656). De même Sozo-MÈNE, écrivant un siècle plus tard. Eusèbe (//.£., IX, ix, P. G., XX, 820. avant l’année 826), se contente de dire que ce fut après avoir appelé à son aide a le Dieu du ciel, son Verbe, le Sauveur de tous, Jésus-Christ » qu’il engagea la lutte. Tous ces témoignages, si proches des événements, s’accordent à signaler l’origine miraculeuse de la foi qui guida Constantin à la victoire. Quelques années plus tard, vers 387, Eusèbe écrÎA’ant la Aie de Constantin a laissé un récit plus détaillé des événements ; récit précieux, car il nous livre la version officielle certifiée par Constantin lui-même :

« C’était l’après-midi, le soleil commençait à

baisser, l’empereur vit, de ses yeux, dans le ciel, au-dessus du soleil, le trophée de la croix formé de lumière avec cette inscription : « Triomphe par ceci. » A cette vue, lui et les soldats, qui l’accompagnaient dans une marche…, et qui furent, comme lui, témoins du miracle, furent grandement étonnés : et il commença à se demander ce que signifiait cette apparition. Il y avait beaucoup réfléchi, lorsque la nuit tomba. Alors Jésus-Christ lui apparut pendant son sommeil, avec le signe qu’il avait aperçu dans le ciel, et lui commanda d’en faire une enseigne militaire et de s’en servir comme d’une égide tutélaire dans les combats. L’empereur se leva avec le jour et révéla le secret à ses amis. Puis il fit venir des orfèvres et des joailliers ; il leur dépeignit l’enseigne de vive voix et leur ordonna d’en exécuter la ressemblance avec de l’or et des pierres précieuses : en voici la forme… » (Eus., Vila Const., i, 27-80). Ainsi que le dit Mgr Dcchesne (Hist. une. de l’Eglise, II, 5g), nul n’est fondé à démentir Eusèbe quand il assure tenir ce récit de Constantin lui-même. Mais l’empereur n’a-t-il pas quelque peu dramatisé l’histoire de sa conversion ? On serait porté à le croire. Il ne semble pas douteux, en efl’et, qu’il n’exagère l’ignorance oxi il était du christianisme ; et de plus l’événement éclatant qu’il raconte, si propre à frapper les imaginations, aurait trouvé place au premier rang dans le récit des contemporains, s’il avait eu pour témoins, comme le dit Constantin, l’armée et l’empereur. Quoi qu’il en soit du détail, nous avons montré que la conversion de l’empereur avait été tenue pour miraculeuse par les contemporains.

En résumé, ce fut bien en octobre 812 que Constantin prit parti pour le Christ ; sa conversion fut sincère ; si, néanmoins, il resta catéchumène, si dans sa vie privée il nous offre le spectacle de crimes odieux, c’est qu’il était difficile, à lui plus qu’à tout autre, de dépouiller le païen (Tertulliex. Apol. 21, déclarait même la chose impossiljle à un César). Enfin si sa vie publique n’est pas exempte de contradictions, la faute en est aux circonstances plus qu’à lui-même. Les grandes choses que l’empereur a réalisées ont couvert ses faiblesses, et c’est à juste titre qu’au premier empereur chrétien la postérité a décerné le nom de grand.

Bibliographie. — On consultera Ulysse Chevalier, Bio- Bibliographie, article Constantin ; P. Allard, Persécution de Dioclétien. t. II, p. 284 ; Je christianisme et l’empire romain, Paris, 1908 ; Beugnot, Hist. du paganisme en Occident, t. I, p. 66 ; Boissier, La fin du paganisme, t. I, 47 ; Th. Brieger, Constantin der Grosse als Beligionspulitiker, Gotha, 1880 ; Broglie, L’Eglise et l’empire romain