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CONSCIENCE

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deux derniers donnent une bibliographie fort complète ; on pourra consulter en outre le traité De confivmatione des principaux cours de théologie ; les textes liturgiques dans les recueils de Martène (nombreuses formules du haut moyen âge), Goar et Denzinger pour les orientaux, von Maltzew pour les Russes.

J. DE GUIBERT, s. J.


CONSCIENCE. — Il ne sera question ici que de / «  conscience morale, dans ses relations avec les diverses doctrines qui, sous nos yeux, prétendent au gouvernement de la vie humaine.

Sous l’influence du christianisme, écriA^ait Taine {Origines de la France contemporaine, La Révolution, t. III, p. 120), « le fond de l’âme a changé ». La conscience est un mot nouvcau, qui exprime une idée inconnue aux anciens. « Seul en présence de Dieu », du Juge infaillible qui « A^oit les âmes telles qu’elles sont, non pas confusément et en tas, mais distinctement, une à une », le chrétien sent qu’il répond personnellement de chacun de ses actes, et que « ces actes sont d’une conséquence inlinie ».

Telle est, en effet, la liaison de la conscience aA’ec l’idée de responsabilité ; tel est, d’autre part, le lien de la responsabilité avec l’enseignement chrétien.

Etudions en parallèle la notion laïque et la notion chrétienne de i-esponsabilité.

L’idée chrétienne témoigne, nous le Aerrons, d’une A’italité croissante. Quant à l’idée laïque, elle « n’est pas morte, mais elle meurt ». (Albert Bayet, Les Idées mortes, p. 60.)

AA’ant de contempler cette A-ie montante, étudions cette agonie.

I. La notion laïque. — i° Historique

La décadence de l’idée laïque de responsabilité se dÏA’ise en plusieurs périodes.

Lorsque, dans l’esprit d’un individu ou dans l’âme d’une société, une notion est ébranlée, généralement elle ne s’effondre pas du premier coup ; mais, avant de s’abattre, elle oscille quelque temps d’un extrême à l’autre. La mort est précédée d’une série alternante d’accès de lièAre et de périodes de prostration. Une actiA’ité désordonnée manifeste une énergie qui s’épuise. Certaines lueurs plus intenses expriment les derniers efforts d’un foyer qui s’éteint.

Ainsi, l’idée de foi religieuse fut d’abord exaltée par les premiers partisans de la Réforme, au point même d’exclure la nécessité des bonnes œuA’res, i)uis dépréciée pour le soi-disant profit de l’action morale, aA’ant de s’anéantir déiinitiA ement dans un protestantisme libéral où ne subsiste plus aucun dogme précis. De Luther à Weslky, et de Wesley à Sabatier : telles sont les étapes qui mènent du salut par la foi seule à la religion sans croyances ; telle est, d’une manière générale, la courbe symbolique qui résume l’histoire de toute notion qui Aa périr. La formule hégélienne n’exprime pas une loi universelle qui règle infailliblement l’éAolution des idées. L’affirmation et la négation ne se réconcilient pas toujours en une conception supérieure. Plus soment même, les deux doctrines extrêmes A’iennent se briser dans un heurt mortel à l’une comme â l’autre. De sorte que les phases de leur conflit se répartissent d’après ce rythme fatal : trop, trop peu, et puis rien ; la fièvre, le coma, et la mort.

Nous citions, comme exemple, la notion de foi dans le protestantisme. La contagion mentale s’est répandue. La commotion déAastatrice s’est propagée. "Voici, maintenant, que chancellent, après les idées réA^élées etsui*naturelles, les idées philosophiques et humaines. Les concepts qui semblaient le plus solidement enra cinés dans l’esprit et dans le cœur des hommes, s’ébranlent à leur tour. Dcvoir, responsabilité, bien et mal, mérite et démérite : autant d’archaïsmes théologiques, à l’aide desquels la libre pensée naguère devait se déguiser, mais qui la gêneraient dans sa lutte suprême avec l’esprit chrétien, et qu’elle se hâte de jeter au charnier des idées mortes.

Comment la morale laïque a successivement exalté outre mesure, puis amoindri, juiis supprimé, une de ces notions essentielles, la notion de responsabilité ; comment elle en a fait parade, avant d’en faire litière : tel est le lamentable épisode philosophique que l’on Aoudrait ici, d’abord retracer, ensuite expliquer.

Il s’agit donc, en premier lieu, de constater et, s’il est possible, de mesurer, les Aariations qu’a subies, dans la morale laïque, l’idée de responsabilité, avant d’aller rejoindre le tas déjà bien haut des croyances en ruines.

Les représentants de la morale laïque ne peuvent s’accorder à résoiulre unanimement cette question primordiale : l’homme est-il responsable ? Voilà le fait inquiétant que nous allons d’abord établir.

Certains rationalistes exagèrent la responsabilité humaine ; d’autres l’amoindrissent arbitrairement ; enfin, les nouveaux Acnus, cexix que l’on pourrait appeler les enfants perdus ou les enfants terribles de la libre pensée, nient sans détour que l’homme soit responsable de ses actes.

Parmi les puritains de la morale laïque, parmi les apôtres de la responsabilité illimitée, parmi les auteurs qui, loin de reprocher à la morale chrétienne d’imposer aux hommes un fardeau trop lourd et de les entraîner Aers d’âpres sentiers, l’accuseraient plutôt d’alléger témérairement leurs épaules et de les égarer par des chemins de Aelours, nous citerons d’abord quatre célèbres universitaires : Félix Pécaut, qui dirigea pendant seize ans l’Ecole normale de Fontenay-aux-Roses, et à qui l’on décerna, avec une particulière insistance, l’appellation de saint laïque : Gabriel Séailles, professeur de philosophie à la Sorbonne, qui, à maintes reprises, exposa, tantôt dans des Univcrsités populaires, tantôt dans des réunions d’instituteurs ou d étudiants, les principes et l’idéal de la morale indépendante ; Jules Payot, actuellement recteur de l’Univcrsité d’Aix, heureux auteur d’un ouvrage peut-être moins original que célèbre sur L’Education de la volonté, depuis nombre d’années promoteur insigne de l’éducation laïque et directeur écouté des instituteurs primaires ; Jean Izoulet, l’auteiu- de La Cité moderne, écriA’ain sonore, professeur applaudi de philosophie sociale au Collège de France, et, de temps en temps, journaliste au Acrbe précis et fort. Tous moralistes dont la pensée laïque s’enorgueillit, tous moralistes qui A’culent étendre, dépasser ou aggraA^er la notion chrétienne, et, tout particulièrement, la notion catholique, de responsabilité.

Ainsi, d’après Félix Pécaut, pour déA-elopper dans l’enfant le sentiment de la responsabilité, ce qui est le but principal de renseignement moral, il faut soustraire son âme aussi bien à « la tutelle sacerdotale, le plus mortel des dissoUants pour les peuples et pour les indÏA^idus », qu’à « la simple discipline de l’usage, de la coutume établie, des couA-enances mondaines ». M. Pécaut estimait sans doute qu’en acceptant ou en sollicitant « la tutelle sacerdotale », l’homme restait un perpétuel mineur. Il estimait que, sans jamais reccA-oir de confiance aucun enseignement ni aucune direction, quels qu’ils fussent, nous dcA’ions porter seuls toute la responsabilité de nos idées et de notre vie morales. Le catholique qui croit à l’infaillibilité doctrinale de l’Eglise en matière de dogme comme en matière de règles de mœurs, le