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CONCILES

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liabiluellement du concours des deux premières, qui ne peut faire défaut où elles se rencontrent, est leur but essentiel. Elle seule est absolument indispensable pour constituer le concile œcuménique comme tel ; dans ce sens, elle en est, pour ainsi dire, l'élément formel, pai* opposition à ses conditions extérieures et matérielles ; elle est susceptible de remplacer les deux autres, sans que rien puisse la remplacer. Aussi bien faut-il rejeter le langage des auteurs qui, distinguaiat entre œcuménicité et universalité, supposent un concile méritant la qualification d'œcuménique par le nombre et la variété de ses membres, abstraction faite de la présence et de la coopération du pape. Suivant l’appréciation et la terminologie traditionnelles, un concile n’est pas plus tviuménique qu’il n’est universel, s’il n’est la représentation juridique, l’organe autorisé de toute l’Eglise, et sans le souverain pontife, nulle assemblée épiscopalc, si nombreuse soit-elle, ne saurait vérifier ces deux dénominations, puisqu’elle ne sera jamais quun corps acéphale. En revanclie, l’intervention du pasteur suprême suftira souvent pour suppléer ce qui pourrait manquer d’ailleurs à l'œcuménicité, parce qu’elle garantira l’autorité absolue et universelle des décisions.

De là vient que certains conciles soiU considérés comme œcuméniques pour une partie seulement de leurs décrets, le concours ou l’approbation du SaintSiège n’ayant pas été étendue au reste. Nous avons un exemple célèbre dans le concile de Chalcédoine, dont le 28 « canon est resté caduc, parce qu’il fut voté contre le gré des légats de saint Léon et que celui-ci refusa de le ratifier. Et parmi ceux que tous les théologiens et tous les canonistes s’accordent à regarder comme œcuméniques, il en est deux, le Ile et le V*' de la série chronologique, qui ne l'étaient pas en euxmêmes, du fait de leur convocation et de leur célébration, et qui le sont devenus uniquement grâce à la ratification subséquente et supplétive du pape : au l""" concile de Constantinople (381)iln’y eut d’invités et de présents que les évoques orientaux ; quant au II' (553), le pontife romain, bien que prié de s’y trouver, préféra s’abstenir complètement ; dans un cas comme dans l’autre, l'œcuménicité de convocation et l'œcuménicité de célébration tirent également défaut. Mais, postérieurement. Home se rallia à la condamnation des Pneumatomaques par le concile de 38 1, ainsi qu'à celle des Trois-Chapitres, prononcée en 553. Depuis lors ces décisions conciliaires ont été réputées et sont en réalité décisions de l’Eglise universelle ; les conciles dont elles émanent primitivemont sont, de ce chef et dans ce sens, mis au nombre des conciles œcuméniques. Encore faut-il observer que l'œcuménicité du concile de 381 est, comme la ratilication pajiale, restreinte au décret dognuitique, à l’exclusion de la disposition qui revendiquait pour le siège patriarcal de Constantinople le premier rang après celui de Rome.

Du reste, l’usage communément reçu quant à cette attribution rétrospective d'œcuménicilé comporte quelque chose de conventionnel, quelque chose du moins qui ne s’explique que parliellemenl par les circonstances et influences locales : il a toujours refusé l’honneur de cette appellation à plusieurs conciles régionaux dont les décisions ont i » ourtant acquis force de lois souveraines et universelles, ayant été adoptées comme règle de foi par le Saint-Siège et par l’Eglise tout entière. De ce nombre est le concile plénicr tenu à Carthage en 418. Il reprit et fit sienne, ((nu-ernant h- péclié originel et la grâce, la doctrine dcja formulée, deux ans auparavant, par un concile de Milève et approuvée par Innocent l=^ Ses huit canons furent, à leur tour, conlirmés pat le i)ape

ZoziME, qui, dans une Eplstula tractoria célèbre, les intima à tous les éA'êques. Le concile d’Orange de 529 (Araiisicanuin II"'") doit être rangé dans la même catégorie. Il sanctionna, contre les semi-pélagiens, vingt-cinq propositions dogmatiques qui lui avaient été transmises par Félix III et qui étaient extraites presque mot pour mot des écrits de saint Augustin. Ratifiées de nouveau, l’année suivante, par BoxiFACE II, successeur de Félix, ces propositions sont devenues, au témoignage de Quesxel même dans son livre sur la Traditio Ecclesiæ Roinanae, une norme de croyance ol)ligatoire pour tous, quam non sequi nemini permissuni eral.

III. Convocation, présidence, confirmation des conciles œcuméniques. — A jjart le nombre et la qualité de ceux qui y siègent, un concile œcuménique, pour justifier les deux parties de son nom, c’est-àdire pour être une véritable expression de ïautorilé ecclésiastique uni^'erselle, doit remplir certaines conditions relatives à sa cons’ocation, à sa présidence et à sa confirmation. A ce triple point de vue on a soulevé des difficultés historiques contre la légitimité ou la régularité des grands conciles orientaux. Il importe donc de rappeler les principes qui régissent ces côtés de la question et d’en montrer l’application dans les faits.

X.Comocation. — i" Principes théolugiques. — C’est au pape seul, à l’exclusion de toute autre personnalité soit ecclésiastique soit séculière, qu’appartient proprement et en soi le droit de convoquer un concile œcuménique. Cette affirmation du droit absolu et exclusif du souverain pontife est commune à tous les théologiens ; elle est pour eux un corollaire immédiat de la doctrine sur la distinction des deux pouvoirs et sur la primauté romaine. Leur sentiment n’est que l'écho de celui de l’Eglise elle-même, que rend manifeste la pratique constamment suivie depuis le xm^ siècle. Tous les conciles œcuméniques d’Occident ont été convoqués par les papes agissant dans la plénitude de leur indépendance spirituelle. Rien de mieux fondé en raison et dans la nature des choses que ce sentiment et cette pratique.

Car 1) il s’agit d’une assemblée essentiellement ecclésiastique par ses membres et par son objet, d’une assemblée dont les délibérations et les décisions, qu’elles concernent directement des personnes ou des choses, qu’elles visent la discipline ou le dogme, sont ilordre strictement religieux. Il n’appartient qu'à l’Eglise de décider et d’organiser une entreprise de ce genre ; et seul, dans l’Eglise, le successeur de Pierre, le pasteur des pasteurs, a, de droit divin, qualité et puissance pour obliger les évêques du monde entier à se réunir en un lieu et un temps déterminés et à y aviser, de concert avec lui, à telle ou telle difficulté, à telle ou telle question intéressant la chrétienté, que lui-même désigne et délimite selon les circonstances. Nul prince temporel ne pourrait, sans sortir de ses attributions légitimes, sans empiéter sur la juridiction spirituelle, prétendre à intimer i)areil ordre. D’ailleurs, à quel titre le ferait-il ? L’Eglise, grâce à sa catholicité, dci » asse les limites de n’importe quel Etat ; déjà à l'époque du concile de Nicée, ses frontières dél)ordaient de toutes parts celles de l’enq)ire romain. Il est inutile d’ajouter que, sauf l'évêque de Rome, aucun membre du corps épiscopal ne saurait prétendre, et pour cause, iiiq)oser à tous ses collègues indistinctement la présence et la participation à une réunion conciliaire.

2) Les théologiens, tels Palmieri (De lîomano Ponlifice, part. II, cap. ii, thesi 28) cl Ma/zklla (De lieligione et Ecclesia, disp. v, art. 5) établissent la même thèse en prenant comme iioinl de départ le mode d’ac-