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CONCILES

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qu’il n’y a point de raison d’exiger une approbation ou confirmation pontificale postérieure au concile ; le pape peut donner son assentiment aux résolutions conciliaires par l’intimation d’une définition préalable ou par le vote de ses légats, munis d’instructions précises et s’y conformant exactement ; il fournit ainsi sa contribution indispensable à leur valeur souveraine, et cette contribution n’a manqué de fait à aucun des grands conciles orientaux. Que si les empereurs sont dits confirmer, eux aussi, les décisions des conciles, cela est vrai et pai-faitement légitime, en ce sens qu’ils leur donnent force de loi dans l’empire : mais la confirmation impériale, loin de fonder, même partiellement, la valeur juridique du décret conciliaire, la suppose nécessairement et en découle, suivant le droit public, de l’époque, comme un devoir.

En ce qui concerne la convocation, l’objection disparaît également devant la distinction entre convocation matérielle et convocation formelle : celle-là a été principalement le fait des souverains, et il ne pouvait en être autrement, étant données les circonstances ; quant à celle-ci, non seulement elle a eu pour auteurs les papes, qui en déterminaient d’ailleurs le but et en fixaient impérativement les limites, mais les princes se sont proclamés incompétents par rapport à elle. Une réponse et une distinction analogues ont déjà été indiquées touchant le droit de présider : aux empereurs la présidence d’honneur, de protection et de police extérieure, d’autant plus que l’excitation des esprits est parfois si grande, au moment de la tenue des conciles, que rien ne serait humainement réalisable sans l’appui du bras séculier pour assurer l’ordre ; aux papes, représentés par leurs délégués, puisque à aucun des conciles dont il s’agit le pontife romain n"a assisté en personne, la présidence juridique, la direction effective des débats sur les affaires ecclésiastiques.

Cette préséance d’autorité nous est attestée, et par les consignes impératives dont les légats de Rome étaient les porteurs et les fidèles exécuteiu-s, et par la place qu’ils occupent au sein des sessions, et par l’ordre des signatures apposées au bas des procèsverbaux. On peut voir ces signatures reproduites dans les grandes collections des conciles. Osius de Cordoue, à Nicée (Mansi, t. II, col. 692), et Cyrille d’Alexandrie, à Ephèse (Mansi, t. IV, col. 1363) viennent avant les délégués romains. Mais Cyrille agissait lui-même au nom du pape, qui lui avait écrit (Mansi, t. IV, col. 1019) : « Investi de l’autorité de notre Siège, en notre lieu et place, comme qxielqu’un qui en a le pouvoir, vous exécuterez cette sentence… » ; et les Actes conciliaires notent expressément, au début de la ii<= session (Mansi, t. IV, col. 1279), que « Cyrille d’Alexandrie tient la place ((Jterîvroç tc-j to’ttov) de Célestin, le bienheureux et très saint archevêque de l’Eglise romaine ». Tout porte à croire qu’Osius présidait en la même qualité : cette supposition est autorisée par la pratique constante des âges postérieurs ; d’anciens auteurs affirment la chose ; puis, quel autre titre 1 evèque espagnol aurait-il eu à être préféré à tous ses collègues ? J’ajoute que, si parfois des évêques particuliers avaient eu la préséance sur les députés de l’Eglise romaine, il conviendrait de remarquer que jamais cette Eglise n’était représentée par son propre évêque. L’ensemble du concile de Chalcédoine n’est pas souscrit par les légats, en raison du canon 28, contre lequel ils protestaient ; mais leurs signatures se présentent en tête de toutes les autres, au bas de la condamnation de Dioscore (m* session, Mansi, t. VI, col. 1081) et de la définition de foi (vie session, Mansi, t. VII, col. 136). En outre, leur droit de préséance ressort clairement des’procès-verbaux de toutes les sessions, à partir de la deuxième. Cf. Mansi, t. VI, col. 689, 978 ; t. VII, col. 3, 97, 117, 136, 179, 185, 198, 271, 423, etc. Le deuxième et le cinquième conciles, tenus tous les deux à Constantinople, mais non œcuméniques au moment de leur célébration, ne peuvent entrer ici en ligne de compte. En revanche, le VII « et le VIII" conciles (Mansi, t. XIII, 379 ; t. XVI, 189) fournissent de nouveaux exemples du droit des légats pontificaux. Ce fait, si constant, est d’autant plus significatif que les délégués romains ne sont pas toujours évêques : à Chalcédoine, l’un des trois n’est que prêtre ; à Nicée, en 787, ils sont deux, simples prêtres l’un et l’autre ; à Constantinople, en 869, l’un des trois n’était que diacre. On a dit que, sauf à Chalcédoine, la présidence effective aurait été régulièrement exercée par l’évêque du lieu. Cette assertion est démentie par les documents officiels : de même qu’à Chalcédoine les légats romains souscrivent avant Anatole, patriarche de Constantinople, de même, au VI « concile et au VIU^, réunis dans cette ville, ils souscrivent avant les patriarches Georges et Ignace. Au 11^ concile de Nicée, Hypatius, évêque du lieu, vient le quinzième parmi les signataires (Mansi, t. XIII, col. 135, 381).

5" D’aucuns ont réclamé pour les membres du clergé inférieur le droit de voix délibérative dans les conciles. Ils prétendent ne demander ainsi que le retour à une ancienne coutume ; surtout, ils invoquent la pratique inaugurée à Jérusalem par les Apôtres, suivant Actes, xv.

Il s’en faut que ces deux fondements soient solides et de nature à justifier la réclamation. Commençons par le chapitre des Actes relatif à la réunion de Jérusalem. Il est vrai que le verset 6 nomme les anciens (j : pt7^ùrtpoi) à côté des Apôtres : « Les Apôtres et les anciens s’assemblèrent. » Mais, en admettant, ce qui n’est cependant pas certain, que le nom de nps’j^ùrepot désigne de simples prêtres, si le fait de leur présence impliquait pour eux l’exercice du droit de vote, il faudrait étendre cette déduction mêmeaux laïques ; ceux-ci aussi, en effet, furent présents, nous le voyons par le verset 12, surtout par le verset 22 :

« Alors il parut bon aux Apôtres et aux anciens, 

ainsi qu’à toute l’Eglise », et encore, d’après la leçon de plusieurs manuscrits, par le verset 23 : « Les Apôtres, les anciens et les frères, aux frères d’entre les païens. » L’absurdité de cette conséquence doit nous persuader qu’on a mal interprété le passage de saint Luc. En réalité, dit Bellarmin, la réunion de Jérusalem était composée d’éléments fort divers :

« les Apôtres y assistèrent comme juges, avec pouvoir

de décider, et les anciens, comme consulteurs ; quant au peuple, sans avoir été invité, il fut aussi admis et présent, non pour décider ni discuter, mais pour écouter sans contredire ». A l’appui de cette classification, le même auteiu- apporte deux arguments. Le premier se tire de l’usage de l’Eglise, lequel nous est le plus sûr garant du sens de l’Ecriture : dans tous les conciles postérieurs à l’âge apostolique, nous voyons la fonction de juge réservée aux évêques, qui étaient poiu’tant entourés de beaucoup d’autres, tant clercs que laïques ; nous devons donc penser que le concile de Jérusalem n’avait pas agi différemment ; car qui admettra que « toute l’Eglise se soit, surtout à cette époque primitive, écartée de l’exemple et de la tradition des Apôtres » ? Un examen attentif de l’ensemble du contexte corrobore ce raisonnement. Le verset 6 nous montre que, seuls, les Apôtres et les anciens avaient été invités : « Les Apôtres et les anciens s’assemblèrent pour aviser à cette affaire. » Les uns et les autres parlèrent tant que diu-a le débat ; c’est ce qu’insinue suffisamment le verset 7 : « Une discussion s’étant engagée… »