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CONCILES

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question théorique, c’est à la théologie et à l’histoire d’y répondre scientifiquement, d’après l’examen objectif des documents, et c’est à l’Eglise, nous l’avons déjà montré, de la trancher authentiquement, si elle le juge à propos. D’ailleurs, étant donnée la distinction communément admise entre œcuménicité matérielle et œcuménicité formelle ou d’autorité, si l’on admet en outre que celle-ci, fùt-elle seule, suffît pour justifier le titre d’œcuménique, il reste à peine place pour un dissentiment. Ainsi, il n’est pas un chrétien, — je ne dis pas un catholique, — tant soit peu instruit et sincère, qui ne reconnaisse comme œcuméniques les quatre premiers conciles d’Orient, qui ont condamné successivement les erreurs d’Arius, de Macédonius, de Nestorius et d’Eutychès ; et pourtant le deuxième de la série, tout le monde en convient également, n’a que la seconde forme d’œcuménicité. Nous pouvons faire une constatation semblable relativement au II® concile de Constantinople, celui qui a condamné les Trois-Chapitres. D’autre part, si certains bons auteurs (cf. Funk, Hist. de VEgl., ti" édit. allem., p. 384) paraissent révoquer en doute l’œcuménicité du V « concile de Latran, c’est uniquement à cause du petit nombre d’évêques qui y ont assisté, au point de vue donc de l’œcuménicité matérielle ; même pour eux, l’œcuménicité formelle est hors de doute.

Quelques gallicans ont tenu pour œcuméniques absolument les trois conciles de Pise, de Constance et de Bàle ; mais ils sont restés seuls ou presque seuls de leur avis, et c’est justice. En efYet, le concile de Pise, assemblé par les cardinaux sans l’assentiment et sans la particijjation d’aucun des deux prétendants à la papauté, n’ayant jamais été dans la suite l’objet d’une approbation qui ait pu guérir ce vice originel, n’a manifestement rien de l’œcuménicité. Ajoutons qu’il ne représentait pas même matériellement l’Eglise, puisque l’Espagne, la Hongrie et les pays du Nord n’y avaient pas été invités. Celui de Bàle avait été régvilièrement convoqvié par Eugène IV, en.1431. Toutefois, frappé d’un décret de dissolution après sa première session et avant d’avoir pu décider quoi que ce soit, s’obstinant à siéger malgré tout, autorisé ensuite à nouveau par le pontife en 1433, déiinilivement dissous en 1 43^, s’entètant alors encore à poursuivre ses sessions et sombrant ainsi dans le schisme, il n’eut guère, même à ses meilleurs moments, les allures d’une assemblée catholique, c’est-à-dire unie effectivement au centre de la catholicité. Mais ce qui paraît décisif, c’est que, durant les trois années (fin 1^33 à mai 143’j)où il siégea avec l’autorisation ^ du Saint-Siège et sous la présidence des légats romains, emporté par l’esprit scissionnaire qui dominait la majorité, il ne put rien faire en communauté de sentiment avec le pape, sauf quelques décrets disciplinaires sans grande portée comme sans grand résultai. Reste le concile de Constance, dont la situation fut sensiblement différente de celle des deux précédents. On doit, en effet, le considérer comme certainement œcuménique pour sa dernière partie, celle’lui suivit l’élection de Martin V et qui embrasse quatre sessions, de la xlii’à la xlV. Sur son caractère antérieurement à la xlii’session, on est un peu moins, d’accord. Ceux qui tiennent Jean XXIII pour le pape légitime pensent conséquemment que le concile avait été régulièrement convoqué et qu’il était de ce clief œcuménique, mais qu’il cessa de l’être après sa u’session, par suite de la fuite de Jean XXIII. Ceux qui, avec plus de raison, prétendent que Grégoire XII était resté le pape véritable, remarquent qu’il ne s’associa au concile qu’à partir de la xiV session, pendant laquelle il se démit volontairement du pontificat ; ils en concluent que l’assemblée acquit alors seulement l’œcuménicité et qu’elle la perdit

presque aussitôt, l’Eglise étant demeurée sans chef visible jusqu’à l’élection de Martin V. Dans une hypothèse comme dans l’autre, le concile de Constance était acéphale et certainement non œcuménique dans ses fameuses sessions iii, iv et v, où il décréta que le concile, à moins de motifs raisonnables et jugés tels par lui-même, ne pouvait être ni dissous ni transféré avant d’avoir mis fin au schisme et réformé l’Eglise dans sa tête et dans ses membres ; qu’il tenait ses pouvoirs immédiatement de Jésus-Christ, et que tout chrétien, même le pape, lui devait obéissance en tout ce qui ressortissait à sa mission. D’ailleurs ces décrets, qui ont acquis une triste célébrité, que le conciliabule de Bàle a repris en les aggravant, que l’assemblée de 1682 a de nouveau préconisés, ne furent jamais approuvés ni par les papes ni par l’Eglise universelle ; caducs dès leur origine, ils le sont toujours restés. On a dit qu’il faut bien que le concile de Constance ait été œcuménique, qu’il ait, en d’autres termes, été « dépositair^ela puissance souveraine », puisqu’il a pu terminer le schisme et créer enfin un pape certainement légitime ; d’où il suivrait que « les ultramontains » se contredisent, qui lui refusent la primauté et lui accordent le pouvoir de la transmettre. Ceux qui font cette objection supposent à tort que la faculté d’élire le chef de l’Eglise implique dans les électeiu"s la possession de la même puissance dont la collation suivra leur choix. En temps ordinaire, ce sont les cardinaux qui élisent le pape, et personne n’a jamais pensé que le collège cardinalice possédât, même pendant l’interrègne, la primauté ecclésiastique. Il est vrai que l’élection de Martin V

« tirait toute sa légalité de celle du concile » ; mais il

n’est pas permis de confondre l’œcuménicité du concile avec sa « légalité », ou son pouvoir légitime en vue de l’élection. Je n’ai pas besoin d’ajouter que l’acte des Pères de Constance avait été rendu possible, voire nécessaire, par le fait que Grégoire XII, qui était très vraisemblablement, selon le témoignage des sources, le seul pape véritable, avait abdiqué entre leurs mains le pontificat suprême.

4° Les huit premiers conciles œcuméniques, tous célébrés en Orient, ont été l’objet de critiques particulièrement acerbes et plus ou moins spécieuses, à cause de l’intervention des empereurs, qui semble y dominer, y effacer presque celle des papes. Si nous en croyons leurs détracteurs, ils se présenteraient à peinecomme des assemblées vraimentecclésiastiques ; tout au moins leur histoire prouverait-elle, de la part du pouvoir civil, une usurpation, et, de la part du pouvoir religieux, une abdication ou une connivence également inadmissibles et inexcusables. Cf. Salem-BiER, Le grand schisme d’Occident, p. aSi suiv.

Que les souverains de Byzance aient eu. comme d’autres, une forte tendance à empiéter sur le domaine spirituel, qu’ils n’aient pas toujours, dans leurs prétentions, leur manière de parler et d’agir, respecté les limites justes et convenables, c’est ce que je me garderai bien de contester ; et je l’ai expressément reconnu plus haut. Mais j’ai exposé aussi les raisons graves, pressantes, qu’ont eues les papes de fernier souvent les yeux sur les excès d’un zèle inconsidéré ou d’une ambition mal déguisée, de ne réclamer du moins qu’en une forme très modérée et en choisissant leurs moments ; j’ai cité comme exenqdcs les discrètes et opportunes revendications de saint Célestin I « =S de saint Léon, d’Agathon, d’Hadrien I’-" et d’Hadrien II. Du reste, la participation essentielle du chef de l’Eglise a toujours été sauvegardée. Pour s’en convaincre, qu’on veuille bien se rappeler ce qui a été dit de la convocation, de la présidence et de la confirmation des conciles. Relativement à la dernière, nulle diffîculté sérieuse : nous avons vu, en effet,