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CŒUR DE JÉSUS (CULTE DU)

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Dès 169’j, le Saint-Siège avait été sollicité d’accorder une faveur plus considérable : la concession d’un oflice et d’une messe propres. La réponse de la Congrégation des Rites l’ut, en 1697, puis en 1727, pratiquement ou formellement dilatoire. Une nouvelle tentative, en 1729, essuya un refus : il pouvait, de fait, sembler prématuré et d’un exemple trop entraînant, de décerner pareil honneur à une dévotion de diffusion récente et dont le caractère hors pair ne s accentuait pas encore aux yeux de tous assez fortement ; et puis, surtout, la Congrégation tenait à ne pas paraître se prononcer, fût-ce indirectement, dans une cjuestion philosophique à bon droit controversée, le postulateur, P. de Galliffet, ayant tiré argument du rôle du cœur considéré comme organe et coprincipe des affections. (Cf. Nilles, op. cit., t. I, p. 87 et sqq.) D’ailleiu-s, ce refus n’avait rien de définitif. Si bien, qu’en i^Gô, la même requête, reprise par l’épiscopat de Pologne et l’archiconfrérie romaine du sacré Cœur, appuyée par des princes et par un nombre croissant d’évêques et de hautes notabilités ecclésiastiques, obtenait gain de cause près de la Congrégation des Rites, qui, rapportant sa décision précédente, accordait aux solliciteurs l’oUîce et la messe propres demandés. (Cf. Nilles, op. cit.. t. I, p. 162.) Par la suite, le même privilège fut libéralement concédé

— parfois avec un rite plus élevé — à tous les diocèses. Etats, villes, ordres religieux, confréries, qui en exprimèrent le désir.

Une habileté janséniste fut, durant longtemps, de confondre deux questions distinctes : approbation du culte du sacré Cœur, concession d’une fête avec office propre. Ils faisaient par là entendre que Rome avait répugné et même s’était, un certain temps, positivement refusée à reconnaître comme légitime le culte du sacré Cœur, alors que, selon la lenteur prudente dont elle estcoutumière, elle avait seulement attendu le moment convenable pour reconnaître hautement à un culte — d’ailleurs approuvé depuis longtemps et sans hésitation — la dignité et l’importance que suppose une sanction plus solennelle. Le décret de 1^65 énonce, du reste, expressément qu’il n’a pour effet que de développer et d’étendre (arnpliari) un culte déjà existant et prospère. Au surplus, les luêmes adversaires tâchèrent de détourner le sens de ce décret, on aflirmant que la Congrégation des Rites condamnait équivalennnent le culte du Cœur symbole d’amour, par le fait qu’elle aurait autorisé uniquement le culte du cœur métaphorique — autrement dit, de l’amour à l’exclusion de tout élément corporel. Or, en réalité, le décret déclare viser à étendre le culte tel qu’il est établi, ayant pour but de « symhoUce reno^ari memoriam illius di’ini amoris… ». Seul le cœur corporel du Verbe incarné est et peut être dit symbole d’amour ; le cœur métaphorique, lui, n’est rien autre que l’amour même et ne saurait donc en être le symbole, le symbole étant forcément autre que la chose symbolisée. En outre, le décret de 1766 constitue une réponse directe au mémoire des évêqiies polonais, lequel spécifiait, au 5^ n-, n. 82, qu’il s’agissait « de Corde non translatitie snmpto, sed in propria ac nativa significatione accepto, videlicet ut pars est corporis Christi nobilissima… » (dans Nilles, op. cit., t. I, p. iiG).

D’une façon plus directement doctrinale, Pik VI, rendit un témoignage éclatant à la légitimité du culte du sacré Cœiu- : non content d’en avoir pris i)ersonnellement la défense en repoussant les attaques injurieuses de l’évêque janséniste de Pistoie et Prato (lettre du 29 juin 1781 à Scipion de Ricci), il condamna formellement les assertions et les imputations de ses détracteurs, dans la bulle Auctovem (idei, du 28 août 1794 (propos. 62 et 63. o’iv Bullnr. Roman. Continuai,

t. IX, p. 411j t)u Denzinger-Bannwart, Enchir. *o, 1 562-1 563).

Au cours du xix’siècle, le culte du sacré Cœur fut de plus en plus mis en honneur par la suprême autorité ecclésiastique. Le 23 aoîil 1 856, acquiesçant à une supplique de l’épiscopat français. Pie IX étend à l’Eglise universelle, en la rendant obligatoire sous le rite double majeur, la fête du sacré Cœur, que presque tous les diocèses avaient déjà obtenue isolément, à titre de privilège particulier. En 1864 la béatification de Marguerite-Marie apporte une sanction de plus à la dévotion que l’humble Visitandine a si admirablement contribué à promouvoir. Faisant droit à la requête de plus de cinq cents évêques et à d’innombrables pétitions des fidèles, le souverain Pontife approuve et recommande une consécration générale pour le 15 juin 1876. Toujours à la suite de sollicitations multiples et réitérées, Lkon XIII élève la fête pour l’Eglise entière au rite double de première classe, sans octave ni adjonction du précepte des fêtes chômées (Lettre apostolique du 28 juin 1 889), avec permission de remettre la solennité au dimanche (28 juillet 1897). Enfin par l’encyclique ^ «  «  « m sacrum du 25 mai 1899, le même pape ordonne la consécration du genre humain au Cœur de Jésus, prononcée dans toute l’Eglise le Il juin suivant.

VIII. La prétendue opposition de Benoît XIV.

— Un des lieux communs traditionnels de la polémique janséniste est de représenter le pape Bexoit XIV comme un antagoniste déclaré du culte du sacré Cœur. Emis en premier lieu par Scipion de Ricci, cet audacieux mensonge a été depuis lors soigneusement reproduit, Aoire accentué : dans un article sur le Sachû-Cœvh (Dictionnaire de la conversation et de la /eci » re2, Paris, Firmin-Didot, 1868) le poète classique ViENNET, de l’Académie française, ne va-t-il pas jusqu’à écrire que Benoît XIV appela ce culte « une idolâtrie » — pas d’indication de source, naturellement. Quand ces appelants inattendus à l’autorité d’un pape se mettent en peine de montrer qu’ils n’inventent pas de toutes pièces — cette inqirudence leur arrive parfois — ils se réfèrent iuA ariablement à un unique passage des œiivres de Benoît XIV, celui où l’auteur relate la conduite tenue par lui-même comme promoteur de la foi dans la question d’une fête à établir en l’honneur du sacré Cœur : De senorum Dei beatificatione et heatorum canonizatione, lib. IV, part. II, cap. xxxi, un. 19-25. A noter, en passant, que cet « ouvrage de Benoît XIV '> fut publié à Bologne dès 1784-1738, alors que son auteur occupait le siège archiépiscopal de cette Aille et ne devait monter sur le trône pontifical qu’en 1740. Assez peu importe, d’ailleurs ; venons au fait.

En 1726, sous le pontificat de Benoît XIII, la Congrégation des Rites fut saisie d’une demande, non pas d’approbation du culte du sacré Cœur, mais, affaire plus spéciale, d’institution d’une fête liturgique du sacré Cœur avec concession d’une messe et d’un oflice propres. La cause introduite avait pour Postulateur, chargé de la soutenir, le P. Joseph de Galliffet. Le Promoteur de la Foi, à cette époque, était le futur Benoît XIV, alors Prosper Lambertini, archevêque-évêquc d’Aiicône.

On sait en quoi consiste, dans la procédure de la Congrégation des Rites, l’intervention du Promoteur de la Foi.

Le rôle de ce personnage important est assez bien caractérisé par le nom, moins fastueux, qui lui est vulgairement appliqué d’Avocat du diable. Ce rôle est tout d’opposition, et d’opposition systématique. Ce que l’on demande au Promoteiu- de la Foi, ce n’est pas de donner son opinion et ses conclusions person-